Des villes comme Lausanne, Vevey, Yverdon, Bienne… Des régions comme la Côte vaudoise ou la Riviera neuchâteloise ont connu ces dernières années l’implantation de nouvelles Eglises évangéliques. Après la vague des nouvelles communautés plutôt orientées jeunes des années 2000, on assiste actuellement à l’apparition de nouvelles Eglises souvent plus « charismatiques », qui viennent s’installer à côté de communautés plus classiques dans leur style comme dans leur théologie.
Attentif à cela, le Réseau évangélique suisse (RES) a organisé le samedi 25 mai à Yverdon-les-Bains, dans les locaux de l’Eglise La Fraternité chrétienne, une table ronde intitulée : « Implantation d’Eglises : concurrence ou bénédiction ? »
Un pasteur directement concerné
C’est David Rossé, pasteur dans l’Eglise évangélique La Fraternelle à Nyon (FREE), qui a traité directement du sujet lors des différents exposés. Avec l’implantation d’un Gospel Center à Gland, il est concerné au premier chef par cette nouvelle présence évangélique sur la Côte vaudoise. Au bénéfice d’une double formation théologique et économique, David Rossé a rappelé tout d’abord que certains développements étaient en phase avec un discours économique dominant. L’être humain de ce XXIe siècle a besoin de nouveautés. Dans les quelque 2 pour cent de la population suisse qui se rattachent au courant évangélique, ces nouvelles Eglises répondent à ce besoin de nouveautés. Qu’elles s’appellent « Gospel Center La Côte », « New Life » ou « Home », ces Eglises développent aussi des pistes marketing qui permettent de donner une image plus contemporaine à des « marques » qui paraissent vieillottes. En invoquant différents noms d’Eglises FREE de la Côte, comme La Fraternelle, les Marronniers ou les Amandiers, David Rossé a relevé, en mode auto-dérision, l’importance de proposer au public cible évangélique de nouveaux produits au bénéfice d’un « nouveau branding » !
Au-delà de cette dimension de concurrence, David Rossé a aussi mentionné l’importance de la stimulation que représente l’apparition d’une nouvelle communauté dans une région. « Cela pousse les Eglises en place à s’adapter », a-t-il relevé. Par ailleurs, la création d’un Gospel Center sur la Côte crée aussi des tensions qui, selon ce pasteur, ne doivent pas conduire à la rupture. « Nous autres chrétiens, sommes des spécialistes des tensions en affirmant que Jésus est à la fois Dieu et homme, que la Bible est à la fois Parole de Dieu et parole humaine… Nous devrions donc être au minimum capables d’assumer la tension que peut représenter l’implantation de nouvelles communautés dans notre région. »
Des transferts ? Inévitable !
Pour le pasteur de la Fraternelle de Nyon, il importe d’admettre que toute implantation d’une nouvelle Eglise évangélique amène son lot de « transferts » d’individus, mais que, dans ce contexte, il serait souhaitable de pouvoir se parler. « Se donner la possibilité de discuter des transferts et être transparents devrait être le minimum entre évangéliques, sous peine de voir la communion en Christ mise à mal dans la durée. » Dans ce contexte, ce qui importe c’est d’avoir à l’esprit qui est le véritable « concurrent ». Pour David Rossé, il n’est pas souhaitable de laisser ces sentiments de concurrence gagner les mentalités. « Notre concurrent principal, a-t-il lâché, c’est la « grande masse » des personnes qui ne croient pas en Jésus-Christ. Face à ce concurrent, nous sommes tous à la peine et personne ne connaît le « truc » qui permet à une communauté de grandir rapidement ! »
Un changement de paradigme s’impose !
Dans sa conclusion à la table ronde, Jean-Luc Ziehli, président du RES, a souligné l’importance pour les évangéliques de travailler ensemble à l’annonce de l’Evangile aux habitants de la Suisse romande. Des outils comme la dynamique d’accompagnement M4 permettent aux diverses fédérations d’Eglises de travailler ensemble à l’implantation de nouvelles communautés. « Nous sommes déjà tellement faibles, a-t-il lancé. Les évangéliques, selon l’Office fédéral de la statistique, ne suivent même pas la courbe de la croissance de la population suisse. »
Pour ce pasteur apostolique, un changement de paradigme s’impose. Les évangéliques doivent stimuler des ministères qui sont à même d’encourager d’autres à se lancer dans de nouveaux projets d’implantation. Ils doivent aussi valoriser le travail en équipe dans l’implantation et développer une mentalité de multiplication plutôt que de maintenance. « Si nous ne sommes pas capables de vivre cela ensemble, comment parviendrons-nous à aller à la rencontre des personnes non croyantes qui sont si différentes de nous ? » Sur le mode du bon mot final, le président du Réseau a lâché : « Nous autres évangéliques, nous avons un problème ! Le fruit de nos relations engendre souvent de petits monstres. Il faut dans le milieu des personnes d’horizons nouveaux pour éviter la consanguinité ! »
Serge Carrel