Pour ses 10 ans, le Réseau évangélique s’est offert un miroir en la personne de Jean-François Mayer. Ce spécialiste des mouvements religieux, directeur de l’Institut et de l’Agence de presse Religioscope à Fribourg, est connu dans le monde de la sociologie religieuse pour ses connaissances encyclopédiques sur toutes sortes de mouvements, ainsi que pour sa bienveillance et son irénisme à l’endroit de toutes les quêtes spirituelles. Son petit livre L’évolution des chrétiens évangéliques et leur perception en Suisse romande est marqué par cette attitude de fond.
Un mouvement que les médias inscrivent dans une dynamique de croissance
La première partie de ce document parle de « Ces évangéliques qui montent, qui montent… » A partir de coupures de presse et de dossiers marquants – notamment publiés dans L’Hebdo, ou d’émissions phares comme celles que Temps présent de la RTS a consacrées ces 30 dernières années aux évangéliques – Jean-François Mayer souligne que des termes comme croissance, boom, conquête… sont de plus en plus étroitement associés aux Eglises évangéliques. La courbe ascendante de leur nombre en Suisse, même si elle est modeste, est opposée par les médias à la courbe descendante du nombre de personnes qui fréquentent des Eglises traditionnelles, qu’elles soient réformées ou catholique, qui, selon la formule consacrée, « se vident ».
Des termes qui cristallisent le visage des évangéliques
Dans la deuxième partie de ce livre, Jean-François Mayer opère un parcours autour de certains mots-clés souvent associés aux évangéliques : Amérique, communauté, conquérant, sectes…
Dans son parcours autour du terme « Amérique », le sociologue fribourgeois souligne que « l’évocation d’un christianisme moulé sur un modèle américain colle aux évangéliques ». Il discerne cela entre autres dans la « ‘force de frappe’ culturelle des produits nord-américains qui contribue à la large diffusion d’une littérature anglophone… le visiteur de librairies chrétiennes le constate aisément ».
Dans son parcours autour de l’adjectif « conquérant », Jean-François Mayer relève qu’un certain discours désireux d’« impacter » la société frappe l’observateur… et peut l’irriter ou l’impressionner.
Le terme « normalisation » permet aussi à Jean-François Mayer de dire que les évangéliques s’inscrivent de plus en plus comme une composante du christianisme helvétique. Le dialogue interconfessionnel ainsi que des rencontres comme « Une prière d’avance » à l’occasion du Jeûne fédéral contribue à cette reconnaissance.
Très positif dans les paragraphes autour du mot « secte », il relève que ce terme « pour désigner les évangéliques semble se faire de plus en plus rare », même si, au vu de la diversité du mouvement et de certaines manifestations publiques, une telle qualification peut facilement retrouver du service.
Une reconnaissance de l’apport du RES
La troisième partie se penche sur les perspectives d’avenir, tant pour le RES que pour les évangéliques en général. Jean-François Mayer met au crédit des évangéliques romands leur désir de s’organiser pour présenter davantage de lisibilité au grand public, malgré leur très forte diversité. Le désir d’être considérés comme d’authentiques interlocuteurs de l’Etat, dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel notamment, participe de cette dynamique qui plaide pour plus de visibilité des évangéliques. Le sociologue relève que sur ce terrain-là il y a encore du travail à faire pour présenter les évangéliques à la population. Le Réseau devrait travailler à être davantage identifié comme un interlocuteur des médias et profiler plus de personnalités évangéliques dans l’espace public. « Des figures ‘charismatiques’ repérées par les journalistes finiront peut-être par apparaître dans le milieu évangélique romand pour ‘incarner’ celui-ci de façon convaincante aux yeux du public », lance-t-il.
A coup sûr, le miroir que Jean-François Mayer nous tend au travers de son petit livre marquera une date dans l’histoire du Réseau évangélique, mais aussi dans la perception que les évangéliques ont d’eux-mêmes. Espérons que les tendances d’ouverture du milieu et de participation au débat public continueront à se développer, avec des personnalités compétentes pour défendre la vision d’une société ouverte à la diversité et à l’annonce libre du message de salut en Jésus-Christ.
Serge Carrel
Pour commander le petit livre de Jean-François Mayer.
Un commentaire de Serge Carrel autour du livre de Jean-François Mayer: "Les fédérations vraiment appelées à atténuer leur rôle?"
Une interview de Jean-François Mayer intitulée "L'image des évangéliques sous la loupe" dans Le Journal du Jura du samedi 21 mai.