Moïse est quelqu’un qui ne supporte pas l’injustice. Ce personnage, reconnu par les trois monothéismes, a pris à deux reprises la défense d’un opprimé. Il a d’abord vu un Hébreux se faire maltraiter par un Egyptien, qu’il a tué. Puis, arrivé au pays de Madian, il voit une bergère malmenée par des vauriens. Et là encore il prend sa défense. « Moïse n’est pas quelqu’un qui s’est montré prudent et sage. Il réagissait contre l’injustice immédiatement, indique Antoine Nouis. Il peut être source d’inspiration très concrètement pour chacun d’entre nous en ce 21è siècle. »
- Il y a plusieurs grands moments dans la vie de Moïse, comme la sortie d’Egypte...
« La sortie d’Egypte évoque notre rapport à la liberté. Tout le monde veut être libre. Mais qui est d’accord d’en payer le prix ? Nous sommes paradoxalement aspirés par le conformisme et revendiquons le droit de faire exactement comme les autres. C’est l’exact contraire de la liberté, qui se paie en termes de solitude, de risques. Or dans le texte, il y a un appel, une exigence à la liberté. J’ai lu récemment quelque chose qui m’a fait réfléchir : « Si jamais je devais ajouter un onzième commandement, ce serait Tu ne copieras pas ». Une façon d’inviter chacun à agir en fonction de sa propre foi, de ses propres valeurs. »
- Il y a aussi la traversée de la mer Rouge : que signifie-t-elle ?
« Il y a là quelque chose d’éminemment symbolique. La traversée de la mer dans les représentations bibliques est un symbole de mort. Pour les Hébreux, c’était le lieu du froid, du mouillé, du ténébreux. Il s’agissait de sortir de l’économie de la soumission et de l’esclavage, pour accéder à une nouvelle réalité. Au niveau personnel, il faut s’interroger sur les mers que je suis appelé à traverser ; de quels esclavages dois-je me libérer, en sachant que cette libération est un chemin. Et un combat. »
- Les 40 ans dans le désert...
« C’est le temps qui a été nécessaire aux Hébreux pour accéder à une réalité nouvelle. Cela me dit que mon propre chemin de libération est un chemin qui prend du temps. Et qui nécessite du courage. Pour ne pas vivre selon le regard des autres, mais selon ce qui est fondateur pour nous. Dans ce chemin de libération qui peut durer, la tentation de la régression est toujours présente. Avec une dimension intéressante : quand le peuple râle, dit qu’il avait en Egypte des marmites pleines de viande... Mais celles-ci n’ont jamais existé ! Le peuple en Egypte était affamé. La libération passe ainsi aussi par ce que j’appelle faire une ascèse de la lucidité, c’est-à-dire quitter ses illusions pour voir le réel tel qu’il est et pour inscrire notre façon de vie en adéquation avec ce que nous croyons. Si je devais définir cette liberté, je dirais que c’est la cohérence entre ce que nous pensons, ce que nous disons et ce que nous faisons. »
- « Choisis la vie » est l’une des dernières paroles de Moïse...
« Oui, et c’est une parole forte. Derrière ces mots, il y a le fondement du comportement éthique. C’est-à-dire que quand nous sommes devant un choix, nous pouvons toujours nous demander quelle est la situation où il y a le plus de vie. Cette injonction, nous pourrions la mettre au début de nos journées, au début de toutes (tous ?) nos (comportements ?) relations, de toute vie en communauté. »
- Mais qui choisirait la mort ?
« Souvent, on aime bien se laisser enfermer dans nos habitudes, dans des relations mortifères, des relations qui ne sont pas très vivantes, mais finalement confortables. Cela ressemble un peu à la servitude, à L’Egypte. L’aspiration de l’Ecriture, c’est au contraire vouloir nous libérer pour que nous aspirions à la vie pour nous et notre prochain. Je pense que c’est très pertinent pour aujourd’hui. »
Gabrielle Desarzens
L’interview complète est à écouter dans l’émission radio Babel sur Rtsreligion.ch
« Moïse, les combats de la liberté », Antoine Nouis, éditions Empreinte : 2017