Pourquoi des femmes formées en théologie ont-elles de la peine à accéder à un ministère pastoral ? Comment expliquer ce «plafond de vitrail» et surtout, comment le dépasser? Ce sont à ces questions qu’ambitionnait de répondre la rencontre « Où sont les femmes ? » du 27 avril, à St-Légier. Organisée par la HET-PRO en partenariat avec le Centre de formation Bienenberg, la Start Up Ministries, l’association Servir Ensemble et le Réseau évangélique suisse (RES), la conférence a été suivie pour une soixantaine de personnes, en majorité des femmes.
Professeur en formation pratique à la HET-PRO, Michel Siegrist a ouvert la Conférence en dressant les enjeux: d’un côté, des étudiantes brillantes se forment en théologie à la HET-PRO, tout en se demandant si elles vont trouver un poste rémunéré à l’issu de leurs études. Et de l’autre, des Unions et Fédérations d’Eglises constatent qu’elles vont manquer de pasteurs et se demandent comment assurer la relève.
Un travail de recherche focalisé sur la FREE
Devant une assistance attentive, Lisa Zbinden a présenté son travail de master en Sciences de la société/Etudes de genres intitulé «Le pastorat féminin dans les Eglises de la FREE : l’écart entre discours et pratiques». La recherche de la jeune femme, qui a fréquenté une Eglise membre de la Fédération romande d'Eglises évangéliques, portait sur la façon dont est vécu et perçu le ministère pastoral féminin au sein de la fédération. Pour cela, elle avait interviewé en 2021 Philippe Thueler, alors secrétaire général de la FREE, ainsi que quatre pasteures en exercice, une théologienne, une étudiante de la HET-PRO et un pasteur opposé au pastorat féminin.
Les raisons du « plafond de vitrail »
Lisa Zbinden a d’abord relayé ce chiffre évocateur : si la plupart des évangéliques se disent ouverts au pastorat féminin, dans le contexte romand, seul un pasteur sur dix est une femme. Un «plafond de vitrail» (versus « le plafond de verre » dans les entreprises) empêche les femmes d’accéder à un poste pastoral. La jeune femme l’explique par différents éléments, comme le manque de rôles modèles dans les Eglises ou la notion de soumission mari-femme transposée à la communauté : difficile de s’imaginer pasteure si toutes les femmes devraient être soumises à tous les hommes, relève Lisa Zbinden.
Un choix courageux
La titulaire d'un master parle aussi de « complémentarité tronquée » : hommes et femmes sont considérés égaux en droit et en dignité, mais les qualités associées aux femmes sont moins valorisées. Ces obstacles amènent une part des candidates à se disqualifier elles-mêmes ou à s’orienter vers d’autres rôles dans l’Eglise, souvent dans le soin à la personne (enfance, mission etc). Il existerait aussi une certaine discrimination à l’embauche, surtout si la femme postule seule. «Une faible minorité de femmes parviennent toutefois à surpasser ces obstacles et font le choix courageux – et pionnier – de devenir pasteures. Néanmoins, dès leurs débuts, elles sont pénalisées et doivent en faire plus pour être acceptées dans ce milieu masculin», relève Lisa Zbinden dans sa conclusion.
L’important ? Travailler avec ses dons et trouver sa place
Après cette présentation, une table ronde a donné la parole à la pasteure de l’Eglise évangélique baptiste de Genève, Stéphanie Fritz, à Myriam Matthey, pasteure à l’Eglise (FREE) La Fraternelle et à Nathalie et Nicolas Riard, couple pastoral de l’Armée du Salut. Chacune a pu évoquer les obstacles rencontrés dans son parcours et ses défis. Pour Myriam Matthey, s’il y a un «plafond de vitrail» dans la FREE, c’est pour obtenir un poste à plein temps. Et la pasteure de Nyon d’ajouter : « face à la pénurie de relève, c’est aussi notre responsabilités à nous les femmes pasteures de postuler pour du 100%. »
Au sein du couple pastoral Riard, c’est Nathalie qui a la vocation pour la prédication. Pour cette pasteure salutiste, «l’idéal est que chaque conjoint travaille dans ses dons et trouve sa place». Epanouie dans son ministère à plein temps, Stéphanie Fritz encourage les aspirantes pasteures: « Si Dieu t’appelle, il te montrera la voie. Sois disponible à le servir et reste toi-même, dans ton identité de fille du Roi ».
En dernière partie d’après-midi, l’équipe organisatrice a avancé différentes pistes visant à favoriser les ministères féminins dans les Eglises ; et les participants et participants ont été invités à interagir. Certaines de ces idées pourraient être reprises dans la FREE pour permettre à davantage de femmes de devenir pasteures.