Mercredi 4 mars, le Conseil national a décidé de ne pas entrer en matière sur l’initiative parlementaire de Lisa Mazzone « En finir avec le délit de solidarité ». 102 parlementaires ont refusé de donner suite à cette initiative et 89 sont entrés en matière. Sans surprise, la gauche a voté en bloc pour une révision de l’article 116 de la Loi sur les étrangers et la droite, avec de nombreux représentants du PDC, a refusé l’entrée en matière.
Des conseillers nationaux proches des milieux évangéliques comme Eric Nussbaumer (PS), Marianne Streiff (PEV), Laurent Wehrli (PLR) ou Erich von Siebenthal (UDC) ont voté en faveur de l’entrée en matière. Andrea Geissbühler (UDC) n’est pas entrée en matière. Andreas Gafner, unique conseiller national de l’UDF, n’a pas participé au vote.
Le « délit de solidarité » toujours criminalisé
En conséquence, les personnes, pasteurs et prêtres compris, qui viennent en aide à des déboutés du droit d’asile en détresse, continueront à être condamnés par la justice, comme l’a été le pasteur Norbert Valley le 15 août 2018. A cette date, la justice neuchâteloise l’a condamné par une ordonnance pénale à 1000 francs d’amende avec sursis et 250 francs de frais de justice pour avoir donné à manger et hébergé un Togolais débouté de l’asile. Le recours du pasteur Valley sera jugé le 12 mars au Tribunal de police de La Chaux-de-Fonds.
« Un résultat pas si mauvais ! » pour Lisa Mazzone
« Le résultat du vote n’est pas si mauvais », commente l’auteur de l’initiative parlementaire, Lisa Mazzone, qui peine, tout de même, à cacher sa déception. 102 conseillers nationaux contre 89. « Voilà deux ans que la discussion a lieu autour de plusieurs cas concrets et la mobilisation a été rare tant du côté des Eglises que de la société civile. » Celle qui est aujourd’hui conseillère aux Etats du canton de Genève souhaite que la médiatisation des personnes amendées par la justice pour « délit de solidarité » continue. « Cela fera peut-être évoluer la jurisprudence. »
Dans un deuxième temps, elle envisage de revenir avec cette question devant le parlement. Notamment pour obtenir plus de clarté sur les statistiques qui indiquent qu’en 2018 900 personnes ont été condamnées via l’article 116 de la Loi sur les étrangers, sans que cela soit motivé par du trafic d’êtres humains. « Des gens sont condamnés à des amendes pour motif de solidarité, mais aussi pour des raisons familiales, conjugales ou communautaires. Cela devrait être clarifié », a-t-elle ajouté.
« Notre société se déshumanise… Il y a de quoi prier ! »
« Cette décision m’attriste profondément, a confié Norbert Valley à lafree.info. Comme on avait coutume de le dire dans le Jura de mon enfance : ‘La lutte n’est pas finie. Ce n’est qu’un début. Continuons le combat !’ » Le pasteur de la FREE se réjouit des parlementaires de droite qui ont su quitter une logique de groupes pour valoriser le respect d’actions mues par la conscience. « Je suis particulièrement déçu par Gerhard Pfister, le président du PDC, un parti dont on peut, pour moi, sans autre ôter le C de chrétien ! » Dans la suite de son ministère, Norbert Valley va s’engager davantage aux côtés de ceux qui combattent en Suisse en faveur du respect des droits humains. « Notre société se déshumanise et c’est grave ! Il y a de quoi prier ! » a-t-il lancé.
Serge Carrel