De passage en Suisse, Francine Buchmann fait le point sur la situation en Haïti

mercredi 24 décembre 2008

En Suisse pour les fêtes, Francine Buchmann se repose... mais parle aussi dans les Eglises et autour d’elle de la situation en Haïti. Pour lafree.ch, elle fait le point sur la situation aux Gonaïves après le passage des ouragans Hanna et Ike en septembre dernier. Cette envoyée de la Chapelle de Clarens et de la FREE dirige sur place une école de 230 élèves, dotée de 24 enseignants. Son but : offrir par une éducation de qualité un tremplin au développement. Interview.

Quelle est la situation actuelle aux Gonaïves ?
Voilà 3 mois que les cyclones ont ravagé la région. La situation a tout de même évolué, même si c’est très lentement. Le gouvernement fait des efforts pour le nettoyage de la ville. Certains quartiers qui n’avaient encore vu aucune pelle mécanique et aucun camion, commencent à être déblayés... Mais il y a encore beaucoup de travail.

Qu’est-ce qui permet de dire que l’on vit mieux maintenant aux Gonaïves que juste après le passage des cyclones ?
Le fait que les axes routiers et les rues principales ont été débarrassés de toute la boue qui les encombrait. Depuis peu, nous avons à nouveau l’électricité de 11h à 23h. Avoir du courant permet de faire marcher les pompes à eau, de faire monter l’eau des puits, d’avoir plus facilement accès à internet... en fait autant d’éléments qui rendent la vie quotidienne plus facile.

Quel a été l’impact de ces ouragans sur la ville des Gonaïves ?
Toute la partie centrale de la ville et les quartiers proches du centre ont été détruits. A certains endroits, l’eau est montée jusqu’à 5 mètres de haut. Des montagnes de boue se sont formées au point qu’on en voit encore les traces aujourd’hui. Plus de la moitié de la population de la ville a dû quitter son logement et se réfugier chez des membres de leur famille ou chez des amis... Beaucoup n’ont pas encore pu retourner chez eux. Certains ont décidé de s’installer dans des quartiers qui n’ont pas été touchés. La situation du logement est devenue, par conséquent, très difficile. Peu de maisons sont disponibles et les prix ont flambé. Les prix des denrées alimentaires ont aussi beaucoup augmenté. Plus de 10 pour-cent de l’agriculture dans le pays a été détruite. Même des produits de saison comme les oranges deviennent très chers et extrêmement difficiles à trouver.

Vous vous êtes impliquée dans la distribution de l’aide sur place pendant cette période très difficile. Comment cela s’est-il passé ?
Ça n’a pas toujours été facile. On a bénéficié du soutien de l’ONG catholique, Food for the Poor. Elle nous a permis d’obtenir et de distribuer beaucoup d’aide alimentaire et surtout de l’eau potable. Deux autres ONG nous ont aussi apporté une aide importante, plus particulièrement au niveau médical : Christian Aid International et Parole et action. Bien sûr nous n’avons pas touché tout le monde. C’était un peu une goutte d’eau dans l’océan, mais c’était important pour nous d’être en mesure de faire quelque chose.

Qu’est-ce qui fait qu’une Suissesse se retrouve au centre de la gestion d’une partie de l’aide humanitaire dans une situation d’urgence comme celle-là ?
Seule, je n’aurais jamais rien pu faire, mais j’ai autour de moi un groupe de personnes et notamment un groupe de parents très motivés à aider. Ils ont les contacts sur place et ils connaissent la manière de fonctionner de la ville et le milieu haïtien. Moi, j’ai les contacts extérieurs. Ensemble on a formé une équipe complémentaire. Je cherchais de l’aide en Suisse, en France, à Port-au-Prince, et eux faisaient le relais pour coordonner sur place la distribution de ce que l’on recevait. Les uns sans les autres, nous n’aurions rien pu faire.

