« Yeah ! Yeah ! Yeah ! » On ne pouvait manquer ce jour-là les cris de joie de Wost, un animateur de jeunesse éthiopien. Nous avons couru dehors et nous avons entendu la bonne nouvelle : « Le Dr Abiy a reçu le prix Nobel de la paix ! »
La nouvelle que l’on espérait
Le matin, nous en avions parlé en allant au centre de formation, où je donne des cours sur le stress et la gestion des traumatismes. Nous savions que le Dr Abiy Ahmed était l'un des favoris. Nous avons exprimé à Dieu notre désir de le voir gagner le prix, sachant qu'une telle reconnaissance renforcerait l'ensemble du pays et les différents processus de paix entre les groupes ethniques.
Quand on a appris qu'il avait reçu le centième Nobel de la paix, tous sont sortis de leurs maisons et se sont rendus au bureau pour écouter le discours du comité du prix Nobel norvégien sur Youtube. La porte-parole a expliqué qu'il avait reçu le prix Nobel surtout pour le processus de paix qu'il a engagé avec le pays voisin, l'Érythrée. Mais elle a également mentionné ses autres réalisations : « Au cours des cent premiers jours de son mandat de premier ministre, il a levé l'état d'urgence, libéré des milliers de prisonniers politiques, levé la censure dans les médias, autorisé à nouveau les groupes d'opposition interdits et licencié des responsables militaires et civils corrompus. Il a aussi augmenté l’influence des femmes dans la vie politique et sociale, et il s’est également engagé à renforcer la démocratie et à organiser des élections libres et équitables. »
Un constructeur de ponts
Le Dr Abiy, comme l'appellent les locaux, est un homme hors du commun. Ce fils d'une mère chrétienne orthodoxe éthiopienne et d'un père musulman est lui-même membre d’une Église pentecôtiste. Il construit des ponts entre les groupes et les peuples les plus divers. Il s’est préoccupé de la paix entre musulmans et chrétiens dans sa ville natale. Il a soutenu l'Église orthodoxe éthiopienne dans sa tentative de surmonter un schisme de longue durée et il a encouragé les processus de paix dans les pays voisins.
Dans tout cela, sa foi est la force qui le met en mouvement. En tant que pentecôtiste ou « pentay », comme on appelle ces évangéliques de manière abrégée en Éthiopie, il croit en un Dieu qui rend possible l'impossible.
En même temps, dans la plupart des milieux pentecôtistes, il est clair que Dieu veut coopérer avec nous. Par exemple, la Communauté Beza (Beza signifie « salut ») commence chaque culte en proclamant entre autres : « La réponse à la pauvreté est venue du Christ, à travers nous. Il en va de même pour la réponse à la corruption, pour la réponse à la maladie et pour la réponse à chaque larme! »
« Puissiez-vous nous guider pendant longtemps ! »
Nous autres Européens, nous avons été profondément impressionnés. Les chrétiens d’ici croient profondément que Dieu veut et peut changer leur pays à travers eux. L’Éthiopie, l’un des pays les plus pauvres du monde, miné par de nombreux conflits entre les 80 groupes ethniques différents qui le composent, fait face à des défis sociaux, politiques et économiques majeurs. La paix entre les groupes ethniques joue un rôle clé. Un homme m'a expliqué : « Les émeutes de ces dernières années m'ont montré que, sans paix, tous les efforts de développement économique et social sont vains. »
Il est clair que, même si les réalisations du Dr Abiy sont impressionnantes, il reste encore beaucoup à faire pour pacifier et stabiliser l’intérieur du pays. Mais il semble être l’homme de la situation. Sur Facebook, un montage photo de cet homme de 43 ans le présente avec une barbe grise et le commentaire : « Puisses-tu nous diriger encore longtemps ! »
L'action du Dr Abiy comme fruit de leurs prières
Les chrétiens considèrent l’action du Dr Abiy comme le fruit de leurs prières pour leur pays. Un pays qui a souffert pendant des années de politiciens corrompus et d’affrontements parfois violents entre divers groupes ethniques. Un pasteur éthiopien a relevé ceci : « Il nous représente tous. C'est pourquoi non seulement il a reçu le prix Nobel de la paix, mais nous tous, nous l’avons reçu ! »
Et beaucoup de chrétiens considèrent qu'il est de leur responsabilité de prier pour le premier ministre. Dans le centre où je travaille, un coin de la salle de prière est décoré de sujets de prière pour le premier ministre : « Protection pour sa famille », « Paix avec l'Érythrée », « Sagesse ». Il était donc tout à fait naturel qu'après les cris de joie et la fête, tout le personnel se rende dans la salle de prière et remercie Dieu du fond du cœur.
Kerstin Hack, écrivaine
Note
1 Cet article est la traduction d’une contribution parue sur le site évangélique suisse allemand, Livenet.