Quel bilan tirez-vous de ces deux semaines de « The Turning » ?
A mon sens, les Eglises évangéliques de Suisse romande ont continué à vivre ce virage missionnel dont on parle actuellement dans certaines fédérations d’Eglises. Globalement, ce « virage » qui vise à tourner le vécu communautaire vers l’extérieur, a gagné 125 communautés de 23 familles d’Eglises différentes. Il y a une prise de conscience que cela vaut la peine non seulement d’aller dans les rues pour rencontrer les gens mais aussi d’afficher une « mentalité de récolte ». La plupart du temps, les évangéliques qui sortent dans la rue pour y faire de l’évangélisation le font avec la mentalité de « semer », là nous sommes allés dans la rue avec l’optique de récolter, parce que la Bible dit clairement que la moisson est mûre.
Une des prises de conscience forte de ce « Turning », c’est que la récolte est bel et bien mûre et que si on sort avec l’idée de récolter on récolte, même en Suisse romande, et moyennant les outils correspondants et l’attitude de cœur que l’on essaie d’approfondir pendant les soirées de célébration qui précédaient les engagements.
Plus d’un millier de personnes ont accepté de dire une « prière de conversion », cela ne signifie pas encore un millier de nouveaux chrétiens en Suisse romande…
Je mesure pleinement la fragilité de ce premier geste ou de ce premier pas spirituel que certains ont vécu. Actuellement, en guise de travail de suite, il y a environ 750 processus de discipulat qui ont démarré. Combien vont aboutir ? C’est une question à se poser… C’est la première fois que l’on atteint dans notre région un résultat d’un millier de personnes rejointes par l’Evangile, en ayant recours aux services de plus de 300 évangélistes. Le discipulat repose ici sur les personnes qui ont eu le contact. Et si la personne a trop de monde à contacter, elle délègue à d’autres personnes dans l’Eglise. On est donc aussi en train de multiplier le nombre de personnes prêtes à vivre une sorte de « pré-discipulat », grâce au matériel mis à disposition par le « Turning ». Au terme de ce « pré-discipulat », il y a de fortes chances que la personne contactée puisse commencer à fréquenter un groupe de maison ou une Eglise.
On a cette dimension relationnelle entre Eglises évangéliques de Suisse romande qui est remarquable et remarquée dans les pays environnants. On a renoncé à une unité théologique et là on va un pas plus loin dans une unité d’action. Les membres de nos Eglises sortent de leur quant à soi pour se lancer dans quelque chose qui les défie et qui en même temps est porteur de fruits. C’est quelque chose qui est assez prometteur. Il y a – j’ai l’impression – un avant « Turning » et un après.
Le « Turning » a-t-il renouvelé les évangéliques romands dans leur désir d’évangélisation ?
Pour ceux qui ont participé à l’événement et qui ont surmonté leurs craintes, ils ont le désir de vivre cela de manière régulière. Sur les 21 « QG » secondaires qui coordonnaient le travail localement, il y en a 11 qui sont déterminés à vivre une mission par mois de ce type-là. Ils envisagent d’avoir régulièrement un samedi pour aller à la rencontre des personnes sur le mode « récolte », avec le soir d’avant ou la matinée d’avant un temps d’immersion pour se replonger dans cette dynamique d’évangélisation. Ce désir est là, sans être uniforme non plus. Globalement, il y a eu beaucoup d’Eglises impliquées, avec parfois une seule personne de cette communauté. Mais beaucoup d’évangéliques romands ont attrapé le virus, principalement des gens ouverts à l’évangélisation.
Beaucoup de pasteurs se sont aussi impliqués dans cette démarche et c’est quelque chose de particulier parce que ce n’est pas leur mission première, même si leur tâche principalement relationnelle peut facilement connecter avec l’évangélisation.
J’ai l’impression que le ministère d’évangéliste retrouve sa place dans l’ensemble des ministères de l’Eglise. Non pas comme quelque chose de bizarre, mais comme un ministère au service, qui contribue à la croissance de l’Eglise.
Y aura-t-il une nouvelle édition de « The Turning » ?
Il se pourrait que cela soit le cas. On va essayer dans chacun des « QG » secondaires de recruter une personne de contact, puis de constituer un comité large avec un coordinateur. Cette édition était connectée au Réseau évangélique suisse qui a rendu ce service aux fédérations et aux Eglises. A l’avenir, il est préférable que cette démarche soit autoportée.
A l’automne 2020, il pourrait donc y avoir une deuxième édition…
Ce n’est pas exclu, mais cela dépend de la motivation des personnes impliquées. Personnellement, j’ai mis beaucoup d’énergie dans ce projet avec une équipe très motivée, et je ne pourrai pas reconduire un tel investissement.
Propos recueillis par Serge Carrel