Considéré comme l’un des meilleurs biblistes au monde, le professeur d’ancien testament Jan Joosten, 61 ans, figure désormais également sur la liste des délinquants sexuels en France. Il a été condamné il y a une semaine par le tribunal de Saverne (Bas-Rhin) à un an de prison. Il a admis qu’en six ans, de 2014 à 2020, il avait téléchargé 28'000 images et vidéos, dont certaines comprenaient des représentations de viols d’enfants par des adultes. « C’était comme un jardin secret, en contradiction avec moi-même », aurait dit le professeur devant le président du tribunal, tout en évoquant une addiction, un engrenage, et confiant être « soulagé » d’avoir été arrêté, selon le quotidien régional français Dernières nouvelles d’Alsace. Ses activités ont été découvertes par une équipe de cybercriminalité. La nouvelle met à mal l’aura de ce professeur charismatique d’ancien testament à la faculté protestante de Strasbourg, et enseignant outre-Manche à la Faculté d’études orientales d’Oxford ainsi qu’au collège Christ Church, où il était titulaire de la prestigieuse chaire d’hébreu.
Séisme
Dans les milieux universitaires qu’il côtoyait, c’est la sidération. Tout le monde savait qu’il avait quatre enfants, qu’il avait été anciennement pasteur en Belgique. Il était en outre connu pour fréquenter une paroisse et avait donc une vie de foi assumée. Il avait de surcroît été nommé par la reine d’Angleterre : il était professeur regius, et avait ce côté « flegmatique, poli, classe », selon Joan Charras Sancho, théologienne féministe qui a été l’une de ses étudiantes à Strasbourg et l’une des premières à donner l’information sur les réseaux sociaux. Twitter et Facebook connaissent actuellement une avalanche de commentaires interloqués.
Pour la théologienne, cette affaire révèle avant tout un gros tabou dans les milieux protestants, « qui pensaient que la pédopornographie était plutôt un problème catholique. » Joan Charras Sancho indique aussi avoir été surprise par des réflexes de protection, alors que plusieurs croyants, pasteurs et théologiens lui ont demandé de ne pas en parler, de ne pas « jeter la première pierre », selon l’expression biblique, jusqu’à excuser Jan Joosten plaidant qu’il n’a « pas touché aux enfants. » Des réserves inacceptables pour la théologienne, qui souligne que toute consommation pédopornographique implique trafic d’enfants et exploitation de la vie d’autrui. Pour elle, il faut nommer les choses. Les dénoncer. Les penser. Les expliquer. Pour pouvoir enfin prévenir de tels comportements.
Gabrielle Desarzens