Reconnaissance d’intérêt public : une Eglise mennonite publie une prise de position défavorable à la demande

vendredi 18 août 2017 icon-comments 3

Alors que le dépôt de la demande de reconnaissance d’intérêt public est en panne du côté des évangéliques vaudois, le débat s’intensifie du côté de Neuchâtel. Cette simultanéité du débat permet des regards croisés. Dans ce contexte l’Eglise mennonite Les Bulles à La Chaux-de-Fonds est la première à émettre publiquement un avis défavorable à une demande de reconnaissance. Présentation.

En matière de reconnaissance des Eglises évangéliques par l’Etat, les cantons de Neuchâtel et de Vaud connaissent la même effervescence. La Fédération évangélique vaudoise (FEV) et la Fédération évangélique neuchâteloise (FEN) débattent de la pertinence de poser leur candidature. L’équipe pastorale de l’Eglise évangélique mennonite Les Bulles à La Chaux-de-Fonds, grâce au travail de Thomas Gyger, vient de publier une prise de position argumentée, défavorable à toute demande de reconnaissance d’intérêt public par l’Etat (1).

Un droit des associations suffisant

Cette prise de position qui n’a pas encore l’aval de l’assemblée générale de la communauté constate qu’en Suisse « la liberté d’organisation actuelle permettant de s’associer autour d’idéologies, d’intérêts et de confessions est déjà suffisante » et que « les prérogatives apportées par une reconnaissance officielle dans les cantons de Vaud et Neuchâtel se résument à relativement peu de choses dans la pratique », en comparaison des contraintes et des efforts liés à une démarche de reconnaissance.

Avec sa clause, Vaud limite la liberté religieuse

Le document constate que l’ajout opéré par le canton de Vaud à la déclaration liminaire que les évangéliques doivent signer pour ouvrir la démarche est une limitation à la liberté religieuse. L’acceptation de cette clause qui demande la prohibition de la discrimination à partir de l’orientation sexuelle « a pour conséquence immédiate une révision assez fondamentale de leurs choix herméneutiques et éthiques en rapport avec l’homosexualité ».

A partir d’une certaine lecture des théologiens du XXe siècle Karl Barth et Jacques Ellul, les responsables de l’Eglise mennonite Les Bulles avancent qu’entrer dans une démarche de reconnaissance revient aussi à accepter que la foi chrétienne soit réduite à une religion, ce qu’elle n’est pas. « Ce faisant, les Eglises ne feront que renforcer dans l’opinion publique la perception que le christianisme est équivalent aux autres religions. »

Quatre arguments pour enterrer toute demande

En final, ce document énonce quatre arguments qui s’opposent à la reconnaissance d’intérêt public : tout d’abord le refus, à partir de l’héritage historique anabaptiste, de voir l’Etat exercer une quelconque emprise sur l’Eglise, l’importance de maintenir la dimension prophétique de l’Eglise au sein de la société (une proximité l’empêchant d’exercer ce rôle), le refus de la dilution du christianisme par rapport aux autres religions, et dernièrement « la lecture des temps de l’Eglise ». A partir de l’observation du rapport actuel entre la société et les Eglises, le document relève que « les Eglises officielles ont un rôle de plus en plus marginal, elles font face à des soucis financiers et d’effectif, alors que la situation des Eglises « libres » est plutôt stable et que certaines d’entre elles se développent même de manière significative ».

Serge Carrel

Note
1 Thomas Gyger, La reconnaissance des communautés religieuses par l’Etat. Une position anabaptiste, Eglise évangélique mennonite Les Bulles, La Chaux-de-Fonds, 16 août 2017, 11 p.

3 réactions

  • Vidoudez Pascal vendredi, 18 août 2017 12:08

    Cette prise de position devrait inspirer davantage la FEV, s'il s'en faut.
    Ce document suscite effectivement une réflexion approfondie sur une demande de reconnaissance aux multiples questions épineuses.

  • Reto Arcioni vendredi, 18 août 2017 14:13

    Merci pour cette prise de position à conserver sérieusement comme "food for thoughts".

