Luc Zbinden est un passionné d’histoire. Au bénéfice d’un Master en archéologie et en histoire ancienne, en complément du même titre en littératures française et anglaise, ce doyen d’un gymnase vaudois, dans la cinquantaine, découvre voilà une dizaine d’années que son grand-père a protégé une famille juive pendant la Seconde Guerre mondiale. A ce moment-là, ce grand-père, Paul Zbinden, était pasteur dans l’Eglise évangélique libre de Saint-Jean-du-Gard dans les Cévennes. « En fait, c’est lors d’une discussion à bâtons rompus avec deux de mes tantes qu’est sortie l’affirmation comme quoi mon grand-père avait ‘sauvé’ des Juifs », relève-t-il.
Un grand-père qui a « sauvé » des Juifs
Depuis, tel Indiana Jones à la recherche du Graal, Luc tente de reconstituer l’histoire de ce grand-père « discret et pudique ». A 70 ans de distance, il parvient à entrer en contact avec la veuve de Peter Heller, le petit garçon de la famille que le pasteur Zbinden a hébergée à Saint-Jean-du-Gard et que les enfants de celui-ci appelaient Pierrot. Cette femme, très âgée, vit dans le Vermont aux Etats-Unis. Il découvre aussi qu’une cousine de Peter vit en région parisienne et qu’une partie de la famille de cette dernière a connu les camps de la mort.
« Afin d’honorer mon grand-père, continue Luc Zbinden, j’ai souhaité, avec cette cousine survivante de la Shoah, le faire reconnaître comme Juste parmi les Nations », un titre que l’Institut Yad Vashem à Jérusalem octroie à tous ceux qui, au risque de leur vie, ont protégé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. La reconnaissance n’a pas encore abouti. Il manque le témoignage direct de Juifs aidés par Paul Zbinden. Néanmoins, ce parcours intéresse des enseignants d’un lycée français de la région de Tel-Aviv (Mikve Israël, Holon). Ils montent une exposition autour de ce Suisse, pasteur en France. L’exposition connaît un joli succès et reçoit le premier prix de l’Institut Yad Vashem pour la qualité de sa sensibilisation à la Shoah.
L’occasion de renouer avec les racines juives de la foi
Au travers de ces recherches, Luc Zbinden renoue avec les racines juives ou bibliques de sa foi évangélique. « La redécouverte de cette culture, relève-t-il, correspond à un rafraîchissement, à une montée de sève dans ma manière de vivre ma foi évangélique en lui apportant couleurs et relief. » Il redécouvre la judaïté de Jésus, mais aussi la notion de « Kavana » – la prise de conscience de la présence de Dieu lors des temps de prière –, ou encore l’importance d’une attitude de bénédiction (« brakhot ») et de reconnaissance – « voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide ».
Ce parcours le conduit à s’interroger sur les fêtes juives auxquelles le Christ a participé. « L’idée n’était pas de se transformer en Juif, mais, tout en gardant notre identité chrétienne, de se mettre à l’écoute de ce que ces fêtes peuvent nous dire du caractère de Dieu et de la personne du Christ qui émerge en filigrane de chacune de ces fêtes. » Luc Zbinden sort alors de sa serviette une brochure d’une quarantaine de pages, intitulée « Projet Moadim. Une année au rythme de l’Eternel. ‘Que Ta volonté soit Fête !’ ». « J’ai l’impression que le Seigneur a créé dans le livre biblique du Lévitique une sorte de ‘Google Agenda’, ajoute-t-il, qui nous donne rendez-vous à plusieurs reprises dans l’année pour célébrer des actes importants de l’Alliance que Dieu conclut avec son peuple. »
Le « Google Agenda » de Dieu
Dans cette brochure, on découvre une réflexion autour de différentes fêtes bibliques : le Shabbat, Pessa’h (Pâque), Shavouot (Pentecôte), Yom Teruah (Fête des trompettes), Yom Kippour (Jour du pardon)… En plus d’une réflexion, Luc Zbinden propose des pistes pratiques pour bien vivre la fête, et une recette. « Parce que célébrer une fête passe aussi par la gourmandise ! » lance-t-il.
Après avoir concrétisé ce projet au sein de son Eglise, Luc Zbinden se réjouit de l’intérêt manifesté par d’autres Eglises et paroisses, désireuses de vivre « une année au rythme de l’Eternel ». A l’heure où de nombreux chrétiens évangéliques ne savent plus trop que faire de l’Ancien Testament, ce parcours autour des fêtes bibliques « permet à l’Ancien Testament et au Nouveau de se retrouver, de refaire alliance, parce que dans chaque fête il y a à la fois le caractère de l’Eternel et la personne de Jésus-Christ qui émergent ! »
Serge Carrel