Chronique libanaise du 22 juillet : 750 réfugiés à l’école baptiste de Beyrouth

dimanche 23 juillet 2006
Catherine Mourtada vit depuis une quinzaine d'années à Beyrouth au Liban. Avec l'association Tahaddi, elle anime une école dans un bidonville de Beyrouth pour des enfants analphabètes. Elle visite aussi les prisons libanaises. Pour l'instant Catherine Mourtada a décidé de rester au Liban avec sa fille Nayla. Cette Suissesse compte parmi les envoyés du Trait d'union missionnaire (TUM) de l'Union des AESR. Voici sa chronique du 22 juillet.

Demain, ce sera dimanche et je sais que beaucoup d'Eglises et d'individus prieront pour la situation au Liban et ceux qu'ils connaissent là-bas. Vous ne pouvez vous imaginer combien il est précieux de savoir que vous êtes derrière nous!
Mercredi, jeudi et vendredi, nous avons passé nos matinées à BBS (Beirut Baptist School) qui a donc accueilli des réfugiés. Répondre aux besoins de 750 personnes qui ne se sont pas choisies, qui n'ont rien à faire, qui dépendent complètement des autres pour manger et répondre à leurs besoins fondamentaux, qui sont entassées dans des salles de classes, ne peuvent se laver convenablement et ne sont pas toujours d'accord, politiquement parlant, est loin d'être une sinécure. Vendredi, deux jeunes hommes se sont battus à coup de bouteilles de verre et l'un d'entre eux a dû être emmené à l'hôpital.

Tahaddi à l’oeuvre parmi les réfugiés
Agnès continue de venir régulièrement pour donner des soins aux gens qui en ont besoin. Joëlle (dont beaucoup connaissent l'histoire) l'aide et le fait de se sentir si utile, lui fait du bien. D'autres médecins libanais donnent de leur temps dans cette école et dans d'autres.
Jeudi et vendredi, des activités ont été organisées pour les enfants. Ils ont besoin d'avoir au moins un lieu dans la journée où ils peuvent être des enfants « normaux ». Jeux, puzzles, Memory, travaux manuels... Le temps passe trop vite à leur gré et certains ont demandé s'ils pouvaient revenir l'après-midi! Beaucoup ont demandé à dessiner et, lundi, nous mettrons à leur disposition de quoi s'exprimer de cette manière. Christiane (la consultante de l'école Tahaddi qui a travaillé avec nous depuis janvier 2006) et sa fille sont venues nous aider, ainsi que la fille de Joëlle.
Cet état de crise peut être l'occasion de se rencontrer et/ou de travailler ensemble, avec d'autres qui sont de différentes confessions ou communautés, dans un mouvement de solidarité... Alors, ce sont de petites guérisons qui s'opèrent, sur le plan individuel et collectif.

Vendredi à nouveau dans le bidonville de l’école
Vous rappelez-vous de Saad dont vous avez vu la photo avec sa cousine, alors qu'ils étaient revenus chez eux pour chercher un oreiller et des affaires? Nous sommes allées, vendredi, après les activités, revoir sa famille, à qui j'avais promis du lait et des couches. La maman était allée mendier aux portes des mosquées (c'était vendredi) avec son bébé, mais le reste de la famille était là. Nous avons croisé aussi Amina et ses deux enfants (son mari est en prison), qui fait le ménage du dispensaire et de l'école. Elle nous a montré où les gens se cachent, lorsqu'il y a des bombardements: une cave vaguement aménagée qui sent le moisi, à l'entrée du camp de Chatila : « Comme ça tu sais où venir te cacher si tu es là et qu'ils bombardent! » Nous avons également rencontré le père d'un élève qui était revenu pour surveiller les cabanes du bidonville où habitent plusieurs membres de sa famille élargie, car toute maison vide -même des cabanes ! - est une maison qui risque d'être occupée par ceux qui ont perdu la leur...
Si certains essaient de donner un sens à leur vie en se mettant à disposition d'autrui, beaucoup d'autres n'ont pas la possibilité de le faire et vivent mal ces temps d'inactivité forcée. Les tensions et le stress inévitables d'une situation de guerre et l'atmosphère générale de découragement en pensant à l'avenir et à toutes les difficultés économiques, sociales et politiques qui vont suivre, plombent les esprits.

Une raclette au fromage hollandais
Pour tenir le coup, les gens se voient et s'invitent plus les uns chez les autres. Ainsi hier soir, nous étions 9 autour d'une raclette au fromage hollandais (plus un morceau de Raclette dans les magasins). J'ai tremblé pour l'électricité, mais les coupures ont eu lieu dans la journée! Nayla va bien. J'essaie de trouver un équilibre entre les jours où elle m'accompagne et ceux où elle va chez une copine pour jouer. En voyant le stock de friandises baisser de jour en jour dans les magasins, elle craint de ne plus trouver « des petites choses », comme elle les appelle (ses dents, elles, lui diront merci!!). Plus sérieusement, la pénurie de lait, de yaourt et de lait en poudre constatée dans les magasins, est une réalité plus douloureuse que celle des friandises... L'amoncellement des ordures - le ramassage fonctionnant au ralenti vu la baisse des effectifs en main d'oeuvre étrangère - est un autre problème que l'on résout en mettant le feu aux ordures (et aux conteneurs malheureusement!). N'attendez pas la guerre pour apprécier les étrangers qui travaillent chez vous!!
Enfin sachez que le soleil se lève un peu plus tard que dans d'autres régions au-dessus de Beyrouth, à cause de la poussière soulevée par les bombardements et tout ce qui a brûlé et brûle encore... et qu'une marée noire a touché toutes les côtes libanaises, conséquence directe de la guerre: ce sont des fuites de dérivés pétroliers venant des navires, des réserves de fuels touchés par les bombardements et du navire israélien touché en mer au début de la semaine...
Des amis étrangers qui voulaient retirer des dollars à la banque, se sont vu refuser cette opération... mais la livre libanaise reste stable et disponible!

Le culte à Mansourieh
Nous nous réunirons ce dimanche encore à Mansourieh, car l'église se trouve près du port dans une région peu sûre. Plus des trois quarts de la congrégation formée d'étrangers a été évacuée depuis le début de la guerre et nous nous retrouverons une petite trentaine de personnes auxquelles se joindront des gens du voisinage plus désireux de communion fraternelle en ces temps difficiles. Un « repas canadien » suivra pour tous ceux qui le désirent...
Merci de continuer à soutenir Tahaddi de vos dons. Nous avons mis presque tous les médicaments à la disposition des réfugiés. Je me sers de tout le matériel de l'école pour les enfants, mais cela devrait être, par contre, récupéré. Nous sommes heureux de pouvoir contribuer en tant qu'association à soulager - un tout petit peu - la douleur de ceux qui ont tout perdu ou qui ont dû quitter leur maison.

Catherine Mourtada

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