Wittenberg se prépare pour le jubilé des 500 ans de la Réforme

vendredi 16 décembre 2016

2017 marque les 500 ans de la Réforme protestante. Dans ce contexte une ville mérite le détour : Wittenberg en Saxe-Anhalt. Forte de quelque 50'000 habitants, cette petite cité de l’ancienne République démocratique allemande, présente le long d’une rue piétonne les lieux-phares qui ont marqué les débuts du protestantisme. Visite guidée.

Tous les débuts de la Réforme luthérienne sur une rue piétonne ! C’est ce que la ville de Wittenberg, dans l’est de l’Allemagne, vous offre à l’occasion des 500 ans des débuts du protestantisme. Il y a tout d’abord la fameuse porte de l’Eglise du château (la Schlosskirche) sur laquelle le moine-réformateur Martin Luther aurait affiché ses 95 thèses. Les historiens ne sont plus unanimes sur la question de l’affichage en un lieu unique ! Toujours est-il que la fameuse porte est là, recouverte d’un bronze sur lequel sont « immortalisées » ces 95 affirmations qui rappellent la portée de l’événement fondateur. La première retentit ainsi : « En disant : Repentez-vous, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ a voulu que la vie entière des fidèles soit une repentance. »

« Dieu, notre forteresse »

P1050132L’Eglise qui jouxte un château, encore en pleine rénovation pour le jubilé, est dominée par un donjon que l’on voit loin à la ronde. Dans cette ville longtemps marquée par le communisme, la base de la « coupole » qui chapeaute le donjon, affiche en grosses lettres : « Ein feste Burg ist unser Gott » (« C’est un rempart que notre Dieu »), comme en écho au titre d’un des plus célèbres cantiques écrits par Martin Luther lui-même.

La rue piétonne attire le passant. Il s’agit d’aller plus loin, tout en prenant garde aux vélos qui sillonnent le pavé. La quasi-totalité des maisons sont magnifiquement restaurées. Certaines devantures vides laissent toutefois entrevoir que des magasins ont eu quelques difficultés de rentabilité ces dernières années. Il s’agit de ne pas trop flâner, mais de se rendre à l’autre extrémité de cette rue piétonne, à presque un kilomètre de là, pour découvrir le monastère des Augustins et la maison de Luther.

De moine à père de famille

P1050107« C’est pour moi l’endroit à voir, souligne Katharina Körting, la responsable des activités du Jubilé dans le cadre des paroisses luthériennes de Wittenberg. Imaginez un peu : Martin Luther est passé en quelques années du statut de moine à celui d’homme marié à une nonne, Katharina von Bora. Il sera père de 6 enfants et deviendra pour des siècles l’incarnation du pastorat luthérien. »

La Maison de Luther n’est actuellement pas visitable. Elle est fermée pour cause de restauration. Sa réouverture est prévue le 4 mars 2017. Juste à côté, l’ancien monastère des Augustins abritera à partir du 13 mai une exposition nationale intitulée « 95 trésors, 95 êtres humains ». L’occasion pour ce musée de retracer la vie de Martin Luther avec des pièces uniques comme le coffre dans lequel les chrétiens de l’époque étaient invités à glisser leur argent pour accélérer leur parcours vers le paradis après la mort : ces indulgences contre lesquelles Luther s’est insurgé et dont les montants devaient servir à financer Saint-Pierre de Rome. Il est aussi possible de visiter le salon de Luther, quasi garanti d’époque, avec son plancher, ses parois et son plafond de bois. On peut y voir aussi les premières éditions de livres comme La captivité babylonienne de l’Eglise ou la traduction en allemand du Nouveau Testament. Autant d’objets, de portraits et de tableaux qui donnent du relief à un homme dont la découverte du salut par la foi seule a entraîné un renouveau profond de l’Eglise d’alors.

En revenant sur vos pas, la rue piétonne vous permet de découvrir la maison de Philippe Mélanchton, le collègue de Luther, l’érudit par lequel la Réforme luthérienne s’est affermie en Allemagne.

L’église mère de la Réforme

P1050123En remontant la rue piétonne et en passant par un dédale de ruelles, vous arrivez à l’église Sainte-Marie, l’église mère de la Réforme. L’édifice est « cerné » de près par d’autres bâtiments. La salle de culte qui peut accueillir plus de 500 personnes est très claire. Juste derrière l’autel, un retable avec à sa base une peinture où l’on reconnaît Martin Luther. « C’est pour moi la chose essentielle à voir à Wittenberg, explique Thomas Glaubig, un guide chrétien local. Le cœur de l’Evangile est ici mis en avant. Au centre de la peinture, vous avez le Christ en croix, que le prédicateur, Martin Luther, est en train de rendre visible devant un auditoire sur la gauche, composé de personnes de l’entourage de Luther. » Cet électronicien de 60 ans l’an prochain travaille à temps partiel dans une usine de Wittenberg. Il compte parmi les ressortissants de la République démocratique allemande (RDA) qui se sont vu refuser par écrit l’obtention de leur baccalauréat. Motif : leur foi chrétienne et leur refus de participer aux activités de la jeunesse communiste et à la cérémonie des vœux de la jeunesse, par laquelle tout « bon jeune citoyen » de la RDA devait passer.

