Partir deux ou trois mois avec une organisation humanitaire... Beaucoup de jeunes en rêvent. Mais ce n’est pas toujours simple, ni pour ceux qui partent, ni pour ceux qui les accueillent sur place. Pour Ariane Lehmann et Samuel Ninck, ce fut une expérience assez géniale. Depuis un certain temps, ils avaient tous deux le projet de partir... mais où?
A la recherche d’un lieu d’engagement
Ariane, après une formation en communication visuelle à la Haute Ecole d’arts appliqués, a fait un long stage dans une ONG à Genève. Quant à Samuel, traducteur de formation, il avait déjà effectué une année de stage en Israël dans une communauté pour la réconciliation... C’est là qu’il rencontre un jour Ariane. De là aussi son intérêt pour l’arabe et son souhait de partir dans un pays arabophone.
En automne 2004, ils se mettent en piste, surfent sur l’internet, contactent diverses associations telles que Medair, le Peace Watch (association en faveur de la paix en Palestine et en Israël), des organismes internationaux tels que le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) au Yémen... Finalement, à travers le secrétaire régional des GBU au Proche-Orient, ils entrent en contact avec la petite association Tahaddi à Beyrouth (Liban).
Venez !
Dès les premiers contacts avec Catherine Mourtada (une Lausannoise issue de l’Eglise évangélique de Villard) et Agnès Sanders (médecin française travaillant avec Catherine), le courant passe. «Ce n’était pas une organisation bureaucratique. On sentait un intérêt personnel, qui nous a vraiment touchés. Agnès nous a tout de suite fait des propositions en rapport avec nos compétences. Elle nous a d’ailleurs avoué qu’elle reçoit souvent des demandes et des propositions comme les nôtres... qui vont souvent à la poubelle. Là, ça tombait vraiment bien...»
C’est ainsi que le départ est prévu fin-avril. Leur mission ? Organiser une soirée de sensibilisation au travail de l’association au Liban même, et préparer du matériel d’information qui sera utile aussi bien sur place qu’en Europe.
Est-ce bien le moment de partir?
Ils se préparent... mais le Liban est en pleine effervescence. Dans ce pays sorti il y a quatorze ans d’une longue guerre civile, les troubles recommencent. Le premier ministre Rafik Hariri est assassiné le 14 février, l’opposition s’est manifestée massivement (un quart de la population dans les rues le 14 mars). Nos amis s’embarquent pourtant comme prévu fin avril. Ils arrivent à Beyrouth le jour même du départ officiel des Syriens. Mais cela n’affectera pas trop leur séjour, ni d’ailleurs le travail de Tahaddi – c’est que la population du bidonville est hors de vue... et hors du passage des orages politiques!
Les deux premières semaines du séjour sont consacrées à la découverte du pays, du travail de Tahaddi, de l’école, du bidonville... Ensuite, il faut se mettre à l’ouvrage, collecter les informations, prendre des contacts. Samuel a le sentiment que ça se passe «à la libanaise» : «Tout est un peu flou, sans grande planification. Les choses se préparent un peu au dernier moment... mais ce qui est sympa, c’est qu’on trouve toujours des gens pour vous aider, spontanément ». Ariane, qui a pas mal bourlingué dans les ONG, ne trouve pas cette sorte de «désorganisation» typiquement libanaise. «C’est un peu le style ONG », commente-t-elle.
Durant quelques semaines, Ariane et Samuel vont prendre les contacts nécessaires à l’organisation d’une soirée, faire des photos, préparer une présentation informatisée multilingue. La soirée est réussie. Elle rassemble une centaine de personnes, en majorité chrétiennes. C’est une première pour Tahaddi, qui sort ainsi de son anonymat. Un témoignage marque les cœurs : une patiente du dispensaire, mère de 10 enfants, raconte comment elle a été accueillie, comment elle a été touchée par des soins qui vont au-delà des seuls problèmes médicaux.
Touchés par le pragmatisme de l’amour
Nos jeunes Helvètes eux aussi sont touchés par cette soirée et par ce qu’ils ont vécu durant leurs trois mois de séjour. Emus de s’être sentis utiles : «On n’aurait jamais pu organiser cette soirée sans vous », leur dit Catherine. Touchés aussi par l’engagement de ces deux femmes, en toute simplicité. «J’étais frappé de voir comment tout cela a commencé en toute simplicité, confie Ariane. Je ne sais pas si j’aurais osé aller ainsi dans un tel bidonville, à la rencontre des gens et de leurs besoins. J’étais frustrée par les limites de la langue, mais ému par les regards des enfants, par leur joie communicative quand ils nous donnaient la main. »
«Ce qui m’a frappé, c’est le pragmatisme de l’amour en actes, reconnaît Samuel. Ces femmes ont vu un besoin et ont répondu. Et je me suis demandé comment je pourrais m’engager davantage, ici en Suisse, pour ceux qui sont délaissés. Par exemple dans le domaine de l’asile, notamment les NEM (demandeurs d’asile déboutés par une “Non Entrée en Matière”).»
Une foi engagée
Quand ils parlaient de leur projet et de Tahaddi, ils devaient parfois affronter un certain scepticisme... «Pourquoi des Européens là-bas ? Il faudrait que ce soit les Libanais qui se bougent !» En découvrant la qualité de service concret et la situation du pays, ils se rendent compte que les Libanais pourraient difficilement assumer actuellement un tel service. Mais la structure associative mise en place est appelée à se développer. La soirée organisée y contribuera, et cela permettra aussi de stimuler et de renforcer l’engagement des chrétiens sur place.
Ce séjour restera une expérience marquante sur le chemin de vie d’Ariane et Samuel. Ariane souhaite continuer une formation autour de la problématique du développement, sans savoir encore précisément dans quelle voie. Elle a entamé des études en vue de l’obtention d’une maîtrise à l’IUED (Institut universitaire d’études du développement). Elle s’est aussi engagée dans l’association Tahaddi en Suisse. Samuel est lui aussi très engagé dans la problématique de la responsabilité des chrétiens dans les domaines de la justice et du développement durable. Il est par ailleurs co-fondateur de ChristNet (www.christnet.ch).
Silvain Dupertuis