« La pornographie est malsaine parce qu’elle réduit les personnes à leur sexe, résume à Genève le théologien Eric Fuchs. Elle nie la relation au sens profond du terme et n’engage à rien. Les sites d’ailleurs se visitent. Il n’y a là aucune expression d’un amour, d’une tendresse, d’une promesse ; c’est vide. C’est le contraire d’un partage qui se construit, qui suppose un engagement envers quelqu’un et qui requiert du temps, une notion d’ailleurs bien mise à mal dans notre société. »
Les images, clips et films pornographiques humilient de surcroît la femme, réduite à un véritable objet de plaisir, relève le théologien. Et ils transforment les internautes en voyeurs. « Nous avons là une sorte d’abêtissement de la personne humaine. L’homme et la femme ont certes des pulsions, mais ils doivent les mettre au service d’une relation vraie, au profit d’une sexualité vécue et féconde. » Dans les images et les films pornographiques, aucune affection, estime ou considération réciproque. L’amour est réduit à la stricte utilisation des parties génitales et c’est déshumanisant.
Une mémoire marquée au fer rouge
« La pornographie détruit la personnalité de celles et ceux qui s’y adonnent, lui fait écho le thérapeute familial français Bertrand Audéoud. Parce qu’elle marque au fer rouge leur mémoire, détruit leurs relations et entrave l’éclosion de rapports sains et profonds entre eux et un partenaire. » Si la pornographie procure un plaisir fort en déclenchant une hormone (l’épinéphrine) dans le cerveau, cet effet est décuplé quand l’image est associée à la masturbation. « Et cette masturbation compulsive provoque une très mauvaise estime de soi. »
La pornographie est pourtant le produit internet le plus recherché. Les 260 millions de pages qui existent sur le sujet rendent de plus en plus de personnes « accros » : selon des compagnies américaines de filtrage internet (ndlr : N2H2, Internet Filter Review, ComScore Media Metrix), deux hommes sur 3 et une femme sur 3 sont contaminés.
A l’image de la drogue, son consommateur y recourt de plus en plus fréquemment jusqu’à entrer dans une spirale sordide : « Du soft, il recherche rapidement du hard », met en garde Bertrand Audéoud. La dépendance à la pornographie est alors comparable à celle qu’entraînent l'alcool ou les drogues dures et peut nécessiter un véritable sevrage.
« Les pornographes ont deux publics-cible : les 12-15 ans et les 50 ans et plus, relève le thérapeute. Les premiers car une fois harponnés, ils seront clients à vie, et les seconds parce qu’ils ont de l’argent, une libido sur le déclin, et parce que ce qu’ils ne vivent plus à la maison, ils vont le chercher ailleurs. »
Un leurre de l’intimité
« Il est important que les gens comprennent que la pornographie est un leurre de l’intimité. Que celle-ci n’existe que là où notre être profond est connu et aimé comme il est. Et cette intimité vraie demande un face à face réel, exige une relation entre deux personnes », martèle Bertrand Audéoud. « La sexualité a ceci d’intime qu’elle se passe toujours entre deux personnes. Et elle devrait toujours s’inscrire dans une histoire, où la tendresse et la douceur sont présentes. L’amour, ce n’est pas du spectacle ! »
Gabrielle Desarzens