Qu’est-ce qui vous a amenées à imaginer cette journée ?
Puisque nous avons tous un corps, nous avons tous un genre et une sexualité. Et nous pouvons tous être défiés dans les domaines du genre, des relations, de l’identité et de la sexualité. Mais le tabou autour de ces sujets demeure. Il s’agissait de vivre simultanément une libération de l’écoute et une libération de la parole. Il s'agissait également d’abandonner cette mentalité de « nous versus eux », afin d’apprendre à marcher ensemble en tant que disciples du Christ ; nous placer humblement devant lui en admettant que nous avons tous besoin de sa grâce dans nos vies. Notre désir était d’apprendre à aimer comme Jésus et à se mettre à son écoute, face à ces questions complexes, sensibles, mais si importantes.
Quels autres besoins aviez-vous identifiés ?
Dans notre milieu chrétien, on confond souvent « orientation sexuelle » et « pratique sexuelle ». Il fallait clarifier les termes utilisés. Certaines personnes peuvent avoir une attirance homosexuelle et décider de ne pas avoir de relations homosexuelles, de la même manière que des chrétiens hétérosexuels décident de rester chastes jusqu’au mariage. Et puis, les chrétiens évangéliques doivent rattraper leur retard : alors que nos Églises se demandent comment mieux accueillir les personnes homosexuelles, la société en est à un autre stade, celui de l’accueil des personnes transgenres et non-binaires (voir lexique ci-dessous).
Quel profil avaient les participants ?
Sur les 170 participant·e·s, un tiers étaient des hommes et deux tiers de femmes. Ce qui était encourageant, c’est la grande mixité d’âges : plus de la moitié des participants était en dessous de 45 ans. La plupart des participants sont rattachés à une communauté chrétienne, certains sont des responsables d'Églises ou de groupes de jeunes, ou encore des accompagnants en relation d’aide.
Quels défis ont été le plus souvent évoqués ?
Pour cette première édition, les partages ont tourné notamment autour de l’attirance pour le même sexe. C’est un point de tension dans le milieu évangélique, mais les choses évoluent. On ne parle plus aujourd’hui de « guérir » les personnes qui ressentent cette attirance, mais plutôt de les accompagner dans leur vie de disciples du Christ, comme on le ferait pour tout chrétien et chrétienne.
La question de la souffrance était aussi bien présente. Pourquoi certains combats intérieurs perdurent ? La Bible parle d’un Dieu d’amour qui nous promet la liberté et une vie en abondance, mais en même temps, certains chrétiens ou chrétiennes luttent durant des années au niveau de leur identité sexuelle ou de genre. Au même titre que des personnes libérées de la dépendance à la pornographie restent sur le qui-vive pour ne pas retomber.
La vie chrétienne n’est pas sans souffrance ni sans tentation ; nous devons apprendre à cheminer au travers de celles-ci. Mais les personnes qui ont témoigné de leurs luttes ont aussi parlé de leur joie à marcher sur ce chemin, ainsi que de ce Dieu magnifique qu’elles ont découvert et des relations profondes et soutenantes qu’elles vivent.
Pour aborder ces sujets sensibles, vous appeliez de vos vœux un climat de bienveillance. L’avez-vous ressenti ?
Au cours de la journée, j’ai été très touchée car j’ai reçu davantage de retours sur l’atmosphère que sur le contenu lui-même. Un homme m’a dit : « Je pleure depuis ce matin et je ne sais pas pourquoi ». Beaucoup ont ressenti cette ouverture et bienveillance entre les participants. On nous a dit que la rencontre portait bien son nom « Éclats de grâce ». Ce qui nous importait le plus pour nous, c’est que les participants soient rejoints par Jésus dans ce qu’ils vivent !
Quelle aide l’Église peut-elle apporter aux personnes défiées dans leur identité sexuelle ou de genre ?
Il s’agit d’abord d’accueillir leurs histoires de vie sans proposer une solution toute faite. Faisons preuve d’humilité, car nous sommes souvent démunis face à ces situations. Nous pourrions dire à la personne concernée : « Tu es dans une situation complexe, nous allons cheminer ensemble, lire ensemble la Bible, et chercher ce que Dieu veut nous dire ». C’est important d’être soi-même dans l’authenticité ; de reconnaître que l’on a tous tant besoin de l’aide de Dieu. Lors de cette journée, nous avons vu que se montrer vulnérables en partageant notre histoire crée un climat de confiance et d’ouverture.
Au niveau communautaire, nous pourrions redonner une place au partage de nos défis, manquements et faiblesses les uns aux autres, dans un cadre sécurisé. Quand on les met à la lumière, quelque chose se passe : on sort du silence et de la honte, pour laisser Dieu nous rejoindre et nous transformer.
Je pense aussi aux parents d’ados ou de jeunes : pour saisir l’environnement dans lequel ils se construisent (les réseaux sociaux, etc), pour comprendre leur nouveau vocabulaire, je les invite à s’intéresser à ce que leurs enfants regardent, afin de se faire une meilleure idée de leurs défis et questionnements dans le domaine du genre et de la sexualité.