« S’arrêter avant d’être arrêté ! » par David Richir

lundi 10 octobre 2011
Quelle place laissons-nous au repos ? C’est la question que nous pose ici David Richir en écho à un travail de fin d’études qu’il a défendu à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine. En écho aussi à un DVD dans lequel il propose 4 études autour de ce thème.
En écho au pessimisme ambiant dû aux crises financières et économiques, laissons-nous défier par une invitation… au repos ! Au chapitre 25 du Lévitique, Dieu donne une loi aux Israélites pour les obliger à s’arrêter, à « lever le pied », à prendre des vacances : « Pendant six ans, tu ensemenceras ton champ, et pendant six ans, tu tailleras ta vigne et tu en récolteras les produits. Mais la septième année sera un sabbat, une année de repos pour la terre » (Lévitique 25.3-4a).

Une bonne nouvelle… refusée
Une loi qui ordonne de prendre des vacances devrait être une bonne nouvelle ! Ce commandement aurait dû être populaire, mais, curieusement, il n’a pas connu le succès attendu : l’année sabbatique n’a quasiment jamais été mise en pratique par les Israélites.
De nos jours, il y a fort à parier qu’une telle loi ne serait pas non plus aisée à mettre en œuvre. S’il est vrai que, dans nos pays, nous passons moins de temps à travailler, nous ne nous reposons pas plus pour autant. La part des loisirs a augmenté et, finalement, nos journées sont plus remplies et stressantes que celles de nos ancêtres.

La difficulté de s’arrêter
Pourquoi est-il si difficile de s’arrêter ? Pourquoi enchaînons-nous les activités – qu’elles soient professionnelles, ludiques ou spirituelles ? Pourquoi avons-nous peur du repos, du silence ?
Blaise Pascal, le grand penseur chrétien, écrit dans ses Pensées : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre » (Pensées 139). Il explique que la raison pour laquelle les hommes font la guerre, se lancent dans des affaires parfois risquées, courent toute la journée, est simplement l’incapacité, voire la peur, de rester tranquillement au repos dans leur chambre. Ils ont besoin de divertissement pour oublier leur condition. Pascal dit ainsi : « Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. [Aussitôt] il sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir » (Pensées 131).
Pour Pascal, si les gens ne se reposent pas, c’est parce qu’ils ont peur de se trouver face à eux-mêmes, de regarder la vie en face. Pour fuir cette peur du vide, ce désespoir, les hommes et les femmes n’arrêtent pas de courir, et cherchent toujours le divertissement. Notre « société-spectacle » s’est d’ailleurs spécialisée dans cette fuite du vide et du silence qui nous font peur.

Qu’est-ce que le repos ?
En contrepied à cette fuite, Dieu nous demande de nous arrêter. Mais quel est le sens de cet arrêt ? Quand la Bible parle du repos, il ne s’agit pas simplement des heures où on ne travaille pas – il ne faut pas confondre loisir et repos. Le repos, le sabbat, est un temps d’arrêt consacré à Dieu, un jour différent des autres où nous nous reposons en lui.
On sait bien que la nature a horreur du vide. Et Dieu le sait. C’est pourquoi le repos n’est pas simplement quelque chose de négatif, l’absence de travail, mais aussi quelque chose de positif : passer du temps avec Dieu. Le repos selon la Bible est donc une période mise à part pour prendre du temps devant et avec Dieu. Se reposer, c’est s’arrêter pour regarder à Dieu et se regarder soi-même à travers le regard de Dieu.
Pour nous, chrétiens, nous pouvons prendre le risque du repos sans tomber dans le désespoir décrit par Pascal. Avec Dieu, nous pouvons nous regarder tels que nous sommes, faire face au vide avec confiance, car Dieu est là. Il nous soutient, il nous pardonne, il nous fortifie. Par la bouche de Jésus, Dieu nous invite à venir à lui pour trouver le repos : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos » (Mt 11.28).
Ce repos peut prendre la forme de la prière, du silence pour écouter Dieu ; de moments de communion où nous partageons l’amour de Dieu en famille, avec des amis ; de temps de relations profondes où nous pouvons entendre battre le cœur de Dieu ; de temps à part, où nous méditons la Bible, où nous lisons des livres qui nous rapprochent de Dieu. Le repos peut prendre 1000 formes, et le repos de l’un ne sera pas le repos de l’autre. Mais, quelque forme qu’il prenne, le repos est toujours un temps mis à part pour Dieu, consacré à lui, centré sur lui.

