« Depuis 5 à 7 ans, l'apologétique opère son grand retour dans les Eglises ! » C'est avec ce constat que Yannick Imbert a ouvert samedi 5 avril sa première conférence, lors de la quatrième journée du Réseau des scientifiques évangéliques de Suisse romande à l'Eglise évangélique La Fraternelle à Nyon (FREE).
Dieu, le « premier apologète »
Même si, pendant plusieurs décennies, la défense de la foi chrétienne n'a pas eu bonne presse dans nombre de lieux de formation, la tendance est en train de changer. Le professeur d'apologétique à la Faculté Jean Calvin d'Aix-en-Provence a montré que la défense de la foi bénéficiait d'un ancrage fort dans la Bible. Certes, certains passages bibliques peuvent être invoqués pour légitimer une telle démarche (1 Pierre 3,15 par exemple), mais le plaidoyer pour la foi en Dieu s'enracine beaucoup plus profondément. En Dieu même. Lui qui est, selon l'expression de Yannick Imbert, le « premier apologète », et qui répond à la mise en cause dont il fait l'objet dans les premiers chapitres de la Genèse : « Dieu a-t-il vraiment dit ? » Il le fait de deux manières : par un jugement et par une promesse de salut...
Le peuple d'Israël, suite à la promesse faite à Abraham (Genèse 12), joue aussi au cœur de l'histoire comme un argument en faveur de l'existence de Dieu. Mis à part parmi les nations, Israël est là pour rendre compte de ce Dieu qui lutte contre les idoles. Enfin troisième légitimation biblique de la défense de la foi chrétienne : Jésus, « l'apologétique incarnée ». En parcourant différents récits des évangiles, Yannick Imbert a montré combien la défense de la foi en Dieu s'incarnait avec Jésus dans tous les domaines de la vie humaine : le débat théologique ou philosophique, l'imagination, l'expérience concrète de la vie...
Un cadre éthique à l'apologétique
Robin Reeve, enseignant à l'Institut biblique et missionnaire Emmaüs à St-Légier, a ensuite posé une sorte de cadre éthique à la démarche apologétique au travers de sa contribution intitulée « L'apologétique et son importance dans l'évangélisation ». Il a rappelé que ce n'était pas le brio du défenseur de la foi chrétienne qui amenait à croire, mais le Saint-Esprit. « Nous sommes là pour ôter les pierres du chemin. C'est souvent malgré nous que nos interlocuteurs découvrent la foi en un Christ vivant ! » L'enseignant de l'Institut Emmaüs a aussi rappelé que la Bible affirmait que Jésus était la vérité, mais que nous n'étions nullement propriétaires de Jésus, donc nullement propriétaires de la vérité ! Il a aussi souligné que le respect des personnes devait être total dans toute démarche apologétique, et qu'il importait de ne pas avoir peur d'assumer le choc des questions qui fâchent. A la fin de sa conférence, Robin Reeve a plaidé pour que les chrétiens entrent davantage dans la compréhension des présupposés de leurs interlocuteurs. Que ces principes soient marqués par le rationalisme athée, l'agnosticisme, la « picorée » religieuse ou l'islam, il importe, selon lui, de répondre aux questions que se posent nos contemporains, après avoir soigneusement écouté ce qui les habitait.
L'intelligibilité de l'Univers et le « fine tuning »
Deux scientifiques ont ensuite examiné la pertinence de démarches rationnelles pour plaider l'existence de Dieu. Sylvain Bréchet, chargé de cours à l'Institut de physique de la matière condensée à l'EPFL, a examiné la pertinence de ce qu'il a appelé « l'argument rationnel ». Un argument qui voit dans l'intelligibilité de l'Univers par les lois de la physique et l'outil mathématique un appui à l'existence de Dieu. « Ce qui est incompréhensible, c'est que l'univers soit compréhensible », disait Albert Einstein. Comme pour beaucoup de scientifiques dans l'histoire, l'inventeur de la théorie de la relativité a vu dans cette intelligibilité de la nature l'indice d'une Intelligence créatrice, sans songer, pour Einstein, à un Dieu personnel.
Pierre North, maître d'enseignement et de recherche au Laboratoire d'astrophysique de l'EPFL, a examiné « le principe anthropique et le 'réglage fin' cosmologique » pour voir dans quelle mesure il y avait là un argument en faveur de l'existence de Dieu. Certaines constantes de la physique – comme la valeur de la force électromagnétique, ou celles de la force gravitationnelle et des forces nucléaires faibles et fortes – sont si finement ajustées pour l'éclosion de la vie qu'il pourrait y avoir là l'indice d'une Intelligence créatrice. Dans l'expérience de Pierre North, cet argument du « fine tuning » est encourageant pour les croyants, mais de peu de poids pour les incroyants. « Il est donc une notion à manier avec précaution. Il s'agit de ne pas céder à une sorte de tentation totalitaire. En effet la foi ne saurait se prouver par A + B », a-t-il ajouté.
Une confrontation avec le nouvel athéisme
En fin de journée, Yannick Imbert est intervenu sur le thème « L'emploi de la science dans le nouvel athéisme ». Il a déconstruit l'argumentation d'un Richard Dawkins et de ses « coreligionnaires ». La science étant pour plusieurs de ces scientifiques anglo-saxons l'unique moyen de décrire le monde, on se retrouve avec une vision de la réalité uniquement matérialiste. Les présupposés de ces scientifiques excluent préalablement toute vérité qui ne serait pas d'ordre scientifique. Yannick Imbert a alors souligné qu'« une bonne démonstration de la foi chrétienne ne devrait pas être fondée uniquement sur des arguments scientifiques. Elle devrait articuler de bons arguments scientifiques, une dimension émotionnelle et une dimension éthique forte. » Il a conclu avec la boutade de l'apologète de la foi chrétienne, G.K. Chesterton : « Le meilleur moyen de voir si un manteau est bien taillé, ce n'est pas de le mesurer, mais de l'essayer ! »
Serge Carrel