Monsieur Schut, que représente pour vous cet anniversaire des 70 ans de Portes Ouvertes?

La fidélité de Dieu! Que l’obéissance d’une seule personne à l’appel de Dieu se soit développée en un ministère mondial au service de l’Eglise persécutée dans plus de 70 pays. Cet appel qu’a reçu Frère André en juillet 1955, c’était de visiter la Pologne pour voir comment se portaient les croyant-e-s là-bas, c’est-à-dire l’Eglise clandestine [NDLR: à cette époque, la Pologne faisait partie du bloc communiste, où les Eglises étaient contrôlées et les Bibles interdites].

Selon vous, qu’est-ce qui a permis un tel développement de cette organisation chrétienne?

Frère André est devenu la première voix en faveur de l’Eglise persécutée. Il a permis la connexion entre l’Eglise Persécutée et l’Eglise Libre. Et cette dernière a pris conscience de sa responsabilité envers les frères et sœurs persécutés, d’abord en priant pour eux et en les soutenant, puis en allant leur rendre visite.

Quels moments ont été cruciaux au cours de ces sept décennies?

La publication de la biographie de Frère André « Le Contrebandier de Dieu ». Au travers de ce livre, toute une génération a été rejointe par le fardeau de l’Eglise persécutée et s’est engagée pour elle. Cette biographie a aussi amené des jeunes chrétiens à dédier leur vie à la mission.

Et puis, Portes Ouvertes a évolué progressivement d’un service de distribution de Bibles à un ministère avec une approche globale, prenant en compte toutes les dimensions de l’humain. Car offrir une Bible ne suffit pas, il faut pouvoir l’expliquer et également pourvoir aux besoins de bases des chrétiens en souffrance. Raison pour laquelle nous avons développé de la formation, de l’aide socio-économique etc. C’est l'une de nos valeurs fondamentales à Portes Ouvertes: « Etre orienté "Eglise persécutée"». Ce qui signifie que nous établissons notre agenda en fonction des besoins des chrétiens persécutés. Concrètement, nous leur demandons : que pouvons-nous faire pour vous ?

En l’an 2000, avec Frère André, vous avez vécu une expérience assez incroyable en Colombie. Pouvez-vous nous raconter?

Ce pays était en proie à la violence. Nous avons été invités par une fédération d’Eglises colombienne à mener une médiation entre les guérillas, comme les FARC et l’Armée de libération nationale (ELN), mais aussi les paramilitaires. Nous leur avons alors demandé que l’Église soit un terrain politiquement neutre, où les chrétiens se rencontrent librement. En effet, les paramilitaires forçaient les populations à se positionner pour leur idéologie communiste. Visiter les dirigeants politiques de ces groupes a eu pour effet positif de réduire la persécution des chrétiens !

Nous avons aussi proposé un désarmement des paramilitaires : chaque homme qui déposerait son arme recevrait une Bible. « J’ai 26'000 hommes ! », nous a dit un commandant. Ce à quoi nous avons répondu que nous avions 26'000 Bibles ! L’échange a eu lieu et d’anciens paramilitaires se sont tournés vers le Christ (cf photo).

Les actes anti-chrétiens et la persécution augmentent dramatiquement dans le monde. Vous qui voyagez beaucoup, voyez-vous des lueurs d’espoir?

Je considère Portes Ouvertes comme un ministère de la fin des temps, avec la conviction que la persécution augmentera encore. En cette période actuelle, l’Index de persécution de Portes Ouvertes indique que près de 380 millions de chrétiens sont, dans une certaine mesure, persécutés pour leur foi. Par conséquent, le christianisme est la religion la plus persécutée au monde, soit par des idéologies, soit par d’autres religions (islam, hindouisme et bouddhisme).

Malgré cela, nous voyons que l’Église mondiale continue de croître, surtout en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Je suis impressionné par des chrétiens sans grande connaissance biblique, qui refusent fermement de renier leur foi malgré la pression spirituelle et sociale quotidienne venant de leur propre famille. La foi incroyable de jeunes chrétiens les porte à accepter le sacrifice de leur vie.

Pour moi, c’est un témoignage que Dieu - qui est un Dieu qui a lui-même souffert - s’identifie avec eux, les fortifie et leur donne du courage. Je pense à cette jeune fille saoudienne qui est devenue secrètement chrétienne, mais dont le frère a découvert la conversion. Alors qu’elle refusait de renier sa foi en Jésus, il l’a martyrisée et tuée car à ses yeux, elle avait déshonoré Allah et l’honneur de la famille...

Propos recueillis par Sandrine Roulet

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