Personnellement, qu’est-ce que vous gardez comme souvenirs des ouragans qui se sont abattus sur les Gonaïves en septembre dernier ?
Nous gardons de très mauvais souvenirs : un stress et une angoisse que l’on peine à comprendre si on ne les a pas vécus. L’angoisse de se dire que, pendant la nuit alors que l’eau monte, des proches pourraient être emportés. Toutes nos compétences humaines n’ont plus aucune raison d’être. On ne peut rien faire sinon attendre et prier.

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Qu’est-il arrivé à l’école l’EPI à la suite de ces ouragans ?
Heureusement, les locaux de l’école et la maison où j’habite se trouvent dans un quartier qui n’a pas été inondé parce que sur les hauteurs, au nord de la ville. Nous sommes vraiment situés en zone limite. 500 mètres plus bas, la ville était sous l’eau ! Tout de suite après le cyclone on a reçu une cinquantaine de réfugiés. Essentiellement des familles d’élèves ou de gens proches de l’école. Une trentaine d’amis sont aussi venus s’installer dans ma maison. Et l’école et ma maison ont servi d’abris provisoires.

Au travers de cette école, qu’est-ce que vous essayez d’apporter à la ville des Gonaïves et à Haïti ?
J’essaie d’apporter un enseignement de qualité et un encadrement pour des élèves provenant de milieux aisés comme de milieux défavorisés. Ces derniers sont au bénéfice de parrainages de personnes en Europe. Tous ont ainsi accès non seulement aux examens officiels haïtiens, mais également au baccalauréat français.

Comment se passe cette mixité sociale au sein de l’école ?
Au départ, c’était un défi, parce que ce n’est pas très courant en Haïti. Maintenant, c’est quelque chose qui se passe très bien au niveau des élèves. Nos enfants et nos ados ont vraiment appris à s’accepter et à s’apprécier les uns les autres. Il en va de même pour les parents. Les rencontres de parents se déroulent avec des gens provenant de tous les milieux. Il faut aussi dire que ces dernières années les cyclones ont nivelé les classes sociales dans la ville. Des quartiers aisés où se trouvait l’élite des Gonaïves ont été très touchés par les catastrophes naturelles. Donc tout le monde se retrouve à la même enseigne. Un esprit de solidarité s’est développé et les élèves apprennent à se concentrer sur leurs études et non pas sur ce qu’ils n’ont ou n’ont pas.

L’éducation, c’est pour vous un facteur de développement important ?
Absolument, parce que le changement d’un pays passe par les enfants. Un parent d’élève qui est aussi une personne clé dans l’école, a dit un jour : « Pour que les Gonaïves changent, c’est la génération montante qui doit changer dans sa façon de penser et de vivre. L’école peut amener ce changement ! »

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Du point de vue de votre foi chrétienne, comment avez-vous vécu cette période ?
On apprend à se sentir petit devant Dieu... Notre confiance en Dieu est largement multipliée dans le sens où on apprend à vivre en comptant sur Dieu avant de compter sur soi-même et sur ses propres forces. Si on est malade, avant de se mettre à chercher un médecin et le bon médicament que l’on n’est pas sûr de trouver, on commence par prier parce qu’on vit dans une totale dépendance de Dieu. Ça a beaucoup développé la foi chez moi...

Qu’est-ce qui vous motive à rester sur place au vu des futures catastrophes qui paraissent malheureusement inévitables en Haïti ?
L’engagement des parents par rapport à l’école. Ils me soutiennent beaucoup et veulent vraiment voir cette école devenir un flambeau dans la ville. Je ne suis pas seule dans ce combat, j’ai autour de moi un groupe de parents très motivés !

Propos recueillis par Serge Carrel

Vous trouverez d’autres articles de et sur Francine Buchmann sur le site lafree.ch. Un site internet présente l’association EPI (Ecole pilote internationale). Par ailleurs Francine Buchmann parlera de son engagement et de la situation en Haïti le dimanche 28 décembre à La Dîme à St-Blaise, ainsi que le dimanche 11 janvier à la Chapelle de Clarens à 9h45.

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