La FEPS édite pour les pasteurs, aumôniers et bénévoles un livre sur le secret professionnel

mercredi 12 avril 2017

Le secret professionnel des pasteurs, des aumôniers et des personnes qui donnent dans la relation d’aide et l’accompagnement spirituel est essentiel pour ménager des espaces de confidentialité. Les publications en français, construites à partir de la réalité juridique helvétique, sont rares. L’an dernier, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) a publié un guide sur le sujet. Le pasteur Norbert Valley, qui sensibilise chaque année les pasteurs stagiaires évangéliques à ce thème, en propose une présentation. Cet ouvrage peut être téléchargé gratuitement sur le site de la FEPS.

Le secret professionnel au service de l'accompagnement spirituel, c'est sous ce titre que la Fédération des Eglises protestantes de Suisse vient d'éditer un « guide du secret professionnel » de plus de 200 pages pour les travailleurs des Eglises réformées de Suisse, et notamment pour les acteurs de l'accompagnement spirituel, qu'ils soient pasteurs, diacres, aumôniers ou bénévoles.

Bien que cet ouvrage soit destiné aux personnes qui travaillent au sein des Eglises réformées, et qu'environ un quart de l'ouvrage mentionne les différents règlements ecclésiastiques cantonaux dont certains ne sont pas traduits en français, la réflexion intéressera toute personne impliquée dans l'accompagnement spirituel ou psychologique, sachant que le non-respect de la parole confiée fait tellement de dégâts dans la vie des personnes accompagnées. Ce livre s’intéresse au secret professionnel dans différents contextes de la vie d’Eglise, que ce soit la vie communautaire, les différents services d’aumônerie hospitalière ou pénitentiaire.

Une multiplication des accompagnants

Les deux premiers chapitres sont consacrés à l'introduction au sujet et à l'évolution de l'accompagnement spirituel et du secret professionnel au cours des dernières décennies. On y rappelle notamment que l'accompagnement spirituel n’est plus le monopole des médecins et des ecclésiastiques, et que ces deux acteurs traditionnels sont en concurrence avec d’autres qui dispensent des offres en développement personnel ou des consultations sociales, ou qui prodiguent des soins en lien avec les médecines alternatives.

Les chapitres 3 à 7 sont structurés de manière identique. Les auteurs commencent par un cas particulier, puis développent le cadre juridique, des réflexions théologiques et les conséquences pratiques.

La naissance d’un secret

Dans le chapitre 3, le cas d’une pasteure qui reçoit les confidences d’une femme dont le mari entretient une relation homosexuelle permet d’illustrer comment naît un secret. Le cadre juridique est déterminé notamment par l’article 15 de la Constitution fédérale, qui garantit la liberté de conscience et de croyance, et l’article 321 du code pénal, qui sanctionne la violation du secret professionnel. Sur plainte, le détenteur d’un secret qui aura trahi la confiance du maître du secret (celui qui est accompagné) pourra être condamné à une peine privative de liberté de trois ans au plus ou à une peine pécuniaire. La révélation d’un secret ne sera pas punie si le détenteur du secret a obtenu l’autorisation du maître du secret ou si l’autorité dont dépend le détenteur du secret l’a libéré de son devoir de réserve.

A partir du droit suisse, les communautés religieuses peuvent élaborer elles-mêmes leur réglementation. Dans ce cadre-là, on parle de secret de fonction, de secret pastoral ou de secret de la confession. « Un secret ne se limite pas à ce qu’une personne exprime… L’article 321 du code pénal protège aussi ce dont l’accompagnant spirituel peut avoir connaissance du simple fait de l’exercice de sa profession » (p. 41). Des caractéristiques physiques ou mentales, que le détenteur du secret découvre par ses compétences professionnelles, ou des faits en lien avec la réalité sociale de la personne qui se confie, tombent aussi sous le couvert du devoir de réserve, même s’ils ne sont pas portés à la connaissance de l’accompagnant de manière orale.

La partie consacrée aux réflexions théologiques permet de préciser que l'accompagnement spirituel est un aspect de la miséricorde de Dieu et un lieu de confiance dans lequel on peut s'exprimer sans masque et sans peur.

Dans le dernier volet de ce chapitre – les conséquences pratiques – les auteurs soulignent que même l’orientation sexuelle du partenaire du mari homosexuel demeure sous la protection du secret. Selon eux, « la profession de pasteur ne peut être assurée efficacement que si la confidentialité est assurée » (p. 53).

La mise en place d’une équipe d’aumônerie ou de visiteurs

Dans le chapitre 4, les auteurs abordent le cas d’une équipe d’aumônerie et de visiteurs où sont actifs un pasteur, un diacre et des bénévoles. Quelles personnes sont astreintes au secret professionnel selon l’article 321 du code pénal ? Quelles sont les caractéristiques d’un entretien d’accompagnement spirituel ? En résumé, on peut dire que toutes les personnes qui interviennent dans un cadre institutionnel, sont astreintes au secret professionnel, qu’elles soient « professionnelles ou bénévoles » (les ecclésiastiques comme les « auxiliaires » selon le terme employé par le code pénal).

Les raisons qui autorisent à violer le secret professionnel

Le chapitre 5 aborde les exceptions qui justifient la violation du secret professionnel. Il n’y a que trois raisons qui justifient cela : l’accord du maître du secret, l’autorisation de levée du secret par une autorité supérieure et la préservation d’intérêts supérieurs.