    Ne croyons pas que les églises et les fédérations constituent en elles-même un avantage pour l'Etat. Restons humbles dans notre transformation personnelle par l'Esprit à la ressemblance de Jésus.

    De plus, ce n'est pas à la FEV de décider pour tous les évangéliques. Il y aurait instrumentalisation du nom d'évangélique : de quel droit les statuts des églises seraient être contraints à une refonte devant plaire à l'Etat et à la FEV ? au nom de qui ? Comprend-on que la foi est personnelle ? Cette foi personnelle se manifeste ensuite au niveau communautaire (en église et en société), cela fait partie de la richesse de liberté que peut manifester une foi dont seul Christ est l'objet !


    Dépendance théologico-sociale

    Cette confusion entre foi et religions est profondément perverse. On ne parle pas du tout de la même chose avec un tel amalgame. Si Pierre Gisel (CCMR) dit que la communauté faudra "soit faire de l’ordre parmi ses membres, soit renoncer à la reconnaissance", commençons à enseigner les vrais fondements bibliques aux membres de nos communautés, afin qu'ils comprennent la pensée de Dieu en rapport au péché (mot à prononcer à haute voix et non à éviter en chaire) et que ce Dieu n'est pas un fantoche qui "comprend" si facilement les écarts du chrétien dont la foi n'a pas Christ comme objet.

    À quoi servirait une reconnaissance par l'Etat de communautés évangéliques (et en particulier de fédérations) qui excuseraient tout, voire cacheraient beaucoup de choses gênantes par des enseignements lénifiés et financièrement intéressés, pour ne pas faire de vagues trop embarrassantes ? Christ ne serait clairement pas l'objet de leur foi.


    Dépendance du monde

    Ne nous voilons pas la face, une des motivations fondamentales, qui poussent les églises (et en particulier les fédérations) à obtenir cette reconnaissance de l'Etat, consiste à obtenir les déductions fiscales sur les dons aux églises (et en particulier aux fédérations). Si les chrétiens (et en particulier les fédérations) sont si soucieuses de déductions fiscales sur leur dons, il s'agit, non seulement d'un manque liberté de la foi quant aux finances selon le regard divin, mais surtout d'un esclavage charnel des églises (et en particulier des fédérations !!!) aux mensonges de Mammon en leur sein même.

    En quoi un Etat serait autrement intéressé par la reconnaissance d'un ensemble de gens de si peu de foi, plutôt qu'à les réduire à des adhérents idéologiques à certaines religions? Il s'agit véritablement d'un débat religieux... et cela n'a rien à voir avec la foi en la vérité qui rend libre en Jésus, qui rend même libre de la religion.

    Suite de quoi, les églises vont également être tentées de se présenter selon leur nombre de membres ou la taille de leurs bâtiments pour faire poids, voire même leurs quelques membres engagés dans un domaine politique ou financier. Ce genre de levier n'existe pas dans la Bible. Il s'agit d'un mauvais témoignage à la marche dans la foi selon la pensée de Jésus.


    Dépendance de l'Etat

    Il va sans dire que certains scandales financiers et moraux dans les églises (et en particulier les fédérations et leurs fondations ecclésiastiques) se trouveraient plus aisés à cacher par copinage, en alliance avec le monde. Ceci tout spécialement lorsqu'il s'agirait de faire disparaître une association d'église pour ne pas qu'elle révèle des opérations financières indélicates en lien avec ces fondations ecclésiastiques. La morale biblique n'aurait plus de poids, individuel ou en groupe, pour faire garde-fou à ce comportement humain dans les églises et les fédérations.

    Pourquoi faudrait-il que les églises soient reconnues par l'Etat pour offrir des services à la société (ex. l'aumônerie) ? Ne serait-ce pas une tentative réductionniste du sens de l'Eglise aux yeux de Jésus ("Tout pouvoir m'a été donné.... Allez !")... et par conséquent excuser l'inaction de cette Eglise jusqu'ici en la mettant sur le dos de l'Etat ?


