Des djihadistes ont fait irruption dans le domicile malien de Béatrice Stockly la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 janvier. A Bamako où il vit replié depuis le début du mois à cause de menaces sur sa personne de la part d’islamistes radicaux, le pasteur évangélique malien Bouya Yattara précise que la Suissesse a été enlevée à 3 heures du matin : « A cette heure, la ville de Tombouctou n’est pas sûre, commente-t-il. Et Béatrice était retournée vivre dans le même appartement où elle avait déjà été saisie en 2012 par des hommes armés. Son quartier d’Abaradjou, situé dans le nord de la ville, est aux portes du désert et très fréquenté par diverses factions rebelles. »
De l’évangélisation « à sa manière »
Venue au Mali comme volontaire de l’Eglise méthodiste, la quadragénaire a posé ses valises à Tombouctou il y a une quinzaine d’années. En lien avec plus aucune Eglise spécifique et soutenue par aucune mission, Béatrice Stockly faisait de l’évangélisation « à sa manière », indique encore le pasteur. Enlevée une première fois le 15 avril 2012, la Bâloise avait été libérée 9 jours plus tard, le 24 avril. Après un séjour au Sénégal, elle était retournée vivre à Tombouctou, une fois la ville libérée par les Français début 2013.
Cet enlèvement survient après l'assassinat, à la mi-décembre, dans la même ville de trois personnes, dont un journaliste de la radio chrétienne Tahanite (pitié, en langue locale tamasheq) qui émet depuis Tombouctou. Une source de sécurité malienne avait alors parlé d'« un lâche assassinat perpétré par ceux qui veulent créer la guerre des religions », en référence à la confession catholique de deux des victimes.
Ville sainte
Tombouctou est la capitale de l’Islam au Mali, voire en Afrique. Surnommée la ville aux 333 marabouts, elle est située sur la boucle du fleuve Niger. Pendant des siècles, elle a été un carrefour commercial très important au Sahara et un centre spirituel renommé de l'islam sub-saharien. Elle a été un centre touristique renommé pour les amateurs de méharées dans le désert, jusqu'à ce que l'insécurité de ces dernières années fasse fuir les touristes occidentaux.
Séquestrée une dizaine de jours en 2012, Béatrice avait été rapatriée sur place, à quelques kilomètres de Tombouctou, dans un pick-up avec des hommes enturbannés et lourdement armés. Elle avait été remise aux autorités du Burkina Faso par le groupe islamiste Ansar Dine, du Touareg malien Iyad Ag Ghaly, qui contrôlait alors la ville.
Industrie de l’enlèvement
La libération de cette femme, qui revendique sa foi chrétienne et qui est très impliquée dans les actions sociales, était intervenue contre le paiement d'une rançon, avaient alors affirmé à l’AFP plusieurs sources de sécurité. Un médiateur burkinabè et un responsable du groupe Ansar Dine avaient de leur côté démenti tout versement de rançon.
Différentes factions rebelles opèrent dans le secteur de multiples trafics et se livrent notamment à une « industrie de l'enlèvement » pour obtenir de juteuses rançons.
Ces combattants actifs dans le nord du pays comme dans tout le désert sahélien ne sont pourtant pas assimilables aux musulmans maliens. Pour preuve : le pays est à 90% de religion musulmane, mais ses habitants ne veulent pas d’un régime islamiste au pouvoir.
S’il y a encore des chrétiens à Tombouctou, tout le monde a peur, souligne enfin le pasteur Bouya Yattara : « La situation est critique. Tant que tu n’es pas trop populaire, ça va. Sinon, il te faut fuir... »
Gabrielle Desarzens