Marek Halter, 79 ans, vient de terminer une trilogie sur les femmes de l’islam. Auparavant, il avait rédigé «La Bible au féminin», et dressé le portrait de Sarah, femme d’Abraham, de Tsippora, femme de Moïse, de Lilah, sœur d’Esdras, puis de Marie. Cette dernière a la particularité d’être présente dans les trois religions monothéistes, rappelle-t-il dans son atelier du IIIe arrondissement de Paris.
Marie est une icône de douceur chez les peintres, un symbole de maternité, voire un modèle de soumission... «C’est pour cela qu’elle plaît tellement aux auteurs du Coran. On y parle d’ailleurs plus de Marie que dans les Evangiles, souligne Marek Halter. Or c’était une révolutionnaire, une Rosa Luxembourg de son temps!»
L’impulsion de Marie
La madone que le romancier dépeint dans son livre «Marie» est une femme cultivée, qui a étudié la philosophie, la politique, la langue grecque. Et une mère juive par excellence, «un peu comme la conçoit Woody Allen: toujours là, présente au-delà de l’acceptable, qui veut gérer le présent et l’avenir de ses enfants... Marie était comme ça!»
Et cette mère croit que son fils est celui que tous attendent: «Elle croit en lui, alors que lui-même doute encore.» Et elle l’oblige à devenir le Christ: «Une scène que j’ai mise presque au centre de mon livre à son sujet, ce sont les noces de Cana. C’est le premier grand miracle du Christ. Mais comment s’effectue-t-il? Il faut lire les textes!»
Et Marek Halter de raconter que Marie s’engage dans ce mariage. On y danse, on y chante... «C’est un mariage juif!» A un moment donné, il n’y a plus de vin. Marie s’approche alors de son fils et le lui dit. Lui comprend tout de suite ce qu’elle veut. Il répond: «Femme, mon heure n’est pas encore venue.» Comprenez: il pense que ce n’est pas encore le moment de révéler ses dons. Car face à la police romaine, il y a comme la milice de Vichy, soit les Sadducéens du temple qui collaborent et qui ne supporteraient pas un homme qui promet un nouveau royaume, un nouveau système... Jésus sait que s’il se dévoile, il se condamne à mort. Mais sa mère le piège: elle fait amener des jarres pleines d’eau... que son fils transforme en vin. Avec cet acte, il devient le Christ et tout le monde le suit.»
Pour Marek Halter, c’est donc Marie qui transforme ainsi le monde. «Et elle sait ce qu’elle fait. Pas de christianisme sans elle!»
La fierté d’une mère
Dans son ouvrage sur Marie, le romancier évoque «la faute de l’impatience à Cana». Et lui fait dire, en citant un certain «Evangile de Marie» qu’il raconte avoir retrouvé à Varsovie: «Que l’Eternel Seigneur pardonne la fierté d’une mère. Celle qui a donné naissance à Yechoua (ndlr: Jésus), celle qui l’a révélé au monde et l’a gardé en vie. Pour toujours.»
Marek Halter salue la ténacité de cette femme qui, comme une Sarah ou une Khadija, première femme du prophète Mahomet, «nous parle de nous», nous renseigne sur notre propre identité. Il dresse d’ailleurs le portrait de ces femmes des trois traditions monothéistes comme autant d’outils pour une meilleure compréhension réciproque. Et montre que le monde peut changer, s’émanciper, si la femme, à l’intérieur de sa propre société, parvient à se libérer et à s’affirmer.
Gabrielle Desarzens
Marek Halter est l’invité de l’émission «A vue d’esprit» sur RTS Espace 2 toute cette semaine à 16h30.
Voir la fenêtre du calendrier de l’Avent Noël2015.net : « Marek Halter : ‘Jésus a propagé l’amour’ ».
Marek Halter, série «La Bible au féminin»: «Sarah» (2003), «Tsippora» (2004), «Lilah» (2005) et «Marie» (2006). Série «Les femmes de l’islam»: «Khadija» (2014), «Fatima» (2015), «Aicha» (2015). Editions Robert Laffont.
Cet article a été publié le samedi 19 décembre dans les colonnes de La Liberté.