La croissance et la santé d’une Eglise passent par le discipulat

vendredi 11 juin 2021 icon-comments 1

La croissance et la santé d’une Eglise locale passent par le discipulat1. C’est ce que démontre le pasteur Philippe Bottemanne dans un texte dont la première partie se trouve ci-dessous. Les autres parties seront publiées dans les prochains numéros de votre journal.

La croissance et la santé d’une Eglise locale dépendraient-elles du discipulat1 ? J’en suis absolument convaincu ! Tout ce que nous lisons dans la Bible va dans ce sens : le message et la pratique du Christ, le style de vie de l’Eglise selon le livre des Actes des apôtres et les lettres de Paul. Et lorsque nous observons les Eglises actuelles, nous constatons encore que la pratique du discipulat est indispensable !

Et pourtant, le discipulat est souvent le parent pauvre de nos Eglises. En effet, la plupart des responsables de communautés font tout leur possible pour proposer des cultes inspirants et attirants, des programmes de qualité. Mais je connais peu d’Eglises qui construisent leur projet communautaire autour du discipulat. Pourtant nous aurions tout à y gagner !

Après des années de ministère dans les Eglises, j’en suis arrivé à l’intime conviction qu’une grande partie des difficultés de nos Eglises – le poids qui repose sur les pasteurs et les responsables, les tensions internes et même les divisions douloureuses – sont les conséquences d’un manque de maturité spirituelle (cf. 1Co 3.1-3). Or, nous savons que ces réalités sont extrêmement coûteuses en temps, en énergie et en finances… sans oublier toutes les personnes blessées et dégoûtées.

Nous passons beaucoup de temps à accompagner des situations douloureuses qui pourraient être évitées si les personnes impliquées avaient développé une vie spirituelle de disciple. C’est pour cela que je lance un appel au discipulat !

Cela signifie-t-il que le discipulat soit le remède miracle ? Certainement pas, car l’être humain demeure imparfait et faillible. Cependant, l’apprentissage de la vie spirituelle qui découle de l’Evangile fait une réelle différence. C’est d’ailleurs, la seule chose qui différencie la communauté chrétienne d’une autre communauté religieuse ou profane. C’est ce qui rejoint ceux qui cherchent des solutions à leur problèmes.

Pendant longtemps, j’ai cru que la vie d’Eglise que nous pratiquons généralement – groupes de maisons, encouragement à être témoin dans notre quotidien – étaient suffisante pour faire de nous des disciples. Tout cela est excellent, et pourtant nous risquons de passer à côté de l’essentiel. En effet, lorsque nous réalisons comment se développe une vie de disciple, nous réalisons aussi que nous avons besoin de devenir « intentionnels » en adoptant un « projet de pédagogie spirituelle ». Il ne s’agit pas de vouloir tout changer, mais de générer un mouvement de croissance au sein de nos communautés.

C’est pour nous y aider que j’ai écrit ce texte, sachant que tout changement réclame des efforts et que, pour cela, nous avons besoin d’y trouver des avantages. En voici quatre :

  1. la croissance d’une vie communautaire dans le zèle de l’amour et la maturité ;
  2. l’endurance dans l’adversité ;
  3. la croissance numérique par le témoignage des membres ;
  4. l’éclosion des dons et des ministères.

Le but de ce texte est d’être un outil pour celles et ceux qui désirent prendre la question de la formation de disciples au sérieux. Il existe beaucoup d’excellents enseignements sur le sujet. Mon but n’est pas d’en rajouter, mais de proposer un outil permettant de découvrir où nous en sommes et comment entrer dans un processus de discipulat. Quant au but final, il est de mettre en pratique ce que Jésus-Christ nous appelle à vivre concrètement dans un groupe ou une Eglise locale. Je vous propose donc un parcours en trois étapes : (1) nous centrer sur notre appel, (2) comprendre le processus de discipulat, (3) amorcer le mouvement.

1. Nous centrer sur notre appel

L’appel du Christ

Après avoir accompli le salut des hommes par sa mort et sa résurrection, le Fils de Dieu a donné une mission à ses disciples : « J'ai reçu tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. Allez donc dans le monde entier, faites des disciples parmi tous les peuples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et apprenez-leur à obéir à tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis moi-même avec vous chaque jour, jusqu'à la fin du monde » (Mt 28.18-20). La mission est double :

  • appeler les hommes de toutes nations à recevoir le salut de Dieu en l’exprimant par le baptême ;
  • appeler les baptisés à devenir des disciples matures par leur obéissance à son enseignement.

Qu’est-ce qu’un disciple ?

Le terme « disciple » signifie simplement « apprenti ». Un apprenti est celui qui apprend à vivre et à agir en s’inspirant d’un maître. Sur le plan professionnel, un apprenti menuisier ou cuisinier apprend son métier sous la conduite d’un praticien mature. 

