Moudon, un bâtiment clair sur deux niveaux, le long de la route de Berne : c’est là que se trouve l’église évangélique. Mais là aussi que se tiennent tous les jeudis soir les entraînements de boxe pour les 13 à 17 ans. De trente à soixante jeunes y convergent dès 19h, filles comme garçons. « Ça permet d’évacuer certains problèmes de la vie qu’on a en général, pis ouais, ça fait du bien », exprime l’un d’eux. Non sans ajouter que la pratique du noble art l’a aidé personnellement : « J’avais besoin d’une activité physique assez forte pour sortir la colère que j’ai en moi. Et ça marche bien. » Matthias, 28 ans, est l’un des membres du « staff », comme il dit. Il présente le local pour jeunes du rez-de-chaussée où deux sacs sont pendus au plafond : « On a débuté là, mais c’est vite devenu trop petit, on a dû monter dans la salle de culte où on fait aussi l’échauffement tous ensemble. »
Musique et bonne ambiance
Les premiers qui arrivent se donnent de grandes accolades, puis prennent les gants et les « pads », ces coussins que l’on enfile aux mains pour retenir les coups. Ils amènent ce matériel d’un réduit jusqu’à l’étage. Ce soir, c’est Ken, 17 ans qui dirige l’échauffement : « Répartissez-vous dans la salle. Allez, on fait les chevilles ! » Tous les jeunes se mettent en mouvement et suivent les indications au son d’une musique scandée que gère tout exprès le DJ d’un soir. « Y’a une bonne ambiance ici, les gens sont gentil », expriment deux jeunes filles de 14 ans. Plus loin, un ado lance que « c’est comme une famille ».
Modèle anglais
Box Up Crime Switzerland s’est créé suite à la rencontre entre Stéphane Hofer, membre de l’église évangélique de Moudon (FREE) et Stephen Addison, un Britannique qui a débuté l’activité dans son quartier défavorisé de Londres en 2013 et qui s’occupe aujourd’hui de quelque 600 jeunes boxeurs. « C’est lui qui est venu à Moudon et qui a cherché des personnes intéressées sur les terrains de foot. Ça a tout de suite marché ! » Box Up Crime pourrait être traduit en français par « La boxe contre la délinquance ». Ou contre « toutes ces choses qui dévient les jeunes de leurs rêves, de leur destin », exprime Matthias. Qui explique que le rêve du comité de l’antenne suisse est de faire croire les ados en leur avenir. « Moi-même, depuis deux ans que je viens ici, j’ai tellement évolué dans ma vie... Aujourd’hui j’ai un poste de manager dans ma boîte. Box Up m’a aidé à croire en moi. »
Essaimage
Stéphane Hofer parle encore de « bonnes influences » que les 13 à 17 ans peuvent trouver là, autour d’une activité qui les intéresse. « Et pas de combat ici, c’est très clair ! Mais c’est magnifique de les voir dans nos locaux d’église ! » La formule a déjà essaimé à Vevey où les paroisses réformées de Corsier, Vevey et Chardonne la chapeautent depuis déjà plusieurs mois au moyen de la communauté l’Arbre de vie. Et Stéphane Hofer rêve d’avoir une remorque avec un ring gonflable pour amener Box Up dans d’autres villes et villages encore qui n’ont a priori pas de locaux à disposition.
Un lieu où les jeunes se sentent aimés
A l’issue de l’heure de sport, un « circle time » est institué, soit un moment où les jeunes se mettent en cercle pour recevoir un message de 10 minutes maximum qui les interpelle. Cela peut être une pensée, un témoignage, voire une prière… mais l’équipe fait toujours très attention de ne pas heurter les sensibilités plurielles qui se côtoient ici. « J’y assiste, mais ça ne me fait ni chaud ni froid », commente un jeune, qui fait une petite pause après avoir tapé dans les sacs. Un autre se souvient avoir été aidé par une pensée partagée lors de ces moments-là. L’enthousiasme pour l’aspect « sérieux » de la soirée est donc parfois mitigé. « Mais ici, on veut avant tout qu’ils se sentent aimés », résume Stéphane Hofer.
Gabrielle Desarzens