A l’issue de six jours de débats, les députés de l’Assemblée législative tunisienne ont adopté dimanche une constitution provisoire qui accorde de larges pouvoirs au prochain chef du gouvernement, soit le Premier Ministre. Ce poste devrait revenir à Hamadi Jebali, le numéro 2 du parti Ennhada.
Ce pouvoir fort a été sujet de controverses. « Dans l’ancien régime, tous les pouvoirs étaient détenus par le président déchu, aujourd’hui, on veut les laisser aux mains du Premier Ministre », a dénoncé le dirigeant du Parti démocratique progressiste Néjib Chebbi (PDP, dans l’opposition) qui appréhende « une nouvelle dictature ».
Pas de non-musulman à la présidence
Autre chose qui étonne et qui a d’ailleurs fait débat entre les parlementaires, c’est la mention comme quoi le président doit être « exclusivement tunisien, de religion musulmane, descendant de parents tunisiens »... Cela exclut donc d’emblée les non-musulmans et annonce que la laïcité ne sera sûrement pas d’actualité. Un élément qui n’étonne pas Vincent Geisser, politologue, sociologue et chercheur à l’Institut français du Proche-Orient de Beyrouth. « L’islam est religion d’Etat en Tunisie, un héritage de l’ancien régime sur lequel misent les politiciens actuels parce que c’est une identité largement partagée par la population : plus de 90% d’entre elle est de religion musulmane. »
L’élan démocratique du printemps arabe a été une aspiration à davantage de libertés, mais toujours avec cette ambivalence identitaire forte et ce besoin de réformes socio-économiques. Pour le sociologue français, les islamistes l’ont très bien compris et promettent le retour à l’ordre social, économique et moral dans une posture ultra-conservatrice, soit, mais qui rassure la population.
Grand vainqueur des élections d’octobre dernier, le parti islamiste Ennhada est majoritaire à l’assemblée législative tunisienne avec 89 sièges sur 217.
Gabrielle Desarzens