Les auteurs développent l’exemple d’une adolescente de 17 ans qui confie à une accompagnante spirituelle que son père lui fait subir des attouchements et essaie d’avoir des rapports intimes avec elle. Dans ce contexte, l’accompagnante spirituelle a-t-elle le droit de dénoncer le cas aux autorités pénales ? « Il n’y a violation du secret professionnel que si la révélation du fait permet d’identifier le maître du secret » (p. 76), relèvent tout d’abord les auteurs. Pour que le détenteur d’un secret soit punissable, il faut qu’il ait agi intentionnellement. L’article 364 du code pénal relève que « le détenteur d’un secret peut briser le silence s’il a connaissance d’une infraction commise à l’encontre d’un mineur » (p. 77), notamment auprès de l’autorité de protection de l’enfant.

L’article 17 du code pénal explique que celui qui commet un délit (dans le cas présent viole le secret professionnel) en raison d’intérêts prépondérants, est excusable. Les conflits de loyauté surgissent naturellement pour l’accompagnant spirituel qui devra parfois opérer une pesée des intérêts entre un bien juridique A (la préservation de la sphère privée protégée par le secret professionnel) et un bien juridique B (l’intégrité corporelle de l’adolescente). L’accompagnant spirituel devra prendre une décision en son âme et conscience, et parfois prendre le risque d’enfreindre la loi. Les auteurs concluent l’examen du cadre juridique de l’exemple de cette adolescente qui subit des attouchements de son père en affirmant que : « L’accompagnante spirituelle devrait dénoncer les agissements à l’autorité de protection de l’enfant » (p. 89).

Quel secret professionnel dans une équipe interdisciplinaire ?

Le partage d’informations dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire est abordé dans le chapitre 6 avec une étude de cas dans un milieu hospitalier. Une équipe soignante rencontre des difficultés avec une patiente, dont le rétablissement n’avance pas et qui se révèle renfermée et agressive. Cette patiente refuse toute mesure psychiatrique mais est d’accord de rencontrer l’aumônier. Elle lui révèle alors ne pas prendre ses médicaments et vouloir en finir avec la vie.

Dans ce contexte, l’aumônier est-il autorisé à ne pas informer le personnel soignant en raison de son devoir de discrétion ? Dans la partie consacrée aux conséquences pratiques, les auteurs soulignent que le dilemme décrit dans l’exemple ne doit absolument pas être résolu (p. 121). Deux voies s’ouvrent à l’aumônier : demander l’autorisation à la patiente de prendre contact avec d’autres professionnels et de discuter avec eux de ce qu’elle lui a confié (« En agissant ainsi, il court le risque de ne pas recevoir son autorisation et donc de mettre en péril la confiance qu’elle lui a accordée », p. 122) ou encourager la patiente à se confier à d’autres professionnels en lui précisant qu’aucun traitement ne lui sera imposé contre son gré. « D’un point de vue pragmatique, la règle veut que le consentement du patient ou du client soit obtenu avant toute communication » (p. 124).

Dans ce chapitre, les auteurs tentent aussi de clarifier les enjeux du secret professionnel en milieu pénitentiaire et dans celui de l’asile. Ils abordent également la question de la protection des données, comme, par exemple, le fait de prendre des notes lors d’entretiens. Des recommandations et des possibilités d’actions sont proposées pour aider à gérer les difficultés.

Que partager en débriefing ou supervision ?

L’accompagnant spirituel est constamment confronté à ses limites. Ses nerfs sont mis à rude épreuve lorsqu'il entend des histoires difficiles. Il a besoin de débriefing, mais que peut-il réellement partager ? Les auteurs abordent dans le chapitre 7 les objectifs et le cadre de la supervision des accompagnants spirituels dont il est aussi important d’écouter les besoins.

Les auteurs soulignent que le secret professionnel continue de s’imposer. « Sans l’assentiment du maître du secret, les exemples de cas ou les situations d’accompagnement spirituel ne peuvent être présentés que d’une manière qui ne permettent pas d’identifier les protagonistes » (p. 138). La réalité de ce qui a été vécu par l’accompagnant doit être présentée de manière anonyme. On aurait pu ajouter plus clairement dans les recommandations mentionnées à la fin de ce chapitre le fait que l’accompagnant doit aborder franchement avec le patient la possibilité, sous couvert d’anonymat, de demander conseil à un superviseur, en expliquant à l’accompagné le bénéfice mutuel d’une telle démarche.

Le lecteur évangélique pressé pourra se contenter de lire le résumé du livre au début du chapitre 8. Souvent technique et juridique, ce guide est avant tout pertinent pour un public réformé. La structure du livre, bien qu’intéressante, n’évite pas de nombreuses redondances. Par ailleurs, il aurait été plus utile en final de mentionner des articles spécifiques des lois cantonales, notamment celles qui concernent la jeunesse et les obligations de dénoncer, plutôt que les lois des Eglises réformées cantonales.

Les pasteurs et les responsables de fédérations évangéliques peuvent lire cet ouvrage avec un profit certain, mais l’idéal serait de reprendre la démarche et de publier un ouvrage adapté directement aux évangéliques.

Norbert Valley et Serge Carrel

Rita Famos, Matthias Felder, Felix Frey, Matthias Hügli et Thomas Wild, Le secret professionnel au service de l’accompagnement, trad. française, Berne, FEPS, 2016, 216 p. Ce livre peut être téléchargé gratuitement ou commandé ici au prix de : 18 FS.

Le Guide social romand est aussi une source intéressante d’informations dans le domaine du secret professionnel, notamment à cette page.

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