En votant à propos du Revenu de base inconditionnel (RBI) le 5 juin dernier, les Suisses ont eu la possibilité de dire dans quelle mesure ils approuvent l’affirmation de l'économiste et homme politique français du XIXe siècle, Frédéric Bastiat : « L’Etat, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »
Au-delà des questions économiques, politiques et sociales, le Revenu de base inconditionnel met en évidence une certaine conception de l'être humain. Celui-ci doit pouvoir s'épanouir en étant débarrassé du souci d'assurer sa subsistance. Chaque personne domiciliée en Suisse aurait pu décider librement « de la façon dont elle entend utiliser ses compétences et de la contribution qu’elle entend apporter à la collectivité ».
Adam et Eve avant la Chute !
C'est le Paradis ! Adam et Eve avant la Chute ! Nous y trouvons des êtres humains capables de faire les bons choix et de prendre leur juste place dans la société. Ils ne sont ni paresseux, ni fatigués, ni égoïstes. Ils bénéficient d'une sagesse qui leur permet de miraculeusement faire fonctionner le système. Ils n'ont aucune raison de craindre une certaine précarité de la vie.
Mais cette situation idéale – paradisiaque ! – n'existe pas sur terre. Elle était même absente de l’Eglise de Thessalonique où des croyants paresseux profitaient des autres. L'apôtre Paul leur a rappelé : « Que celui qui refuse de travailler renonce aussi à manger ! […] Travaillez dans la paix et gagnez vous-mêmes votre pain » (2 Thessaloniciens 3.10-12).
L'initiative pour un Revenu de base inconditionnel nous a proposé une vision de l'humanité émancipée de la Chute et de ses conséquences. Nous sommes loin de la confession lue par le réformateur Théodore de Bèze lors du colloque de Poissy, en 1561 : « Nous reconnaissons et nous confessons devant ta sainte majesté que nous sommes de pauvres pécheurs. Nés dans l'esclavage du péché, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien, nous transgressons tous les jours et de plusieurs manières tes saints commandements, attirant sur nous, par ton juste jugement, la condamnation et la mort. »
Des perspectives présentes ailleurs !
Echapper à notre nature pécheresse, à notre incapacité à vraiment faire le bien, à notre fragilité, à la mort : les tentatives se succèdent. Par exemple, la société de biotechnologie Calico, fondée par Google à San Francisco, vise à nous émanciper de notre finitude. Elle développe des projets de recherche pour lutter contre le vieillissement, avec comme but ultime de « tuer la mort ».
A ce constant désir d'émancipation, la Genèse répond par un cadre à la fois pesant, bienfaisant et libérateur : « Le sol est maudit à cause de toi. C'est avec beaucoup de peine que tu en tireras ta nourriture tout au long de ta vie. […] Tu en tireras ton pain à la sueur de ton front jusqu'à ce que tu retournes au sol dont tu as été tiré, car tu es poussière et tu retourneras à la poussière » (Genèse 3.18-19).
Claude-Alain Baehler, rédacteur responsable du journal Vivre