Rencontré sous gare à Lausanne, le migrant érythréen Byniam, 25 ans, confirme que son téléphone portable lui a beaucoup servi sur la route de l’exil. « J’ai réussi à trouver mon chemin grâce à lui, et j’ai pu garder contact avec des personnes rencontrées grâce à Viber et WhatsApp (des applications, ndlr). Mais dans le désert, en Libye, les passeurs ont pris tous nos téléphones, par peur d’être repérés. J’ai dû en racheter un par la suite. Ainsi j’ai pu dire à ma famille que j’étais encore en vie, et là où je me trouvais. »
La technologie qui fait la différence
Si on a tous en tête les images de ces migrants qui s’orientent portables en main pour comprendre où sont les frontières, les nouvelles technologies servent aussi le travail des humanitaires sur le terrain. En Somalie, au Soudan du Sud ou encore en Syrie, la plupart des gens que le CICR cherche à aider et à protéger ont des téléphones mobiles, indique son directeur général Yves Daccord : « En Syrie, souvent les gens nous réclament non pas des soins de santé ou la sécurité, mais du wifi. Nous travaillons beaucoup avec des médias comme Facebook pour communiquer par exemple où sont les points d’eau. » Et le chef de l’organisation internationale de mentionner d’autres améliorations technologiques, comme la fabrication de prothèses à l’aide de printer 3D, « qui font vraiment la différence. »
Une révolution en marche
Si Yves Daccord parle d’une révolution en marche, d’autres évoquent l’arc lémanique comme une nouvelle silicon valley de l’humanitaire. De fait et à la demande du CICR, une plateforme de technologie humanitaire a été créée à l’EPFL en 2015. « On s’est rendu compte que les conflits s’installaient beaucoup plus sur la durée, explique Klaus Schönenberger, responsable du programme Essential Tech. Qu’on se rapprochait de problématiques plus compliquées, qui ne relevait plus de l’action à court terme. Un ingénieur du CICR travaille dès lors avec nous et nous fait comprendre quels sont les besoins du terrain ; cela donne lieu à des projets vraiment intéressants. »
Tracer les épidémies
Actuellement, une machine d’imagerie médicale adaptée au contexte des pays du Sud, très robuste, est mise au point. « Elle utilise moins de courant qu’un aspirateur et peut se brancher au besoin sur des panneaux solaires », indique Klaus Schönenberger. « Tout le domaine de l’épidémiologie digitale est aussi très bouillonnant en ce moment, ajoute-t-il. En suivant les adresses des connections de téléphones mobiles, on peut suivre les mouvements de populations qui participent à des festivals religieux par exemple. Et on s’est rendu compte qu’on pouvait ainsi se rendre compte de la façon dont se répandent des maladies comme le choléra. Le but est donc de pouvoir identifier, puis prédire ces flux pour agir sur les épidémies et leur façon de se propager dans le monde. »
A ses côtés, son collègue Jean-Claude Bolay, directeur du Centre coopération et développement à l’EPFL conclut : « Notre défi est d’identifier ce qui existe, d’inventer ce qui n’existe pas encore, et d’adapter ce qui existe mais qui n’est pas approprié. »
Gabrielle Desarzens
Pour plus d’informations ou pour des idées de projet spécifique, les ONG peuvent s’adresser par courriel à Klaus Schönenberger : klaus.schonenberger@epfl.ch.