Les minorités religieuses sont peu protégées au Pakistan par le gouvernement. Le 16 août dernier, Rimsha, jeune chrétienne de 14 ans, trisomique, accusée d’avoir brulé les pages d’un livre religieux, a été arrêtée et emprisonnée. Coup de théâtre le week-end dernier : l’imam du quartier pauvre de Mehrabad, à la périphérie d’Islamabad, a été à son tour arrêté. Des témoins ont en effet affirmé qu’il aurait délibérément fabriqué de fausses preuves pour faire accuser la jeune chrétienne de blasphème.
Le cas de Rimsha est cependant loin d’être isolé et ne concerne pas que les chrétiens. Selon David Griffiths, spécialiste du Sud-est asiatique pour l’ONG de défense des droits religieux Christian Solidarity Worldwide, nombre de Pakistanais sont condamnés pour blasphème chaque année. Et dans la majorité des cas, il s’agit de musulmans.
Une loi sur le blasphème depuis 1986
Au Pakistan, en effet le président Muhammad Zia-ul-Haq a instauré en 1986 une loi sur le blasphème, selon laquelle insulter le prophète Mahomet est passible de la peine de mort, et brûler un verset du Coran de la prison à vie. La volonté d’islamiser le pays de ce président qui a dirigé le Pakistan de 1978 à 1988
s’est ressentie jusque dans les programmes scolaires qui, pour David Griffiths, sont véritablement hostiles aux minorités. La génération actuelle a été élevée, éduquée, dans l’idée que les chrétiens – mais aussi les hindous – ne sont pas les égaux des musulmans, estime-t-il. Dans les colonnes du journal La Croix, ce spécialiste souligne que ces dernières années, deux figures politiques qui appelaient à la paix religieuse ont été assassinées.
Quelle issue ?
Abroger la loi sur le blasphème et réformer le système éducatif semblent dès lors s’imposer dans ce pays de plus de180 millions d’habitants. Ne serait-ce que pour que les quelque 3 millions de chrétiens, mais aussi les 7 millions d’hindous et les 300'000 sikhs puissent y vivre en paix... de même que les Ahmadis, 5 millions au Pakistan, une minorité musulmane qui souffre de persécutions régulières dans ce pays à majorité sunnite.
L’audience de Rimsha prévue lundi 3 septembre sur sa demande de libération conditionnelle a été reportée en raison d’une grève des avocats. La jeune fille devrait rester en prison au moins jusqu’à vendredi.
Gabrielle Desarzens