Quand les grands hommes ne sont pas des modèles

Jean-René Moret vendredi 20 septembre 2024

Jean-René Moret, physicien EPFL, docteur en études théologiques et pasteur dans l’Église évangélique de Cologny, réagit aux révélations actuelles à propos des abus commis par l’Abbé Pierre. Cela nous renvoie au mal qui souille notre monde, au péché qui nous habite, ainsi qu’à la réponse chrétienne au mal et au péché.

L’actualité est fréquemment secouée par des révélations et des scandales, notamment sexuels. Récemment, c’est l’Abbé Pierre qui était sous les feux des projecteurs, avec des accusations d’attouchements et d’abus de pouvoir, tandis que Tariq Ramadan vient d’être condamné pour viol. Et nous pourrions mentionner d’autres cas : le silence se brise autour de l’attitude d’un monument du cinéma français, d’un évêque suisse, d’une star de Youtube, d’écrivains, de prêtres, de pasteurs, etc.

Tous ces actes sont choquants et graves. Ils doivent être dénoncés et ne peuvent être banalisés. Ils nous rappellent aussi que les « grands hommes » ne sont pas nécessairement des hommes bons. On peut être extrêmement doué, avoir un talent indéniable et un succès faramineux, sans que cela implique une qualité morale irréprochable. Dans bien des cas, c’est même le capital de célébrité, de pouvoir ou de confiance qui est instrumentalisé, afin d’obtenir un bénéfice indu, en l’occurrence une gratification sexuelle.

Il faut cependant résister à la tentation de voir les abuseurs comme des « monstres », des personnes si exceptionnellement mauvaises que le restant de l’humanité n’aurait rien de commun avec elle. Les mécanismes qui mènent à l’abus sont terriblement banals et peuvent trouver place en chacun de nous.

Il ne s’agit pas de placer sur un même niveau ceux qui passent à l’acte et ceux qui restent honorables et respectueux. Cependant, il faut prendre conscience que la résistance au mal demande un effort déterminé, individuellement et socialement. Nous sommes en profond désaccord avec l’opinion de Jean-Jacques Rousseau qui imaginait l’homme naturellement bon, mais perverti par la société. Nous ne pouvons pas non plus proclamer l’absence de moralité objective et, simultanément, s’indigner de voir des malfaiteurs à l’œuvre.

La Bible et la nature humaine

La Bible porte un regard plus nuancé, juste et profond à propos de la nature humaine. Elle montre que l’humanité a été créée bonne, à l’image de Dieu. Mais, au cours de l’histoire, celle-ci s’est pervertie par l’effet de mauvais choix qui l’ont éloignée de son créateur. Les êtres humains ont cédé à la tentation de vouloir « être comme des dieux », tout-puissants, sans limites. Nous sommes tous confrontés à cette tentation de dépasser les limites – naturelles, sociales, éthiques – pour obtenir ce que nous voulons.

Dans tous les domaines de l’existence, l’être humain est moralement responsable, doté de belles capacités, appelé au bien, mais enclin au mal. Ainsi, chaque individu doit veiller sur lui-même, afin de chercher à bien faire et à combattre ses mauvaises tendances. Socialement, les lois et la justice sont nécessaire pour mettre des limites aux actions mauvaises. Mais elles ne peuvent pas tout couvrir, et la justice n’intervient qu’après les faits. Ainsi, un youtubeur qui exigeait des photos nues de certaines fans avant de poursuivre un échange a été acquitté : il n’avait rien fait de punissable sur le plan pénal. Pourtant, son comportement est honteux et méprisable.

Nous avons besoin d’être éduqués, afin d’apprendre la responsabilité morale, l’honneur et la maîtrise de ses désirs. Nous devons aussi prendre garde de ne pas créer de zones où l’abus est facile et impuni, ni banaliser les actes transgressifs. À cet égard, la responsabilité des ecclésiastiques, qui ont couvert les abus pour protéger la réputation de l’Église, est immense. De même, les milieux culturels qui ont toléré des attouchements sur des jeunes femmes, rigolé avec ceux qui se vantaient de relations avec des jeunes filles mineures, banalisé la pédophilie pour ne pas paraître prudes ou moralisateurs doivent se remettre en cause.

Disons encore que les efforts personnels et sociaux permettent heureusement de limiter la portée du mal. Mais de mauvaises tendances subsistent toujours. Il convient aussi de souligner qu’aucun « bien » accompli par un coupable n’efface, compense ou couvre le mal commis. C’est pourquoi la foi chrétienne offre, par Jésus-Christ, une rédemption. La mort de Jésus ouvre la possibilité du pardon de Dieu pour le mal commis, avec pour condition un changement d’attitude qui doit se traduire dans le concret, avec l’aide de Dieu. À chacun de saisir ou non cet offre-là. Mais, dans tout les cas, il importe d’être lucide à propos du potentiel de mal agir qui est présent en tous, et prendre ses responsabilités pour s’en prémunir et y résister.

 

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