La 7e édition de la journée du Réseau des scientifiques évangéliques de Suisse romande a abordé samedi 6 mai la question du changement climatique. Quatre orateurs nous ont interpellés avec des conférences de grande qualité. L’alerte est donnée sur l’urgence et l’ampleur de la tâche. Avec le regard croisé des sciences, de l’histoire, de la philosophie et de la théologie, les intervenants s’accordent sur notre responsabilité particulière de chrétiens. Avec une vision du monde qui s’enracine dans trois thèmes bibliques majeurs :
- La mission confiée à l’homme dans la Genèse (« cultiver et garder le jardin »).
- L’espérance chrétienne, avec l’image de la cité nouvelle en Apocalypse 21, qui récapitule positivement le fruit de l’activité humaine.
- L’exigence de justice, thème majeur qui traverse la Bible tout entière, qui nous invite à nous engager résolument dans ce combat, au-delà des frontières nationales et de nos raisonnements à court terme.
Plus de doute, notre responsabilité est engagée. C’est même à une « conversion » que nous sommes appelés.
Les changements environnementaux globaux
Nicolas Ray, membre de l’Eglise évangélique La Fraternelle à Nyon (FREE), docteur en biologie et chef d’équipe au Programme des Nations Unies pour l’environnement, ouvre les feux. Dans une présentation claire et magistrale, il dresse l’état des lieux du changement climatique. Scientifiquement, le réchauffement ne fait plus de doute, ni son origine essentiellement humaine. On commence à mesurer les effets de ce changement extrêmement rapide à l’échelle géologique, et qui survient après 10’000 ans de stabilité. Nous sommes devant un choix majeur. Soit nous prenons dès maintenant les mesures d’atténuation indispensables. Soit nous (nos enfants ou nos petits-enfants, selon notre âge…) supporterons plus tard un coût bien plus élevé.
Justice climatique et développement durable dans un monde déchu
Le Dr Dominic Roser, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’éthique et des droits de l’homme de l’Université de Fribourg, développe les enjeux éthiques de ce problème global.
La révolution industrielle nous a permis de sortir de la pauvreté. Au XIXe siècle, la Suisse était très pauvre, les ouvriers et les enfants travaillaient 13 heures par jour dans les usines, et l’espérance de vie ne dépassait pas 40 ans. D’un côté, la prospérité actuelle de la Suisse est une concrétisation de l’espérance biblique. De l’autre, cette bénédiction est entachée d’injustices et d’effets pervers : les aliénations qu’ont constitué l’esclavage, le colonialisme, l’exploitation des ressources, et le changement climatique – actuel mais prévu depuis longtemps.
Nous sommes face à une injustice majeure : les bienfaits de la technologie, surtout au Nord, et ses méfaits, surtout au Sud. Il est urgent de changer en vue d’une « décarbonation » radicale et globale – tout en permettant aux pays du Sud de sortir de la pauvreté. Il s’agit d’innover de manière radicale, d’accepter que les pays du Nord compensent leur production de gaz carbonique du temps passé, et d’entrer dans une perspective à long terme, qui dépasse l’intérêt national.
Des enseignements de l’histoire à une réponse chrétienne au changement climatique
Jean-François Mouhot, historien, est directeur dans le sud de la France du Centre des Courmettes géré par l’association écologique évangélique A Rocha. Il tire des leçons de l’esclavage et de son abolition, dans laquelle les chrétiens ont joué – en tout cas en Angleterre – un rôle clé. C’est par une option graduelle que William Wilberforce est parvenu en 1833 à imposer l’abolition dans tout l’Empire britannique.
Sauvegarder la maison commune, une exigence de la foi chrétienne
Le théologien et philosophe Fabien Revol, enseignant à l’Université catholique de Lyon, développe son propos, notamment à partir de l’encyclique magistrale du pape François, Laudate Si, publiée en mai 2015. En réponse à la thèse de Lynn Townsend White (1967), qui accuse le christianisme d’être co-responsable de la crise écologique, il montre que la foi chrétienne est source d’une espérance qui motive l’engagement pour une écologie intégrale. Pour lui, l’harmonie avec la création fait partie intégrante de la réconciliation en Jésus-Christ.
Silvain Dupertuis