Protéger la Terre en limitant le changement climatique

D’après une conférence de Katharine Hayhoe vendredi 04 novembre 2022

Catherine Hayhoe est une climatologue canadienne, chrétienne évangélique. Elle encourage les chrétiens à développer leur sens des responsabilités écologique par amour du prochain et désir de justice [1]. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

L'une des questions que l’on me pose le plus fréquemment est celle-ci : « Croyez-vous au réchauffement climatique ? » Ma réponse surprend généralement les gens : « Non ! Je ne crois pas au réchauffement climatique ». En effet, il ne s'agit pas de croire : ce n'est pas une religion. Je suis scientifique, je préfère la démarche scientifique : étudier le monde qui nous entoure en l'observant et réaliser des expériences. La foi, en revanche, procède d’une conviction spirituelle et procure une forme différente de vérité. Elle est la preuve de ce que nous espérons et de ce que nous ne voyons pas.

J’observe les données fournies par la science. Et, nous allons le voir, ces données disent trois choses très importantes à propos du changement climatique. En même temps, la foi est importante lorsque nous abordons la question du changement climatique. Nous en avons besoin pour avancer sur ce terrain. Mais la foi n’est pas en compétition avec la science. Alors, que peut nous dire la science ?

Le climat change-t-il vraiment ?

La première chose que la science peut nous dire est très importante. Elle peut nous dire si le climat change – et il change. Elle peut nous dire à quelle vitesse et de quelle manière il change.

Comment savons-nous que le climat change ? Par exemple, en observant l’évolution de la température globale de notre planète. Certaines personnes contestent le réchauffement climatique en sélectionnant les données scientifiques qui leurs conviennent. Mais les scientifiques ne peuvent pas se contenter de récupérer les données qui leurs conviennent. Ils doivent considérer l’ensemble des données. Ainsi, nous avons la preuve que la température mondiale change ; et cette nouvelle n’est pas vraiment bonne.

Ici, au Canada, nous voyons toutes sortes de changements se produire, en lien avec le réchauffement climatique. Nous voyons des villages en train de « couler » en Alaska, à cause de la fonte du permafrost. Nous voyons des feux se produire dans l'Ouest. Nous voyons des mauvaises herbes envahir le Midwest. Nous voyons pour la première fois la maladie de Lyme à nos frontières.

En Australie, il se produit des vagues de chaleur si violentes – jusqu’à 54 degrés Celsius – que les météorologues ont dû ajouter une couleur de température supplémentaire à leurs cartes. Quant au réchauffement des océans, il alimente des ouragans de plus en plus violents. Et là où j'habite, à Lubbock au Texas, nous sommes paralysés par une sécheresse qui dure depuis 2011. Mais cette sécheresse est ponctuée d’inondations qui ont, par exemple, submergé une autoroute à six voies située au centre-ville.

Il existe des milliers d’indicateurs du réchauffement climatique : les ouragans, les glaciers, le niveau de la mer, les oiseaux, les coléoptères, les insecte, les plantes. Cela se passe sous nos yeux, et la science permet de chiffrer l’ampleur et la rapidité de cette évolution bien réelle.

Les raisons du changement climatique

La deuxième chose que la science peut nous dire, ce sont les raisons du changement climatique. L’histoire du climat nous permet de mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

Si vous avez regardé le film intitulé « L'Age de glace », vous savez que le climat a beaucoup changé depuis l’époque des mammouths. Certains nous disent que ces changements sont simplement dus à l’évolution de l’activité du soleil. Mais cette activité, si elle a augmenté par le passé, a aussi commencé de baisser. Du coup, si la température de notre planète dépendait de l’activité du soleil, nous devrions assister à une baisse des températures, pas une hausse.

Ainsi, la science peut nous dire que le réchauffement climatique n’est pas causé par l’activité du soleil. En fait, le réchauffement qui a suivi la dernière période glaciaire a culminé il y a environ huit mille ans. Ensuite, la température du monde a baissé : nous étions sur une longue et lente glissade en direction de la prochaine période glaciaire. Ainsi, la science nous dit qu’il se passe actuellement quelque chose d'étrange. Et cela a démarré à la suite de la révolution industrielle.

La révolution industrielle a commencé dans les années 1760 en Grande-Bretagne, puis s’est répandue dans le reste de l'Europe et dans le monde. A cette époque, nous nous sommes mis à brûler de grandes quantités de charbon, de gaz et de pétrole. Jusque là, toutes ces ressources énergétiques étaient restées enfouies dans le sol, en toute sécurité, pendant des millions d’années. Cela dit, la révolution industrielle a apporté de grands bienfaits à l’humanité. Les progrès médicaux, par exemple, ont été très importants à partir ce cette époque.

En brûlant rapidement ce charbon, ce gaz et ce pétrole, nous avons envoyé d’énormes quantités de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Et ce gaz « à effet de serre » piège la chaleur du soleil, si bien que la terre se réchauffe.

La nature produit naturellement des gaz à effet de serre et nous en produisons également beaucoup depuis la révolution industrielle. Nous sommes capables de mesurer la quantité de carbone que nous avons envoyée dans l'atmosphère, ainsi que la quantité de chaleur supplémentaire que cela provoque. Nous savons donc que nous sommes directement responsables du réchauffement de notre planète.

Maintenant, j’aimerais vous parler de cinq savants : Joseph Fourier (1768-1830), John Tyndall (1820-1893), Svante Arrhenius (1859-1927), Guy Callendar (1898-1964) et Charles Keeling (1928-2005). Grâce à eux, nous connaissons les gaz à effet de serre depuis deux cent ans et l’impact des activités humaines sur le climat depuis plus de cent cinquante ans. Le premier grand modèle climatique basé sur la physique a été calculé dans les années 1890. Nous connaissons ces phénomènes physiques depuis longtemps. Nous savons que le climat change et que les humains en sont la principale cause.

