Comment appréhendez-vous le fait que 20 pour cent des Eglises membres de la FEV n’ont pas signé la déclaration liminaire d'engagement ?
Je n’ai pas à commenter cela. Il appartenait à la FEV de réunir ses membres en vue de la demande de reconnaissance. Un certain nombre n’ont pas souhaité être reconnues, peut-être pour l’instant, mais un grand nombre d’Eglises évangéliques ont souhaité faire cette démarche. Je m’en réjouis.
Plusieurs de ces communautés évangéliques n’ont pas signé la déclaration liminaire à cause de la clause de non-discrimination en fonction de l’orientation sexuelle, alors que cette clause ne figure pas dans la déclaration liminaire des anglicans et des catholiques chrétiens ?
Pour nous, il est très clair que les déclarations liminaires sont rédigées en fonction des communautés requérantes. Chaque communauté a sa spécificité, chaque communauté doit prouver qu’elle respecte l’ensemble des lois et des principes fondamentaux de notre société. Et une telle question peut se poser pour la FEV, comme nous avons intégré des critères concernant l’école, la polygamie et l’excision… Nous voulons que les communautés qui entament ce processus reconnaissent l’ensemble des principes de notre société.
Ne s’agit-il pas d’une intrusion dans la liberté religieuse des communautés évangéliques vaudoises ?
Nullement ! La demande de reconnaissance n’est pas une démarche de l’Etat vers les communautés, mais des communautés vers l’Etat. C’est donc l’Etat qui pose des conditions et des principes. L’Etat a ses exigences, donc les communautés quelles qu’elles soient, si elles sont d’accord avec nos exigences, entament ces démarches de reconnaissance, et si, au fond, c’est trop difficile, elles lèvent le pied ou revoient leur position. L’Etat, parce que la constitution, la loi et la population vaudoise le lui demandent, doit poser des conditions strictes de reconnaissance, sinon le terme de reconnaissance lui-même n’aurait pas toute la valeur voulue.
Certains évangéliques se sont sentis discriminés par rapport au fait qu’ils n’étaient pas traités de la même manière que les catholiques à propos de l’orientation sexuelle, puisqu’ils partagent des vues quasi communes sur le sujet de l’homosexualité. Y a-t-il deux poids deux mesures ?
Non. D’abord, nous reconnaissons une communauté et non pas une religion, ni une théologie particulière. Ensuite les catholiques, les réformés et les israélites sont des communautés qui ont bénéficié d’un statut particulier au moment de l’adoption de la nouvelle Constitution en 2003. Il n’y a donc pas deux poids deux mesures. Il s’agit de communautés historiques et pour les communautés qui demandent la reconnaissance d’intérêt public un certain nombre de principes sont posés.
Comment appréhendez-vous ces 5 ans d’observation entre les membres de la FEV et l’Etat ?
J’espère que ce processus qui est long et exigeant sera mené par les communautés requérantes avec tout le sérieux et l’énergie nécessaires. La Commission consultative en matière religieuse (CCMR), chargée de cet examen, fait son travail de manière très sérieuse et c’est un travail indispensable vis-à-vis de la population vaudoise. Le travail doit donc être fait sur un temps déterminé, en examinant tous les domaines qu’ils soient financiers, en lien avec le dialogue interreligieux ou culturels. On doit pouvoir dire à la population vaudoise : « Cette communauté appartient vraiment à notre société. » Donc, je n’ai pas d’appréhension particulière. Il appartiendra aux communautés de travailler avec cette commission et de répondre à ses questions pour asseoir leur crédibilité dans notre canton.
Avez-vous des conseils à donner à la FEV pour que cette période d’observation se passe au mieux ?
Soyez le plus transparent possible. Répondez aux interrogations de la commission chargée d’étudier votre dossier. Faites votre travail avec beaucoup d’énergie et de conviction… et cela devrait bien se passer.
Est-ce important que la FEV ait déposé sa déclaration avant celle de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM) ?
Par rapport au timing, il n’y a pas de prééminence d’une communauté sur une autre. Nous avons fait une étude avec le Centre intercantonal des croyances où nous avons déterminé 800 communautés religieuses dans notre canton, donc, pour moi, il n’y a pas de communauté qui soit plus importante qu’une autre. Ce qui est important, c’est que la communauté requérante, quelle qu’elle soit, réponde aux exigences de la Constitution et de la loi, et qu’elle puisse faire ce travail de reconnaissance en toute transparence, honnêteté et crédibilité.
Si vous vous projetez dans 10 ans, qu’est-ce que vous attendez des communautés religieuses minoritaires qui auront bénéficié de la reconnaissance d’intérêt public ?
J’espère que les principes posés par la Constitution de 2003 trouveront une issue favorable pour les communautés qui auront déposé leur demande. Le communautarisme est vraiment une situation à éviter et ces demandes de reconnaissance permettent de l’éviter. Une telle démarche devrait permettre d’inscrire vraiment ces communautés dans la société actuelle.
Propos recueillis par Serge Carrel