Nous pouvons aussi être disciple d’une philosophie. Toutefois, nous ne devons pas oublier que Jésus met clairement l’accent sur la mise en pratique de son enseignement et pas uniquement sur une adhésion intellectuelle : « Pourquoi m'appelez-vous ‘Seigneur, Seigneur !’ et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Lc 6.46). Dans la dynamique d’apprentissage, l’enseignement et la mise en pratique sont interactifs, comme nos deux jambes le sont pour marcher.

La vie de disciple implique une relation forte entre celui qui apprend et son maître. Cette relation, qui dépasse le simple partage de connaissance, inclut le partage des valeurs et du style de vie. Elle revêt aussi une dimension d’initiation et de ce que nous appelons aujourd’hui le « mentorat ».

Il est à noter que dans le Nouveau Testament, il n’y a pas de distinction entre être « chrétien » et être « disciple » du Christ. D’ailleurs le terme « chrétien » n’est utilisé que trois fois dans le Nouveau Testament, alors que « disciple » l’est 269 fois.

Malheureusement, l’histoire du christianisme religieux est passé par-là. Et il est devenu tout-à-fait possible de séparer les deux ! Ce dérapage conduit à séparer le fait de croire en Jésus et de vivre d’après Lui. Cela conduit à une attitude passive au lieu d’entrer dans le processus de croissance qui est au cœur de la vie de disciple. Un disciple de Jésus est un « croyant-apprenti », un praticien de son enseignement et de sa manière de vivre au quotidien.

Ainsi, la vie de disciple ne se limite pas à un rôle de « croyant » ou de membre d’Eglise. Elle nous fait devenir acteur, prolongeant ainsi le ministère de notre Maître : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, et il en fera même de plus grandes, parce que je vais vers mon Père » (Jn 14.12). « Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, car je vous ai donné un exemple afin que vous fassiez comme je vous ai fait. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son seigneur, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé. Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en pratique » (Jn 13.17).

Jésus nous donne ici le principe de la vie de disciple : agir comme lui, c’est-à-dire agir en son nom ou de sa part ! Ainsi nous voyons Jésus annoncer le Royaume de Dieu, guérir les malades et chasser les démons, puis envoyer ses disciples faire de même en agissant de sa part.

Ce qui est extraordinaire dans la vie de disciple, c’est que non seulement Jésus nous fait participer à son ministère en nous partageant son autorité et sa puissance pour agir de sa part, mais en plus il nous remplit de vie, de paix et de joie surnaturelles lorsque nous nous y engageons ! (cf. Lc 10.17-24, Jn 14.27, 15.10-17). Ainsi, nous nous sentons vivant en entrant dans l’obéissance à ce que Jésus nous appelle à faire de sa part !

C’est le thème du livre des Actes des apôtres. C’est aussi la raison pour laquelle l’Eglise est appelée « Corps du Christ ». Et l’apôtre Paul explique : « En réalité, c'est lui qui nous a faits ; nous avons été créés en Jésus-Christ pour des œuvres bonnes que Dieu a préparées d'avance afin que nous les pratiquions » (Ep 2.10).

Seul le discipulat a un effet multiplicateur

Bien qu’il se soit adressé à des foules, Jésus a mis la priorité sur la formation de disciples capables d’en former d’autres, dans son enseignement et les actes qui en découleront. Devenir ses disciples et en former d’autres est au cœur du ministère du Christ. Or, parler de vie de disciple, c’est parler d’une relation forte entre un apprenti et son maître ! C’est ainsi que Jésus a laissé derrière lui douze apôtres et une centaine de disciples prêts à entrer dans l’action du Saint-Esprit (Ac 1 et 2).

En formant des disciples « contagieux », Jésus a lancé le plus grand mouvement de multiplication de l’histoire. A son tour, Paul a agi de la même manière en formant des disciples du Christ sur le principe : « modéliser et multiplier » : « Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi, et ce que vous avez vu en moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous » (Phil 4.9). « Ce que tu as entendu de moi en présence de nombreux témoins, confie-le à des personnes fidèles qui soient capables de l'enseigner aussi à d'autres » (2 Ti 2.2).

Ainsi les chrétiens de l’époque n’avaient pas toujours besoin que Paul soit avec eux. Celui-ci leur avait appris à pratiquer eux-mêmes le ministère de Jésus dans leur lieu de vie. Voilà comment l’Evangile s’est répandu dans tout l’empire romain en l’espace d’un siècle !

Sans mauvaise comparaison avec la pandémie que nous vivons actuellement, on peut dire que la croissance des disciples aux premiers siècles était « virale » ! Nous voyons donc que tous les chrétiens étaient appelés au discipulat, et pas uniquement les responsables et les pasteurs. En fait, les « ministères reconnus » ont la responsabilité de former les membres du Corps du Christ, afin qu’ils pratiquent leurs ministères (cf. Ep 4.11-16).

Le discipulat est exigeant

Si nous voulons aller plus loin qu’un discours sur le discipulat, nous devons être prêt à en payer le prix ! Et c’est un défi à une époque où nos agendas sont souvent en tension. Nous devons donc être conscients que notre appel à être disciple du Seigneur du ciel et de la terre nous conduit à une vie qui transcende nos intérêts terrestres. Tout en évitant les mauvais raccourcis, je crois que le dépouillement de nos programmes dû à la pandémie peut être compris comme un appel à chercher l’essentiel de la vie chrétienne.

Par le Christ mort et ressuscité pour nous, nous entrons dans une relation bénie au travers laquelle nous nous découvrons fils et héritiers de Dieu (cf. Rm 8.14-17 et Ga 4.4-7). Toutefois, cette relation va immanquablement confronter notre échelle de valeurs terrestres, à commencer par celle de notre égocentrisme. Jésus ne l’a pas caché : « Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive, car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la sauvera. Que sert-il à un homme de gagner le monde entier, s'il se perd ou se détruit lui-même ? » (Lc 9.23-25)

Comme le rappelle le théologien et évangéliste étasunien Paul Washer : « Pour être ses disciples, nous devons transférer la propriété de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous avons à tout ce qu'il est, Lui ! Ainsi ma vie n'est plus ma vie, c'est sa vie. Mon temps n'est plus le mien, c’est le sien. Mes possessions ne sont plus mes possessions, ce sont ses possessions. Mon avenir n'est plus mon avenir, c'est son avenir. » Nous ne sommes plus les propriétaires de notre existence, nous en sommes les gérants !

Ce serait faire mentir l’Evangile que de dire que la grâce n’est pas exigeante et ne nous implique pas ! Le fait même que Jésus nous appelle au discipulat réclame un engagement et une soif d’apprendre de notre part.

On a demandé à John Wesley, l’un des plus grands hommes du réveil du XVIIIe siècle, si on devait prêcher l’Evangile là où il n’était pas possible de former des petits groupes et de fonder des Eglises qui se reproduiront. Il a répondu : « Ce n’est pas la peine ! Nous avons essayé cela pendant des années et il n’y a quasiment pas de fruits qui demeurent ! Tant que nous ne commençons pas à former les croyants à entrer dans une vie de disciple et à se reproduire, nous ne verrons pas de mouvement prendre forme ».

Réfléchissons !

Pour terminer, je vous laisse réfléchir au fait que nous ne pouvons pas entrer dans une vie de disciple ou de chrétien sans être profondément marqué par l’Evangile !

En ce sens, l’Evangile nous marque au moins de trois manières :

Avoir été sauvé par le Fils de Dieu, alors que nous étions condamnés à mort, produit en nous un attachement inconditionnel à sa personne.

Etre aimés à ce point, sans le mériter, génère en nous l’amour, la reconnaissance et la grâce.

Etre conscients de notre nature pécheresse produit en nous l’humilité, la repentance et l’aspiration à vivre par l’Esprit.

« Mais voici comment Dieu prouve son amour envers nous : alors que nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous » (Ro 5.8).

« Pour nous, nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier » (1 Jn 4.19).

« En effet, la loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Ro 8.2).

« Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! » (Ro 8.14-15).

Les points que nous venons d’aborder ont de quoi nous questionner sur notre manière de vivre notre foi. Le but n’est pas de rechercher des excuses ou de nous flageller, mais d’être honnêtes avec nous-mêmes.

Questions

  1. Qu’est-ce qui m’interpelle dans ce que je viens de lire ?
  2. Qu’est-ce que cela implique de ma part ?
  3. Qu’est-ce que cela impliquerait pour ma communauté ?

A méditer

La croissance et la santé de l’Eglise dépendent du discipulat !

Dans la deuxième étape, nous nous pencherons sur le processus qui permet de devenir disciple et d’en former d’autres.

 

Philippe Bettemanne,
pasteur dans l’Eglise évangélique de Châble-Croix (FREE), à Aigle.

 

Note : 
1 Bien que souvent utilisé, le mot « discipulat » ne se trouve pas dans le dictionnaire. Nous l’utilisons pour parler du processus qui permet de grandir soi-même dans la vie de disciple et d’en former d’autres.

  • Encadré 1:

    BIOEXPRESS

    Capture décran 2021 06 11 à 08.55.19Philippe Bottemanne, marié à Maya et père de deux fils adultes, est pasteur dans l’Eglise évangélique de Châble-Croix (FREE), à Aigle, depuis 29 ans. Il est également coordinateur du Groupe pour l'accompagnement d'Eglises et de ministères au sein de la FREE et formateur.

     

1 réaction

  • Simone Givel vendredi, 18 juin 2021 21:05

    Bonjour, Etre disciple, très simple pour moi c'est suivre la doctrine de JéSUS, la Bible la définit très bien. C'est CLAIR et NET. Et c'est seulement dans cette obéissance-là que l'on pourra être efficace pour donner envie aux gens de rejoindre le groupe des chrétiens. Et c'est bien sûr avec l'aide du Christ que l'on pourra travailler valablement dans sa moisson. En route......tous....

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