Un appel silencieux - par Marc-Etienne Petter

lundi 09 septembre 2019 icon-comments 1

Jésus guérit une femme malade depuis douze ans. Ce récit nous met au défi d’aimer et de discerner les besoins des plus pauvres, des plus discrets, de ceux qui nous semblent insignifiants.

Jésus partit, suivi d’une foule nombreuse qui le serrait de tous côtés. Dans la foule se trouvait une femme atteinte d’hémorragies depuis douze ans. Elle avait été soignée par de nombreux médecins et en avait beaucoup souffert. Elle avait dépensé toute sa fortune sans trouver la moindre amélioration ; au contraire, son état avait empiré. Elle avait entendu parler de Jésus, et dans la foule, elle s’était approchée de lui par-derrière et avait touché son vêtement, en se disant : « Si j’arrive à toucher ses vêtements, je serai guérie ».

A l’instant même, son hémorragie s’arrêta et elle se sentit délivrée de son mal. Aussitôt, Jésus eut conscience qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule et demanda : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui dirent : « Tu vois, la foule qui te presse de tous côtés et tu demandes : ‘Qui m’a touché ?’ »

Mais lui continuait à parcourir la foule du regard pour voir celle qui avait fait cela. Alors, saisie de crainte et toute tremblante, la femme, sachant ce qui lui était arrivé, s’avança, se jeta aux pieds de Jésus et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit : « Ma fille, parce que tu as eu foi en moi, tu es guérie ; va en paix et sois guérie de ton mal » (Marc 5.24-34).

Jésus est en chemin, accompagné d’un responsable religieux nommé Jaïrus. Celui- ci l’a supplié de venir sauver sa fille. Il s’agit donc d’une urgence : Jésus se rend auprès d’une personne dont la vie est en danger. Mais la foule presse Jésus – il est rare que la foule presse autant les chrétiens !

Normalement, pressé par l’urgence, Jésus pourrait agir sans se laisser distraire. Pourtant, il se laisse déranger par « un petit rien » qui semble tellement insignifiant. Il se laisse arrêter par le geste d’une femme malade. Elle est venue par derrière et n’a pas osé faire plus que toucher la frange de son vêtement. A première vue, le geste de cette femme est sans importance, en comparaison avec l’appel pathétique d’un papa pour sa fille.

L’attitude de Jésus nous interroge : sommes nous sensibles à ce qui semble petit et insignifiant ? Car cette femme représente, pour moi, ces petites gens condamnés à la solitude, à la misère, à la déception. Depuis douze ans, elle a beaucoup souffert (v. 26). Elle n’a peut-être plus la force d’accomplir les gestes simples que la société attend d’elle. Et la société n’a pas attendu pour la mettre au ban.

Le destin des petites gens

Cette femme représente ces petites gens avec leurs blessures.

  • Blessures émotionnelles de ceux auxquels il a été dit : « Tu n’es rien ! Tu n’arriveras pas ! »
  • Blessures affectives de personnes qui n’ont pas reçu leur compte d’amour.
  • Blessures liées à l’impuissance, à l’incapacité de répondre aux attentes de son entourage : « Ces gens prient et louent avec les bras levés et les yeux tournés vers le ciel. Mais moi, dans ma détresse et mon impuissance, je les baisse ! »
  • Blessures profondes et cachées dont sont victimes les enfants.
  • Blessures liées à des fautes commises durant la jeunesse, et qui poursuivent la personne : un casier judiciaire, des poursuites… et des portes qui se ferment.
  • Blessures prononcées, au nom de Dieu, par certains croyants qui se croient habilités à dispenser des malédictions.

L’énergie du désespoir

Cette femme a en elle l’énergie du désespoir : juste un tout petit geste, par derrière, du bout des doigts, sans se faire remarquer. Les gens dont la vie est brisée ne sont pas exigeants. Ils sont attachés à de petites choses auxquelles ils donnent un sens profond, un petit geste par derrière !

Seulement, avec nos « grands pieds » évangéliques, nous n’y prenons souvent pas garde. Nous avons tellement l’habitude de nous tourner vers Jésus et de lui faire explicitement nos demandes que nous peinons à comprendre l’attitude des gens brisés. Parfois, nous finissons par être plus exigeants à leur égard que Dieu ne l’a été pour nous. Nous avons la mémoire courte et nous en arrivons à ne plus savoir décoder les appels de femmes et d’hommes au bout du rouleau. Jésus savait décoder les gestes, les appels, les silences… et le geste de foi timide de cette femme qui souffre depuis douze ans.

