La liberté religieuse en Algérie épinglée à l’ONU

jeudi 11 mai 2017 icon-comments 3

La liberté religieuse a été mentionnée plusieurs fois comme problématique en Algérie, le 8 mai, au Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève. L’Algérie y subissait un « examen périodique universel », qui permet d'évaluer le bilan d'un Etat en matière de droits humains. Le chrétien évangélique Karim le confirme par téléphone depuis la Kabylie : « Le gouvernement ne respecte pas ma foi. » Une version papier d’une émission qui sera diffusée dimanche dès 19h sur RTS La Première.

Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Australie, la Moldavie... Plusieurs Etats ont épinglé la liberté religieuse en Algérie lundi 8 mai à Genève, lors de son examen périodique universel1. Le Canada, par exemple, a recommandé que l’Algérie garantisse la liberté à tous les individus de pratiquer leur religion ou conviction ; et qu’elle mette fin aux arrestations et à la diffamation publique de la communauté ahmadiyya parce qu’elle pratique sa religion. Les chrétiens ne sont donc pas les seuls à être discriminés. Et ils sont nombreux, notamment en Kabylie, à se sentir des citoyens de seconde catégorie : « Je le crie haut et fort : je ne suis pas respecté en tant que chrétien », témoigne Karim M., un responsable de la plus grande Eglise évangélique d’Algérie, à Tizi Ouzou, qui compte 1500 membres. « Le gouvernement ne respecte pas ma foi », souligne-t-il. Interrogé par téléphone, il ajoute qu’un chrétien qui travaillait dans une instance de l’Etat a été licencié il y a quelques jours « tout bonnement parce qu’il est chrétien. Ça lui a été dit ! Et quand il y a une augmentation de salaire ou une progression au niveau de l’emploi, ces mesures ne s’appliquent pas aux chrétiens », dénonce-t-il.

Le prosélytisme à l’index

Au début du mois d’avril, Mahmoud Haddad (ci-contre), président de l’Eglise protestante d’Algérie (EPA), était venu plaider auprès de l’ONU en faveur d’une révision de l’ordonnance de 2006 qui prévoit des peines de prison contre toute personne qui « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tentant de convertir un musulman à une autre religion » ; ou qui « fabrique, entrepose ou distribue des documents imprimés ou tout autre support ou moyen qui vise à ébranler la foi d’un musulman ». Cette ordonnance dite « contre le prosélytisme » comprend, pour Mahmoud Haddad, une volonté de neutraliser les chrétiens : « Ceux-ci peuvent avoir leurs convictions, mais ils ne doivent pas en parler ou chercher à les partager. » 

« L’ordonnance de 2006 est une loi de reconnaissance, souligne toutefois Karima Dirèche, historienne franco-algérienne et directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) à Paris. L’Algérie est ainsi le premier pays du Maghreb à reconnaître officiellement l’existence de ces nouveaux chrétiens. Mais on peut la considérer comme répressive puisqu’elle régule, condamne à des amendes très fortes et des peines de prison. Mais ce n’est pas la conversion qui est condamnée, c’est le prosélytisme », souligne-t-elle. Une succession de procès retentissants de chrétiens pour atteinte à l’ordre établi est intervenue entre 2008 et 2011. La situation s’est calmée, mais une femme algérienne ne peut toujours pas épouser un étranger non musulman, par exemple. En attendant, le nombre de chrétiens évangéliques ne cesserait de croître, même si aucune statistique ne permet de l’affirmer. « Dimanche 7 mai, nous avons célébré 44 baptêmes de chrétiens adultes », commente Karim M.

Quand le christianisme crée du lien

« L’Algérie a une identité historique musulmane depuis le XIIe siècle sur décision de l’empire Almohade, rappelle Henri Teissier, archevêque émérite d’Alger. Maintenant on est entré dans la mondialisation. Il existe une circulation des idées et des convictions. » Selon lui, les conversions au christianisme qui ont eu lieu depuis une trentaine d’années en milieu musulman l’ont été principalement par la radio, la télévision ou la correspondance. « Après, avec internet, les Algériens ont aussi découvert une autre présentation de l’histoire sainte. » Mais parfois, indique Mahmoud Haddad, la conversion intervient aussi sans concours humain : « Certains voient Jésus dans des rêves et se donnent au Seigneur. »

Mais pourquoi cet engouement pour le christianisme ? « Les années 90 ont été une décennie absolument terrible pour les Algériens, explique Karima Dirèche. Des années noires de grande violence de la part de l’islamisme armé, mais aussi de la part de l’Etat. La société algérienne est sortie exsangue de cela.  Je ne suis pas étonnée que des individus se tournent alors vers une religion qui parle de liens sociaux forts, de solidarité, d’amour gratuit… Car ces messages néo-évangéliques, quand on les analyse, se polarisent sur le lien familial, social, politique. Et ces liens ont justement été extrêmement abimés en Algérie ! »

Gabrielle Desarzens 

« Le quotidien difficile des chrétiens algériens » : une émission à entendre dimanche 14 mai à 19h sur RTS La Première dans Hautes Fréquences. Ou à écouter dès ce moment-là ici.

Note
1 La procédure onusienne intervient pour tous les pays chaque 4 ans et n’est pas inutile : selon Mahmoud Haddad, elle a permis la reconnaissance officielle de l’Eglise protestante d’Algérie (EPA) par le gouvernement algérien en 2011. 

3 réactions

  • samir vendredi, 12 mai 2017 10:12

    En tant que musulman par héritage, j'accuse mohamed Aissa , ministre des affaires religieuses et des wakt d'avoir harcelé les ahmadites et d'ête un absolutiste dictateur et de se prendre pour un néo prophéte ou un nouveau Dieu. Je demande de le traduire devant les tribunau internationaux pour génocide et terrorisme

  • Ali Mekaoui vendredi, 12 mai 2017 20:56

    le ministre des affaires religieuse est un terroriste qui enseigne la haine comme le pouvoir de dictateurs

  • Abraz H. samedi, 13 mai 2017 03:42

    Il faut arriver à étendre le principe de poursuite pour "crime contre l'Humanité" les responsables de quelques pays, à quelque niveau de la hiérarchie de l'Etat pour toute action ( loi ou acte) tendant à introduire la ségrégation de couleur, de religion..... Passer à une étape supérieure pour pouvoir avancer dans ce domaine précis de libertés religieuses. L'ONU reste encore timorée dans ce domaine, par moment obsolète, tant les pays à grand déficit de libertés et démocratie la freinent dans sa mission de paix et de Droits de l'Homme pour toutes et tous.

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