Tranches de vie

vendredi 15 septembre 2006
« Rue à cœur », c’est le nom d’une association évangélique qui, dans la ville de Bienne, s’occupe d’aumônerie de rues auprès des toxicomanes. Christophe Reichenbach en est le permanent. Il nous propose ici des petits textes, fruits de ses rencontres à même le pavé de Bienne. Ces textes sont parus dans "Info", la lettre de nouvelles de cette association.

Comment vous dire: « Adieu » ...?
Nous n'avons pas pu vous accompagner sur le bord du rivage, vous êtes partis trop vite. Nous n'avons pas pu vous aider à faire vos bagages, vous êtes partis trop vite. Partis pour le grand voyage, partis dans un dernier naufrage. Vous laissez derrière vous : enfants, amis et proches. La mort vient toujours trop vite; votre départ fait pleurer nos coeurs. Par ces quelques phrases, nous vous disons: Adieu. Par nos prières, nous vous remettons à Dieu. Auprès de Lui, plus de souffrances; entre Ses mains : la délivrance.

Richard
Richard est balèze. Richard a la haine. Richard ne peut plus croire en Dieu. Faut dire qu'il en a bavé quand il était môme ! Richard m'a ouvert un bout de son coeur. Vous devriez voir comme il est abîmé. Faut dire qu'il a sacrément « morflé » de ne pas avoir été aimé.
Si vous côtoyez un peu Richard, vous verrez, il est détestable. Richard aurait-il peur de se rendre aimable ? Richard préférerait crever. En tout cas, c'est ce qu'il m'a dit. Qui serais-je aujourd'hui, si j'avais vécu sa vie ? Qui serais-je aujourd'hui, si le Christ ne m'avait pas rencontré ?
Si dans un coin de nos prières, on glissait le nom de Richard, il pourrait peut-être s'aimer ? Si dans un coin de nos coeurs, on pensait à tous ceux qui souffrent, ils se sentiraient un peu moins seuls. Si dans un coin de nos regards, on laissait resplendir l'amour de Dieu, même les trottoirs fleuriraient. Je sais, Richard, tu n'y crois pas. Pourtant, notre Seigneur, Lui, Il croit en toi !

Les rêves de Sandrine
Seigneur, je veux une fois encore te dire merci. Merci pour Sandrine, car grâce à toi, elle dort à nouveau bien la nuit. Elle ne se sent plus mal dans sa chambre, elle n'est plus agressée dans ses cauchemars. Nous étions au bureau. On a plié la tête devant toi et on a demandé que Tu lui donnes Ta Paix. On n'a pas fait de grandes processions, on n'a pas eu besoin de crier. Tu as répondu. Merci notre Père, car tu prends soin de tes enfants. Merci, car Tu t'occupes de Sandrine. Merci, parce qu'aujourd'hui, lorsqu'on lui souhaite une « bonne nuit », on lui dit quelque chose de vrai.

Diego
Tu étais-là, vautré contre le mur du « Passepartout », ton visage trempé par tes larmes. T'es à peine venu à l'intérieur. Comme si tu ne voulais pas nous importuner. C'est la voix cassée que tu nous as raconté ta nuit passée. Les flics t'auraient arrêté, insulté. Les menottes bien serrées, ils t'auraient manipulé. Comme une marionnette. D'ailleurs, ce soir-là, tes poignets criaient encore de douleur.
La nuit, tu l'as passée en tôle. Autant dire que tu n'as pas dormi. L'un des agents en fonction t'aurait même suggéré de te pendre. La gorge serrée, tu me lâches encore: « C'est de la torture mentale! »
Diego, ton histoire me rappelle celle de notre Seigneur, lorsque les soldats romains l'insultaient, le battaient. Lorsque ces hommes imbus de pouvoir blasphémaient le Dieu trois fois saint par leurs moqueries.
Diego, tu es un être humain, image du Dieu vivant. Personne n'a le droit de te traiter ainsi.
Je me demande qui mieux que le Christ peut comprendre ta souffrance. Il l'a vécue...
Diego, mon coeur saigne lorsque je revois tes yeux remplis de désespoir et je te le redis: Non ce n'est pas juste! Tu es quelqu'un d'important à nos yeux, tu es quelqu'un de précieux pour Dieu.

Christophe Reichenbach (Rue à coeur, Bienne)

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