« Jésus eut conscience qu’une force était sortie de lui » (v. 30), nous dit l’évangéliste. Jésus possède un « décodeur » dont nous avons aussi besoin. Au milieu d’une urgence, il est dérangé par le Saint-Esprit qui le rend en bénédiction. Il est donc charismatique ! Il possède du discernement, de la clairvoyance, de l’intuition, de la sensibilité, de l’amour au service des plus pauvres. Et ce décodeur dont nous avons besoin est constitué d’amour alimenté par le Saint-Esprit. Il nous rend capable de devenir serviteurs auprès des plus démunis.

Ceux qui ne font pas l’affaire

Quel genre de chrétiens devrions-nous être pour avoir la capacité de servir ces gens-là ? Voyons d’abord quels chrétiens ne feraient pas l’affaire.

  • Les chrétiens légalistes. Ceux-ci pensent que l’action du Saint-Esprit est réservée aux personnes dont la vie correspond à la norme. Il n’est donc pas nécessaire d’aimer celles qui s’en écartent, puisque Dieu les rejette. La loi leur sert de prétexte et de paravent. La condamnation de certains maux de notre société leur sert d’excuses pour en pas s’engager auprès de personnes qui en sont victimes, débauchées, impures…
  • Les chrétiens optimistes. Ces croyants pensent qu’il n’y a qu’à faire et qu’à croire. Ils ont une notion de la foi imprégnée de magique. Ils sont optimistes dans ce sens : ils pensent que la nature humaine peut être modifiée à souhait, qu’il est possible de faire table rase du passé, qu’une personne peut se reconstruire comme si son passé n’avait jamais existé. Je ne crois pas à cet « évangile instantané ». Je crois en la puissance de Dieu ! Mais lorsque Dieu accomplit un miracle surprenant, celui-ci a généralement été précédé de tout un cheminement discret, peut-être invisible pour les yeux. Pour cette femme, le cheminement a duré douze ans ! Cela doit nous apprendre à respecter le cheminement des autres, les étapes par lesquelles ils doivent passer.
  • Les chrétiens conformistes. Ce sont des croyants qui s’alignent sur l’opinion dominante. Ils calculent, préfèrent ne rien risquer. Ils se fondent dans la masse.

Le défi que Dieu nous lance

Mais alors, quel genre de chrétiens devrions- nous être pour avoir la capacité de servir ces gens-là ? Voici quelques pistes.

  • Pleurons pour ceux qui ne peuvent plus pleurer.
  • Continuons d’espérer là où règne le découragement.
  • Persévérons dans les domaines où personne n’encourage plus ces personnes.
  • Cherchons encore, au côté de ces personnes qui n’ont pas trouvé.
  • Restons fidèles dans notre foi. Soyons capables de voir la souffrance des autres sans sombrer, d’expérimenter avec eux la consolation de Dieu dans les moments les plus difficiles.

Sommes-nous suffisants pour cela ? Certainement pas ! Alors, comme il l’a promis, que Dieu nous donne ce qu’il nous ordonne.

Marc-Etienne Petter, pasteur dans l’Eglise évangélique (FREE) de Tavannes

1 réaction

  • Olivia vendredi, 13 septembre 2019 12:26

    Merci Marc Etienne pour ce texte qui me rappel les priorités, dans cette circonstance précise, de Jésus mais aussi en général dans les évangiles. Je veux tendre et vivre de ce que Dieu me montre par son fils par sa parole et dans mon quotidien. J'apprécie que tu dénonces certaines choses qui semblent être loin de ce que les chrétiens sont invités à faire pour «  ces gens là ». Je dirais autrement pour ces grandes et belles personnes qui savent survivre, s’accrocher à la vie et même faire des gestes « sur humains » envers le Dieu de la Vie et qui souvent, elles, découvrent la vie abondante que Dieu promet. Prenons exemple nous qui sommes peut-être légalistes, conformistes...
    La vie, ma vie perso, me dit aussi que les petits ne sont pas seulement ceux que je vois de prime abord, ceux qui me touchent et que j’aime accompagner. Les riches, les presomptueux à mes yeux, les légalistes que je trouvent souvent être un freins, dans l’église aussi, peuvent être de « ces gens là, » et méritent aussi mon amour et mon attention même si, pour moi, c’est bien plus difficiles. Depuis que le Seigneur m’aide à « maturer » j’y arrive un peu plus...