    Soyons cléments envers la FEV : elle a essayé-pas-pu. Passons à autre chose et encourageons-nous à visiblement manifester l'Evangile sans compromis, quelle que soit l'opposition que cela nous coûterait. Vue comme une secte ou pas, l'Eglise n'est pas appelée à régner avant son enlèvement et son retour sur la terre du millénium. Comme la Bible nous l'enseigne, nous respectons l'Etat, mais nous sommes appelés en premier à manifester le Royaume et Sa justice. Et ce Royaume n'est aucunement calqué sur les principes de ce monde.

  • Rusovsky Désiré vendredi, 18 août 2017 14:33

    Excellente réflexion.

    Depuis plusieurs années, je trouve que les milieux évangéliques cherchent à être acceptés par le « monde », alors que Jésus a dit que son royaume n’est pas selon ce monde.

    En cherchant à être acceptables, ils perdent de vue la radicalité de l’Évangile.
    Ils risquent ainsi de perdre leur pertinence et leur crédibilité.
    Pourquoi est-ce que les disciples du Roi des rois devraient se soumettre aux règles et aux manières de faire des « grands de ce monde »?
    En mettant ainsi leur lumière sous le boisseau ou en s’affadissant, ils pourraient bien être dépassés par des chrétiens plus radicaux dans leur marche. Il y a, entre autres, un renouveau d’intérêt pour une démarche de type anabaptiste.

Publicité

Twitter - Actu évangélique

Journal Vivre

Opinion

Opinion

Agenda

Événements suivants

TheoTV (mercredi 20h)

20 janvier

  • «La terre, mon amie» avec Roger Zürcher (Ciel! Mon info)
  • «Repenser la politique» avec Nicolas Suter (One’Talk)

27 janvier

  • «La méditation contemplative» avec Jane Maire
  • «Vivre en solobataire» avec Sylvette Huguenin (One’Talk)

TheoTV en direct

myfreelife.ch

  • « J’ai été un bébé volé du Sri Lanka »

    Ven 03 novembre 2023

    Il y a quelques années, un trafic d’enfants proposés à l’adoption à des couples suisses secouait l’actualité. Sélina Imhoff, 38 ans, pasteure dans l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin, en a été victime. Elle témoigne avoir appris à accepter et à avancer, avec ses fissures, par la foi. Et se sentir proche du Christ né, comme elle, dans des conditions indignes. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

eglisesfree.ch

  • Un·e responsable des finances (10%)

    Lun 29 janvier 2024

    Plus grande fédération d’Eglises évangéliques en Suisse romande, la FREE offre un cadre de travail dynamique et défiant, en lien étroit avec les autres acteurs du milieu chrétien évangélique romand, suisse et international. Dans ce cadre, la FREE recherche un·e responsable des finances.

  • Rencontre générale : une fédération utile

    Mer 29 novembre 2023

    La Rencontre générale du 25 novembre 2023 a permis de remercier Stéphane Bossel pour 23 ans d’engagements divers et importants dans la FREE. Elle a aussi permis à l’équipe de direction de partager quelques priorités, notamment le sens, les valeurs et la plus-value que la FREE peut offrir aux Eglises.

  • Rencontre générale de la FREE : l’équipe de direction souffle sa première bougie

    Sam 08 avril 2023

    La Rencontre générale de la FREE, qui a eu lieu le 1er avril 2023 à Aigle, a permis à la nouvelle équipe de direction de dresser un bilan, après tout juste une année de fonctionnement. Et ce qui saute aux yeux, c’est le grand nombre des défis à relever.

  • FREE : une première « Journée stratégique »

    Ven 03 février 2023

    Les personnes qui exercent un rôle dans la FREE se sont réunies en janvier pour réfléchir à la mise en œuvre de la nouvelle « gouvernance à autorité distribuée » (1). Retour sur une « Journée stratégique » conviviale et studieuse.

eglise-numerique.org

point-theo.com

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !