A nouveau cette semaine, la Haute Ecole de théologie (HET) fait l’objet d’un commentaire dans un grand média romand (1). Avec toujours le même argument : garder la théologie à l’université, c’est un rempart contre les dérives sectaires et les fondamentalismes de tous poils.
En France et outre-Atlantique
Dans ce débat, on a l’impression que les défenseurs de ce point de vue n’ont jamais quitté la Suisse romande. Et jamais entrevu comment pasteurs et théologiens sont formés à l’étranger. Prenons la France. A part la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, à cause de la dynamique concordataire en Alsace, toutes les Facultés de théologie, y compris l’Institut protestant de théologie de Paris et la Faculté libre de théologie protestante de Montpellier, sont des entités privées, indépendantes de l’Etat. Assiste-t-on en France à des dérives sectaires et à une montée du fondamentalisme ou de l’intégrisme plus qu’ailleurs ? Grâce à des Facultés comme Vaux-sur-Seine ou Aix-en-Provence, disons plutôt que le milieu évangélique relève le défi des grandes questions qui se posent à la foi protestante au XXIe siècle, et connaît une croissance qui impressionne jusque dans les médias !
Si l’on regarde outre-Atlantique, la plupart des institutions de niveau universitaire de sensibilité réformée ou évangélique ne dépendent pas de l’Etat. Elles sont privées, contribuent de manière impressionnante à la formation des pasteurs et alimentent même la réflexion théologique au plan global avec des recherches surpassant de loin celles qui sont menées à l’heure actuelle sur le Vieux-Continent ! Du point de vue social, de telles institutions contribuent à la « conversation » publique de manière démocratique et respectueuse de la diversité religieuse de notre temps.
De la place pour différents modèles !
Alors, s’il vous plaît, mettons fin à ce nombrilisme romand ! En protestantisme, il y a de la place pour différents modèles de relations entre lieux de formation, Eglises et Etat. La HET n’a jamais mis en cause la formation théologique à l’université. Elle ne sera pas non plus un lieu qui alimente les dérives sectaires ou fondamentalistes.
Le vrai débat ne se situe-t-il pas ailleurs ? Autour de questions comme : de quelle théologie protestante les étudiants des Facultés de Lausanne et Genève sont-ils nourris ? Et là on comprend bien pourquoi les partisans du « libéralisme » au sein du protestantisme réagissent si vivement. En perdant la main mise sur la formation théologique grâce à des lieux financés par l’Etat, ne verraient-ils pas leur rayonnement pâlir, voire, purement et simplement, disparaître ?
Serge Carrel
Journaliste et chargé de la formation dans la FREE
Note
1 Vincent Bourquin, « La théologie doit rester à l’université », Signature, Journal du matin de RTS La Première, le 24 juin.