Dans un briefing destiné aux diplomates du Conseil des droits de l’homme, le président de l’EPA Mahmoud Haddad s’est exprimé mercredi matin 5 avril de façon claire en faveur d’une révision d’une ordonnance contre le prosélytisme introduite en 2006. Selon lui, celle-ci est comme une épée de Damoclès sur la minorité chrétienne, puisqu’elle prévoit des peines de prison de 2 à 5 ans pour celui « qui tente de convertir un musulman à une autre religion », ou qui vise à « ébranler la foi d’un musulman ».
Code de la famille également à l’index
Mahmoud Haddad a aussi demandé un changement du code de la famille qui, inspiré par la charia, ne permet actuellement pas à une femme algérienne d’épouser un étranger non musulman ; ou encore à un chrétien d’hériter des biens d’un musulman, ce qui pose problème par exemple dans le cas d’un jeune qui se convertit au christianisme.
Son plaidoyer a été très bien reçu par les délégations présentes, a indiqué Michael Mutzner, représentant permanent à l'ONU de l'Alliance évangélique mondiale (AEM) et présent lors de l’allocution de Mahmoud Haddad.
Ce genre de prise de parole qui intervient tous les 4 ans pour chaque pays n’est pas inutile : selon le président de l’EPA, elle a par le passé permis la reconnaissance officielle de l’Eglise protestante d’Algérie par le gouvernement en 2011. A chaque fois, le but est que les diplomates qui entendent parler des droits de l’homme puissent ensuite, et au besoin, faire des recommandations aux gouvernements.
Dialogue en cours
« Une cinquantaine de délégations étaient présentes mercredi matin, précise Michael Mutzner. Et mardi, Mahmoud Haddad avait déjà vu l’ambassadeur algérien auprès de l’ONU. Un dialogue est désormais en cours avec les autorités algériennes. »
Les chrétiens protestants représenteraient en Algérie quelques 50'000 personnes, mais aucune statistique ne permet de les dénombrer avec précision. Beaucoup de chrétiens en effet ne fréquentent pas d’église, car ils ont peur de la réaction de leur famille musulmane et de leurs proches.
Bon élève mais peut mieux faire
L’Algérie est toutefois bon élève en matière de respect des minorités religieuses, d’autant plus si on la compare à d’autres pays d’Afrique du Nord. « Mais elle pourrait faire mieux encore. Car s’il est possible de vivre comme chrétien en Algérie, ce n’est pas facile », a indiqué en aparté Mahmoud Haddad. Etre chrétien peut en effet être un facteur discriminatoire, notamment en termes d’emploi.
Cela dit, le nombre de chrétiens augmente, notamment en Kabylie, où les protestants évangéliques sont en plein essor. Si le gouvernement algérien peut y voir un retour à la religion des colonisateurs, Mahmoud Haddad souligne qu’historiquement, les berbères – ethnie majoritaire en Kabylie – étaient chrétiens avant d’être musulmans.
Gabrielle Desarzens
Une chronique de RTSreligion sur La Première a été consacrée à ce sujet.