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« Pendant cette période, pour mon père d’abord et pour moi et mon frère par la suite, ces visites guidées de la vieille ville de Wittenberg étaient l’occasion de parler du cœur de la foi chrétienne. » Soit le salut par la foi seule, offert à chaque être humain par le don unique que Jésus a fait de sa propre vie, et l’importance de la Bible, mise à la portée de chacun.

La pierre à la « truie juive »

Au sortir de l’église sur la gauche, entre le bâtiment et une sorte de cyprès, il y a une plaque commémorative de la Shoah, posée à même le sol. Elle évoque une pierre tombale juive avec quelques cailloux dessus. Tout autour, on peut lire en allemand : « Le nom même de Dieu, le nom insulté de Dieu tout-puissant, que les Juifs ont gardé saintement, presque sans le prononcer devant les chrétiens, ce nom est mort au travers de 6 millions de juifs qui se trouvaient sous l’emblème de la croix. » Et si vous levez la tête, vous distinguez à environ 4 mètres de haut, juste dans l’angle du bâtiment, une pierre sculptée datant du XIVe siècle, avec une truie qui donne à manger à des enfants : la « truie juive », symbole d’un antisémitisme qui a marqué l’histoire de la chrétienté jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. A l’approche des 500 ans de la Réforme, une pétition lance le débat de la suppression d’une telle pierre et de plusieurs autres qui s’affichent dans certaines églises allemandes ! (1)

La maison des Cranach

En rejoignant la rue principale, vous faites quelques pas et vous arrivez sur la place du marché. Deux statues imposantes se dressent devant ce qui faisait office autrefois d’hôtel de ville. La première est une statue de Luther, la seconde de son compagnon de toujours : Philippe Mélanchton. Au milieu d’une série de bâtiments qui bordent la place, une maison orange attire le regard. Il s’agit de l’une des bâtisses qui, au XVIe siècle, était la propriété de la famille Cranach. Lucas Cranach, l’Ancien, fut le « chargé de communication » de Luther. Grâce à ses talents de peintre, mais aussi d’imprimeur, il assura la propagation des idées de la Réforme naissante. Nombre de portraits des réformateurs, nombre de toiles illustrant des scènes bibliques ont été réalisés dans son atelier, une véritable petite PME avec une quinzaine d’employés. Dans cette maison, une exposition permanente permet de découvrir la vie et l’activité de la famille Cranach. Ce qui surprend, ce sont les techniques de reproduction des portraits des personnalités marquantes de l’époque et surtout la presse sur laquelle seront imprimés plusieurs des écrits décisifs de Luther.

Une région aux 12% de protestants

Au sortir de la maison des Cranach, vous reprenez la rue piétonne en direction du fameux donjon qui surplombe la vielle ville. Vous passez devant la porte aux 95 thèses et vous entrez dans l’église du château. C’est là, juste avant le chœur, que reposent les deux personnalités fondatrices de la Réforme : Martin Luther sur la droite de l’édifice et Philippe Mélanchton sur la gauche.

« A l’approche du jubilé de la Réforme, peu d’habitants de la région sont sensibles à la dimension spirituelle de l’événement, explique le guide Thomas Glaubig. 12 pour cent de la population est protestante, 4 pour cent catholique. La plupart des gens ont entendu pendant les années de la RDA qu’il était stupide de croire. C’est difficile de leur faire penser différemment, même en lien avec les commémorations du 500e de la Réforme. » Ce luthérien engagé discerne tout de même des signes d’espérance. Il est surpris de voir parmi ses connaissances le nombre de parents qui inscrivent leurs enfants dans des écoles protestantes. « Et ce qui est intéressant, ajoute-t-il, c’est de voir plusieurs de ces enfants, arrivés à l’adolescence, demander à leurs parents un baptême ou une confirmation dans l’Eglise. Des gens qui n’avaient jamais mis les pieds dans un lieu de culte préparent alors de belles fêtes chrétiennes pour leurs enfants ! »

Serge Carrel

Note
1 Pour signer la pétition voir l’article : « 500 ans de la Réforme : polémique à Wittenberg autour d’une pierre représentant la « truie des Juifs ».

Serge Carrel

Serge Carrel est au bénéfice d’une formation double: théologique et journalistique. Après dix ans de pastorat en France et en Suisse romande, il a travaillé huit ans comme journaliste aux émissions religieuses de la RTS. Aujourd’hui formateur d’adultes et journaliste en lien avec la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE), il essaie de tirer le meilleur parti de ce double ancrage. Que ce soit dans le cadre du FREE COLLEGE, de lafree.ch, de Vivre ou de la fenêtre chrétienne de MaxTV.

Formation reçue

Master en théologie (UNIL, 1986)
Centre romand de formation des journalistes (RP, 1996)

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