La journée annuelle du Réseau des scientifiques évangéliques de Suisse romande (RSESR) se tenait à Nyon, à l’église de la Fraternelle, ce samedi 30 avril. Elle a réuni une centaine de Romands pour réfléchir à la question des différences entre homme et femme, autant d’un point de vue génétique, neurologique, psychologique que philosophique. Alors que dans le monde évangélique, les discussions théologiques sur l’homme et la femme se résument souvent dans un débat entre les points de vue « égalitarien » et « complémentarien », le RSESR a proposé d’aborder le sujet différemment, avec des clés de lecture scientifiques.
L’émergence d’un « troisième sexe »
En montrant des exemples de perturbations chromosomiques du développement sexuel, le professeur en neurologie de l’Université de Berne, Jean-Marc Burgunder, a développé la perspective d’un possible mélange de genres. Dans de rares cas de maladie, ces variations chromosomiques peuvent avoir une influence sur les organes génitaux, conduisant à une masculinisation des femmes ou alors à une féminisation des hommes. Ce qui entraîne le développement d’un « troisième sexe ». Jean-Marc Burgunder a donc posé la question de l’appartenance de l’homosexualité à la sphère de la nature ou de la culture, lors de telles variations génétiques de type biologique.
Stéphanie Clarke, professeure et cheffe de service de neurologie et de neuroréhabilitation au CHUV, a abordé les différences de performances cognitives chez l’homme et la femme, mises en avant par certains chercheurs. Il est ainsi possible de constater une asymétrie liée au langage et à la communication entre les deux hémisphères du cerveau. Lors d’un acte de parole émotionnel, l’homme aura la partie avant gauche de son cerveau activée, tandis que, chez la femme, on peut observer une activation bilatérale. Le sex-ratio (rapport entre l'incidence de la maladie chez les hommes et chez les femmes) des maladies psychiques est très variable selon le type d'affection, et les maladies physiques présentent aussi des différences notables - l'infarctus a par exemple des signes cliniques très différents selon le sexe de la personne. De nombreuses différences ont ainsi été relevées, cependant beaucoup de celles-ci ont été mises en doute par des analyses et méta-analyses plus récentes, et doivent être réexaminées et précisées. Une certitude sous-jacente demeure : il y a de réelles différences entre le cerveau masculin et féminin. Celui de l’homme est, entre autres, plus grand que celui de la femme (sans incidences repérables en termes de performances).
Une psychiatre à propos de ses patients transexuels
Après un aperçu génétique et neurologique, la question de la transsexualité et du changement de sexe a été abordée par la psychiatre et sexologue Juliette Buffat, qui a parlé de ses expériences cliniques d’accompagnement de patients transsexuels. Cette psychiatre a relevé la faculté de l’être humain de changer autant physiologiquement que psychiquement avec la prise d’hormones masculines ou féminines. Ainsi, certaines de ses patientes devenues hommes ont relevé une stabilisation des humeurs, alors que des patients devenus femmes ont constaté l’opposé. Juliette Buffat a aussi mentionné l’accompagnement d’évangéliques dont les tendances homosexuelles n’étant pas acceptées avaient eu recours à un changement de sexe afin de pouvoir vivre leur sexualité, tout en restant dans l’Eglise.
Le philosophe et théologien Charles-Eric de Saint-Germain a ensuite conduit la discussion vers une approche philosophique, en parlant de la théorie des genres et de la transition qu’a parcourue la pensée occidentale au cours du XXe siècle. Ainsi une éducation marquée par une psychologie sexuée, a laissé la place à un mouvement féministe qui a tenu à abolir cette « aliénation » sexuelle, déconstruisant toutes les normes sociales. La « théorie queer » (queer theory) s’attèle dorénavant à remettre en cause la vision précédente, trop marquée par une norme hétérosexuelle. Il est ainsi possible de constater un mouvement vers une déconstruction du paradigme du genre sexuel, avec l’espoir d’atteindre la liberté.
Des propos pour mieux entrer en relation et accueillir
La dernière conférence a proposé une approche théologique de la relation homme-femme, basée sur le verset 27 de Genèse 1 : « Dieu créa les hommes pour qu’ils soient son image, oui, il les créa pour qu’ils soient l’image de Dieu. Il les créa homme et femme » (Semeur). Le philosophe et théologien catholique, François de Muizon, a ainsi relevé la nécessité pour tout être humain de vivre dans une unité de sa propre personne, avec sa propre tâche, sa propre mission et son propre avenir. Alors même qu’Adam vivait en communion avec Dieu dans le jardin d’Eden, il se sentait seul. François de Muizon relève ainsi que la femme répond à une solitude de l’homme. C’est donc dans un contexte d’alliance – alliance avec Dieu, et aussi alliance conjugale – que l’homme et la femme peuvent s’épanouir pour devenir des être humains pleinement intégrés.
Cette journée de réflexion s’est terminée par une table ronde sur les différences entre homme et femme. Cette discussion a permis d’établir des pistes de réflexion sur les différences biologiques et psychologiques des êtres humains, tout en soulevant des questions qui pourraient mener à une meilleure interaction ainsi qu’à un meilleur accueil de toute personne transsexuelle et/ou homosexuelle dans le cadre des Eglises évangéliques.
Antje Carrel
Les enregistrements des conférences et de la table ronde sont à disposition sur le site internet du RSESR.