En matière de reconnaissance des Eglises évangéliques par l’Etat, les cantons de Neuchâtel et de Vaud connaissent la même effervescence. La Fédération évangélique vaudoise (FEV) et la Fédération évangélique neuchâteloise (FEN) débattent de la pertinence de poser leur candidature. L’équipe pastorale de l’Eglise évangélique mennonite Les Bulles à La Chaux-de-Fonds, grâce au travail de Thomas Gyger, vient de publier une prise de position argumentée, défavorable à toute demande de reconnaissance d’intérêt public par l’Etat (1).
Un droit des associations suffisant
Cette prise de position qui n’a pas encore l’aval de l’assemblée générale de la communauté constate qu’en Suisse « la liberté d’organisation actuelle permettant de s’associer autour d’idéologies, d’intérêts et de confessions est déjà suffisante » et que « les prérogatives apportées par une reconnaissance officielle dans les cantons de Vaud et Neuchâtel se résument à relativement peu de choses dans la pratique », en comparaison des contraintes et des efforts liés à une démarche de reconnaissance.
Avec sa clause, Vaud limite la liberté religieuse
Le document constate que l’ajout opéré par le canton de Vaud à la déclaration liminaire que les évangéliques doivent signer pour ouvrir la démarche est une limitation à la liberté religieuse. L’acceptation de cette clause qui demande la prohibition de la discrimination à partir de l’orientation sexuelle « a pour conséquence immédiate une révision assez fondamentale de leurs choix herméneutiques et éthiques en rapport avec l’homosexualité ».
A partir d’une certaine lecture des théologiens du XXe siècle Karl Barth et Jacques Ellul, les responsables de l’Eglise mennonite Les Bulles avancent qu’entrer dans une démarche de reconnaissance revient aussi à accepter que la foi chrétienne soit réduite à une religion, ce qu’elle n’est pas. « Ce faisant, les Eglises ne feront que renforcer dans l’opinion publique la perception que le christianisme est équivalent aux autres religions. »
Quatre arguments pour enterrer toute demande
En final, ce document énonce quatre arguments qui s’opposent à la reconnaissance d’intérêt public : tout d’abord le refus, à partir de l’héritage historique anabaptiste, de voir l’Etat exercer une quelconque emprise sur l’Eglise, l’importance de maintenir la dimension prophétique de l’Eglise au sein de la société (une proximité l’empêchant d’exercer ce rôle), le refus de la dilution du christianisme par rapport aux autres religions, et dernièrement « la lecture des temps de l’Eglise ». A partir de l’observation du rapport actuel entre la société et les Eglises, le document relève que « les Eglises officielles ont un rôle de plus en plus marginal, elles font face à des soucis financiers et d’effectif, alors que la situation des Eglises « libres » est plutôt stable et que certaines d’entre elles se développent même de manière significative ».
Serge Carrel