« L’accord de paix a calmé le jeu. Les enlèvements et combats ont diminué », observe Marc-André Porret. Ancien envoyé de la FREE, ce Suisse d’origine vit à Bogota avec sa famille et travaille dans la formation de responsables chrétiens. « Mais le terrain abandonné par les FARC1 n’a pas été récupéré par les forces de l’ordre, et d’autres groupes l’ont repris : des mafias et une guérilla encore active », déplore le formateur.
Dans son dossier sur la Colombie, Portes Ouvertes détaille qu’un réseau criminel s’est développé dans de vastes régions, financé principalement par le trafic illégal de drogues, d’armes et d’êtres humains. Ce contexte dangereux affecte également les chrétiens. « Ils peuvent se retrouver au mauvais moment au mauvais endroit, ou être pris pour cible parce qu’ils ont aidé une personne dans le collimateur de ces groupes armés », remarque Marc-André Porret.
Si la violence politique a nettement diminué, les problèmes de délinquance sont majeurs. « L’afflux de personnes depuis le Venezuela a compliqué les choses. Beaucoup sont arrivés sans ressources et cherchent par tous les moyens à en trouver ». Sans compter la crise économique qui frappe le pays, avec un pouvoir d’achat diminuant rapidement : « Pour les personnes les plus vulnérables, dont beaucoup de chrétiens, la situation est compliquée. En Colombie, il faut parfois des années pour trouver un travail », partage Marc-André Porret.
Persécutés parce qu’ils dénoncent
Toutes confessions confondues, les chrétiens représentent plus de 90 % de la population, et les Eglises libres connaissent une forte croissance. La plupart du temps, les menaces ou le harcèlement à leur encontre sont liés à leurs prises de position : « Les chrétiens se retrouvent dans le viseur des criminels et des groupes rebelles parce qu’ils dénoncent la corruption et la violence, s’engagent pour les droits de l’homme et la protection de l’environnement etc. », rapporte Portes Ouvertes. Même écho du côté de Marc-André Porret : « Le mouvement évangélique est relativement influent dans le pays.
Mais les organisations mafieuses n’aiment pas les contre-pouvoirs. Quand un pasteur refuse de céder à leur pression, il se met en danger. Non pas parce qu’il est chrétien, mais parce que ses convictions le poussent à prendre telle ou telle posture, contre la culture de la drogue ou de la violence par exemple ». En outre, les indigènes qui se détournent de leurs pratiques tribales pour se tourner vers l’Evangile subissent rejet et privations de droits, relaie Portes Ouvertes.
Pour Marc-André Porret, d’autres écueils plus insidieux guettent l’Eglise colombienne : « Actuellement, les chrétiens sont considérés de droite, voire d’extrême-droite, ce qui ne facilite pas les choses ». A ses yeux, l’Eglise en Colombie, comme celle d’autres pays du continent, a de plus en plus l’image d’une Eglise qui cherche à prendre le pouvoir, et qui s’est trop impliquée dans la politique partisane. Ce qu’il juge tout aussi préoccupant, c’est « la course au succès, à la prospérité, qui laisse souvent le message de l’Evangile en arrière ». Marc-André Porret suggère de prier pour les personnes touchées par la précarité et le chômage. Mais aussi pour un retour à Jésus-Christ et à la Parole de Dieu, afin de se distancer d’un « Evangile de la prospérité » qui n’a plus grand-chose à voir avec le christianisme.
1 FARC : Forces armées révolutionnaires de Colombie. Active de 1964-2016, cette milice armée, qui se finançait grâce au trafic de drogue, aux rançons de prise d'otages et au vol de bétail, était la principale guérilla communiste impliquée dans le conflit armé colombien.
https://www.portesouvertes.ch/etre-actif/dimanche-leglise-persecutee-dep-2022