Nos choix comptent

Troisièmement, la science peut nous dire que nos choix comptent. Le climat change et va encore changer à cause des activités humaines. Allons-nous continuer de dépendre des combustibles fossiles ? Ou serons-nous capables de réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Le réchauffement de notre planète – et donc notre avenir sur cette planète – variera énormément en fonction de nos choix.

En Amérique du nord, une augmentation des températures de trois ou quatre degrés provoquera des sécheresses sur l’ensemble du continent. Au niveau mondial, si les températures s’élèvent de quatre degrés, les rendements des cultures qui nourrissent l’humanité baisseront : la production de soja étasunien baissera de 30 %, celle de maïs africain baissera de 45 %, celle de maïs étasunien baissera de 60 % et celle de blé indien s’effondrera de près de 70 %.

En fonction de nos choix en matière d’émissions de gaz à effet de serre, nous allons donc nous infliger plus ou moins de souffrances. « Nous avons trois possibilités, explique John Holdren, conseiller scientifique à la Maison Blanche : la réduction des émissions, l’adaptation et la souffrance. Nous choisirons un peu de chaque. Et la question est de savoir quel genre de mélange nous obtiendrons. » Il existe donc une question à laquelle la science n’a pas de réponse : « Comment déterminer le seuil à partir duquel nos souffrances deviendront insupportables ? »

Dans la Bible, nous trouvons ce verset étonnant : « Dieu nous a donné un Esprit qui, loin de faire de nous des lâches, nous rend forts, aimants et réfléchis » (2Tim 1.7). Pourtant, c’est principalement la peur qui motive les climatosceptiques. Et c’est aussi la peur qui motive les personnes désespérées par notre situation : « Nous arrivons trop tard. Le monde est fichu. L’humanité est condamnée ». Ces peurs ne sont pas légitimes chez des croyants.

Un esprit de puissance, d'amour et de sagesse

Nous avons reçu un esprit de puissance, d'amour et de sagesse. Comment appliquons-nous cela à la question du changement climatique ? Utilisons notre bon sens pour réfléchir à l’impact de notre mode de vie sur l’environnement. Par amour, mesurons l'impact de nos actions sur d'autres personnes, chez nous et à l'autre bout du monde. Et soyons motivés, non par la peur, mais par la force que Dieu nous donne.

Il y a quelques mois, j’ai rencontré un fermier texan. Et il était un peu méfiant à mon égard, à cause de mon métier de climatologue. Mais lorsqu’il a appris que je venais de l’Université Texas Tech, il a repris confiance. J'ai donc eu le courage de lui demander : « J'ai remarqué que votre voisin a placé des éoliennes dans sa propriété, mais pas vous. Chez vous, il ne se trouve que quelques puits de pétrole. Pourquoi ? » Il m’a répondu : « J'attends mon éolienne depuis deux ans. En fait, l’utilisation des éoliennes n’est ni plus avantageuse, ni plus cher que celle du pétrole. Mais l’exploitation du puits de pétrole implique l’utilisation de véhicules qui abîment mes routes et mes champs ». Ainsi, pour des raisons pas toujours bonnes, la révolution des énergies propres a déjà commencé.

Lorsque je parle de changement climatique avec des texans, ceux-ci me demandent invariablement : « Mais qu'en est-il de la Chine ? Elle construit de nouvelles centrales au charbon chaque semaine. Et les habitants de Pékin meurent à cause de la pollution de l'air ». Tout cela est vrai, mais la Chine produit également bien plus d’électricité d’origine éolienne que les Etats-Unis.

Et puis, lorsque nous regardons d'où viennent les émissions de gaz à effet de serre, nous constatons qu’elles viennent principalement d’Amérique du nord. Par contre, les régions qui souffrent le plus du changement climatique sont l’Amérique du sud, l’Afrique et la péninsule arabique. La gestion du changement climatique n’est donc pas qu’une question de moyens ; elle est aussi une question de justice.

Les conférences sur le changement climatique se multiplient. Leur but est de décider ce qui est bon pour la planète et ce qui ne l’est pas. Que se passerait-il si nous participions à ces rassemblements, non seulement avec le secours de la science, mais aussi avec un amour prêt au sacrifice, capable de penser aux besoins des autres plutôt qu’aux nôtres ? Et que se passerait-il si nous participions à ces rassemblements en reconnaissant que la seule chose vraiment importante dans la vie, ne sont pas les biens matériels, la réputation et tout ce que nous construisons autour de nous pour nous protéger, mais notre foi exprimée par l'amour ?

 

[1] Mise par écrit, traduction et légère adaptation d'une conférence donnée par Katharine Hayhoe, en 2015, à Vancouver (Canada), en collaboration avec l’organisation A Rocha Canada (https://arocha.ca) et le Regent College (haute école de théologie) de Vancouver. Ce texte a été publié dans le journal Vivre (www.vivre.ch) au début 2022.

Katharine Hayhoe, née en 1973 à Toronto (Canada), est fille de missionnaires, épouse de pasteur, mère de famille et chrétienne évangélique. Elle a obtenu un Bachelor en science, puis un master et un doctorat en sciences de l'atmosphère. Elle est professeur et directrice du Centre des sciences du climat à l’Université Texas Tech de Lubbock, au Texas. Elle est une écrivaine et une conférencière reconnue.

Site internet de Katharine Hayhoe : www.katharinehayhoe.com

Pour écouter l’ensemble de la conférence sur Youtube : www.youtube.com/watch?v=0HbbE74MrUc&list=WL&index=34

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