« J’ai parié avec lui qu’il se convertirait à la foi chrétienne avant que je ne devienne membre du Sinn Féin ». David Porter manie l’humour jusque dans les questions les plus délicates ! Ce théologien évangélique habite Belfast. Pendant les 20 dernières années, Il a été le directeur d’un centre de réflexion pour la paix en Irlande du Nord, le Centre for Contemporary Christianity in Ireland (CCCI). Depuis le mois de juin, il est l’aumônier de Tom Hartley, le nouveau maire Sinn Féin de Belfast. Un théologien évangélique, non consacré au ministère pastoral, aumônier d’un activiste politique, de tradition catholique, en Irlande du Nord ça surprend !
Une première rencontre aux débuts des années 90
« Ma première rencontre avec Tom Hartley date du début des années 90. ECONI (Evangelical Contribution on Northern Ireland), le nom précédent du CCCI, a été l’un des premiers groupes protestants à tenter, dans l’ombre, des discussions avec le Sinn Féin, la branche politique de l’IRA (l’Armée républicaine irlandaise). » A cette époque, l’Irlande du Nord était ravagée par une guerre civile entre unionistes-protestants, désireux de rester attachés à la couronne britannique, et nationalistes-catholiques, partisans d’une Irlande unie. Au compteur des victimes à l’époque : plus de 3'000 morts !
« Peu après le cessez-le-feu de 1994, nous avions invité deux représentants nationalistes à venir parler devant un auditoire de 300 unionistes. » Tom Hartley était l’un d’eux. A l’époque, il était secrétaire général du Sinn Féin. « Depuis, j’ai gardé des liens d’amitié avec lui. Nous étions très engagés dans les discussions préparatoires de l’accord de paix de Belfast, accepté par plus de 70 pour-cent des Nord-Irlandais en mai 1998. Par la suite, nous nous sommes retrouvés dans des discussions difficiles autour de l’insertion de nationalistes dans la police nord-irlandaise et autour du désarmement de l’IRA. »
« Un homme dont la bonté dépasse les barrières confessionnelles »
En juin, après son élection, Tom Hartley a lancé un coup de fil à David Porter. Il le voulait comme aumônier pendant son année à la mairie. « David Porter m’a vraiment appris ce qu’est le protestantisme, explique Tom Hartley dans la grande salle de la mairie, en pleine zone portuaire de Belfast. Il a pu m’exprimer les peurs de la communauté protestante face à une union avec l’Irlande. C’est un homme dont la bonté transcende les barrières confessionnelles. De plus, il est animé d’une spiritualité profonde. David est donc un conseiller spécial et un aumônier... Mais c’est avant tout un ami ! »
Ce n’est pas la première fois qu’un maire « catholique » de Belfast sollicite un protestant pour devenir son aumônier. « Mais c’est la première fois qu’un évangélique, de surcroît non consacré au ministère pastoral, occupe cette fonction, explique David Porter. C’est avant tout l’occasion de témoigner d’une relation réconciliée, même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur les grandes questions qui touchent à l’avenir de notre région ! » Un sourire aux lèvres, David Porter lâche que son rôle consistera surtout à participer à de bons repas avec des gens intéressants et de dire la prière avant de manger !
Un service qui s’inspire du Messager de la réconciliation
« Etre aumônier de Tom Hartley, ajoute David Porter, c’est une image de mon voyage sur le chemin de la réconciliation. Pendant toutes ces années, j’ai essayé de mettre en oeuvre la grâce de Dieu jusque dans les questions les plus difficiles de notre quotidien : aimer ses ennemis et construire avec eux la réconciliation, en m’inspirant de celle que nous apporte le Christ. » David Porter poursuit depuis septembre ce « voyage » à Coventry, en Angleterre. Il a été nommé directeur du prestigieux Centre international de la réconciliation de la Cathédrale anglicane.
Serge Carrel
Cet article est paru sous une forme légèrement différente dans Le Christianisme aujourd’hui de septembre 2008. Il est aussi possible d’entendre David Porter et Tom Hartley dans l’émission radio A vue d’esprit diffusée sur Espace 2 le 1er septembre 08 et dans Hautes Fréquences sur RSR-La Première le 12 octobre.