Publicité
  • Surmonter les abus au fil d’un conte

    Surmonter les abus au fil d’un conte

    Il était une fois… une enfant abusée, dont les larmes sont recueillies par une grenouille qui l’accompagne jusqu’au Roi d’un royaume fabuleux. Dans cette histoire, la psychologue Priscille Hunziker parle de la prise en compte de la souffrance. « Le voyage que fait la petite Emmy, c’est la métaphore d’un accompagnement psycho-spirituel », dit-elle mercredi 6 avril. Rencontre.

    jeudi 07 avril 2022
  • Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Noël, ou devenir des sauveurs sur les pas de Jésus

    Au Liban, les habitants vivent l’intensité de la vie face à l’intensité de la mort, selon les mots du théologien et prêtre maronite Fadi Daou rencontré à Genève. Il invite notamment ses concitoyens à devenir des sauveurs… sur les pas de Jésus.

    mardi 21 décembre 2021
  • Noël, ou sortir de nos jugements

    Noël, ou sortir de nos jugements

    Thierry Lenoir est aumônier à 100% à la clinique de La Lignière à Gland. Cet ancien pasteur adventiste parle de l’esprit de Noël en termes de jugements moraux, sociaux et religieux à mettre de côté. Une réflexion qu’il partage dans l’émission Hautes Fréquences diffusée dimanche 19 décembre à 19 heures sur RTS La Première.

    mercredi 15 décembre 2021
  • « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    « Votre couple a 2, 10, 30 ans au compteur ? Prenez-en soin ! »

    On investit dans nos carrières professionnelles, dans nos maisons… mais pas assez dans notre couple. C’est le constat que dressent Marc et Christine Gallay, le couple pastoral de l’église évangélique (FREE) de Lonay. Qui pratique avec bonheur une méthode dite « Imago », qui met la cellule de base créée par Dieu à l’honneur. Rencontre.

    lundi 01 novembre 2021
  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Des choix porteurs de vie

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

    vendredi 22 septembre 2023
  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

    jeudi 15 juin 2023
  • « Auras-tu été toi ? »

    « Auras-tu été toi ? »

    Elle puise dans le judaïsme de quoi nourrir sa foi chrétienne. La théologienne et pasteure Francine Carrillo écoute, calligraphie et fait parler les lettres hébraïques qui, selon elle et avec toute la tradition juive, sont porteuses de sens et d’espérance. Rencontre.

    lundi 20 juin 2022

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

LAFREE.INFO

  • Une adresse de courriel pour signaler les abus dans nos Eglises

    Ven 15 mars 2024

    Après avoir signé la charte « Ensemble contre les comportements transgressifs », proposée fin 2022 par le Réseau évangélique suisse (RES-SEA), la FREE planche sur les mesures pratiques à faire appliquer dans nos Eglises. Une adresse de courriel est déjà opérationnelle pour des signalements.

  • Bientôt 20 ans pour les week-ends Femmes Formidables

    Ven 15 mars 2024

    Depuis 2005, le week-end des Femmes Formidables réunit des participantes de toutes générations pour des moments de repos, de réflexion et de partage, portés par des oratrices inspirantes. A ne pas manquer cette année à Leysin, du 27 au 28 avril.

  • Comment concilier les activités des enfants avec la vie d’Eglise ?

    Ven 15 mars 2024

    Etre parents implique, entre autres, de gérer le planning familial et les activités extra-scolaires des enfants. Mais pour des parents chrétiens, il s’agit encore de trouver la meilleure formule pour conjuguer ces activités extra-scolaires et la vie d’Eglise. Perspectives et pistes pratiques. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Mariages forcés et violences sexuelles, armes de persécution contre les chrétiennes

    Ven 08 mars 2024

    Le 8 mars est désignée Journée internationale des droits des femmes. L’occasion pour l’ONG Portes Ouvertes de relayer une nouvelle étude sur la persécution religieuse selon le genre. Dans les pays où la persécution sévit, l'insécurité liée à des conflits armés ou des injustices aggrave encore la situation. Les formes de persécution les plus fréquentes envers les chrétiennes sont les mariages forcés, les différentes formes de violence et les enlèvements.

Instagram

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !