Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, le prophète Michée écrit : « Le Seigneur te fait savoir ce qui est bien. Voici ce qu’il demande à tout être humain : faire ce qui est juste, aimer agir avec bonté et vivre avec son Dieu dans la simplicité » (Mi 6.8). Ainsi, la pratique de la justice est une caractéristique du peuple de Dieu. Elle montre la foi du croyant et sa proximité avec Dieu.
Les prophètes de l’Ancien Testament montrent régulièrement le lien entre injustice et idolâtrie. C’est, par exemple, le cas d’Amos : « Israël a commis de nombreux crimes ; il a dépassé les limites. Voilà pourquoi je ne reviendrai pas sur l’arrêt que j’ai pris, car pour un pot-de-vin ils vendent l’innocent, et l’indigent pour une paire de sandales. Ils piétinent la tête des démunis dans la poussière, et ils faussent le droit des pauvres. Le fils comme le père vont vers la même fille, c’est ainsi qu’ils m’outragent, moi qui suis saint. Près de chaque autel, ils s’étendent sur des vêtements pris en gage et, dans le temple de leurs dieux, ils vont boire le vin que l’on a perçu comme amende » (Am 2.6-8).
À l’inverse, le prophète Ésaïe montre comment la foi s’exprime par la pratique de la justice : « Le jeûne qui me plaît est celui qui consiste à détacher les liens de la méchanceté, à délier les courroies de toute servitude, à mettre en liberté tous ceux que l'on opprime et à briser toute espèce de joug » (És 58.6). Cela nous conduit à nous poser cette questions : « Si, aujourd’hui, le peuple de Dieu se complaît dans des pratiques injustes, est-il encore le peuple de Dieu ? Ou sert-il un autre dieu ? »
Ainsi, lorsque les croyants pratiquent la justice, cela se remarque et interpelle : « Votre lumière doit briller devant tous les hommes, pour qu’ils voient le bien que vous faites et qu’ils en attribuent la gloire à votre Père céleste » (Mt 5.16). « Cette lumière qui brille, ce ne sont pas juste les paroles, mais aussi les belles œuvres du peuple de Dieu », relève Salomé Richir-Haldemann.
La pratique de la justice, une conséquence du salut par la foi
Cela dit, la pratique de la justice ne doit pas être confondue avec le salut par la foi seule. En effet, la pratique de la justice ne sauve pas. Elle est une conséquence naturelle du salut par la foi, une manière de vivre le salut en attendant la fin des temps et le retour du Christ. Du reste, le salut, s’il est individuel, n’est pas que cela : « Le Nouveau Testament montre que le salut se vit ensemble, dans l’Église, souligne la coordinatrice de StopPauvreté. On partage, on pardonne, on se réconcilie, on prend soin des personnes vulnérables, on incarne le Royaume devant le monde. L’Église doit redécouvrir le groupe, la communauté. Les chrétiens devraient s’engager plus, et moins râler en laissant des non-chrétiens se mettre au travail ».
Salomé Richir-Haldemann fait remarquer que l’exigence de Dieu envers l’Église ne se situe pas au niveau du résultat, mais de la mise en œuvre. Et cette exigence de pratique de la justice ne peut être déléguée : elle est de la responsabilité de chaque chrétien. C’est une sorte de discipline spirituelle qui conduit à une disposition d’esprit, puis devient une partie de l’identité du croyant, afin que celui-ci soit un disciple selon Dieu.
Spontanément, en matière de discipline spirituelle, nous pensons à la prière, à la méditation de la Bible, au jeûne… mais nous oublions la pratique de la justice. « La discipline spirituelle est un moyen de faire de la place pour louer Dieu, relève Salomé Richir-Haldemann. La louange ne se fait pas que dans notre tête, mais aussi en pratique, au moyen du service, du pardon, de l’hospitalité et de la pratique de la justice. »
La coordinatrice de StopPauvreté donne aussi les exemples d’Églises des Pays-Bas qui ont décidé de pratiquer la justice au moyen d’une demande de pardon. Elles se sont ainsi adressées aux anciennes colonies du pays et ont évoqué leur participation au système de l’esclavage, en place à l’époque. De son côté, l’Église d’Angleterre a annoncé qu’elle créait un fonds de cent millions de livres sterling (113 millions de francs suisses), afin de financer des programmes de développement et de réparer certains dégâts qu’elle a provoqués en s’abstenant de se distancer de l’esclavagisme.
Les chrétiens remarqués pour leur pratique de la justice
Durant le temps de questions, une participante a fait remarquer que les Églises peinent parfois à choisir judicieusement leur terrain d’action : « Il me semble que, lorsque nous parlons de l’implication politique de l’Église dans la société, ce n’est pas tellement pour des questions sociales, mais parce que l’Église veut faire du lobbyisme, accaparer le pouvoir, faire que l’État redevienne chrétien. Est-ce que nous n’avons rien compris ? Pourtant, il me semble que les chrétiens serons plus remarqués pour leur engagement dans l’entraide que par leurs mœurs sexuelles ! » Cette participante regrette que l’engagement des chrétiens en faveur de la justice ne soit souvent considéré que comme l’opinion ou la passion de quelques uns.
Une autre participante, engagée dans une Église évangélique, a choisi de s’engager également dans un exécutif communal. Elle a ainsi plusieurs manières de travailler pour la justice. Elle témoigne : « Pour moi, être engagée en politique va de soi. Et je me sens très libre de voter selon mes convictions, sans suivre automatiquement le mot d’ordre du parti. Lorsque je vais sur le terrain, à la rencontre de la population, j’essaye aussi de parler de mes convictions, et pas seulement de celles du parti. J’ai signé une charte de loyauté envers mon parti : elle m’interdit de le contredire, mais je peux me taire sur certains points ».