L’année sabbatique : un acte de foi
Dans les 10 commandements, Dieu nous demande de nous reposer un jour sur sept. Mais en Lévitique 25, il va encore plus loin : Dieu commande à son peuple de se reposer tout une année !
Bien sûr, il ne s’agit pas de rester au lit pendant une année entière mais plutôt de laisser la terre au repos pendant cette période : ne plus semer ni moissonner, ne plus tailler la vigne ni la vendanger. En d’autres termes, il ne fallait plus s’occuper de la terre dans le but de récolter quelque chose. Tous les champs devaient être laissés en jachère et n’importe qui, propriétaire, serviteur, étranger, pouvait venir prendre ce dont il avait besoin pour lui-même.
A l’époque, la plupart des gens étaient agriculteurs. Il y avait quelques artisans, quelques commerçants, mais la grande majorité vivait de la terre. Demander à une société dont l’économie est basée sur l’agriculture de laisser tous les champs en jachère pendant une année entière, cela voulait dire mettre tout le pays en « pause » pour une année.
On comprend la difficulté qu’on eut les Israélites à obéir à cette loi. Pour tout arrêter, il fallait être prêt à faire totalement confiance à Dieu : non seulement pour la vie après la mort, mais pour la vie d’aujourd’hui ; non seulement pour un sentiment de paix, de joie intérieure, mais pour ce qu’il va y avoir dans mon assiette, ce que je vais manger, moi et ma famille… S’arrêter pour une année sabbatique était vraiment un acte de foi.
Pour nous aussi, s’arrêter est un acte de foi. Devons-nous aussi nous arrêter une année sur sept ? Peut-être Dieu le demande-t-il à certains d’entre nous. Un de mes amis, très engagé dans son Eglise depuis 6 ans, a reçu la conviction de la part de Dieu qu’il devait arrêter ses activités au sein de la communauté. C’était un appel difficile, surtout lorsqu’on est engagé pour le Seigneur. Il faut parfois autant de foi pour s’engager dans quelque chose que pour s’arrêter. D’autant plus lorsque tout a l’air de bien aller et qu’en s’arrêtant, on prend le risque que tout le travail accompli disparaisse.
Dieu ne nous demande pas à tous d’arrêter nos engagements, mais il demande à chacun de comprendre le principe qu’il y a derrière cette année sabbatique. S’arrêter, c’est faire confiance à Dieu, c’est accepter de le laisser agir, lui. Cela nous oblige à nous rendre compte que nous ne sommes pas si indispensables que cela, que le monde peut continuer à tourner sans nous.

S’arrêter : un sacrifice
S’arrêter, cela veut aussi dire être prêt à réduire ses activités, à couper dans son agenda. C’est un sacrifice que de s’arrêter. Il ne s’agit pas seulement de couper dans nos temps de loisir, mais aussi de mettre une limite à notre temps de travail. S’arrêter, c’est affirmer que le travail n’est pas tout.
En demandant à tous les agriculteurs d’arrêter de semer et de moissonner une année sur sept, Dieu place une limite à la croissance, au développement. Il invite les Israélites à un style de vie plus simple tout en leur assurant qu’ils ne manqueront de rien. C’est comme s’il leur disait : « Il faut travailler pour vivre, et non vivre pour travailler. »
Le travail est important dans la vie de l’homme, l’argent aussi, mais il n’est pas tout. Seriez-vous prêt à renoncer à 1/7 ou 15% de votre salaire ? Seriez-vous prêt à « Travailler moins pour gagner moins » ? Par cet appel, Dieu veut nous apprendre, comme aux Israélites, d’abord à lui faire confiance en tout, et ensuite que la richesse et le confort ne sont pas tout.
S’arrêter pour laisser Dieu agir
Quand nous nous arrêtons, c’est un peu comme si nous étions remis à notre place. Nous prenons conscience de nos limites, de notre place par rapport aux autres, par rapport au monde, par rapport à Dieu. Nous disons ainsi que nous sommes dépendants de Dieu, que tout dépend de lui. Se reposer en Dieu, finalement, c’est laisser Dieu agir… à notre place.

David Richir
Pasteur dans l’Eglise évangélique l’Oasis à Morges


Pour plus d’infos sur le DVD Vitamine B : « Le repos, une proposition de Dieu » et les feuilles d’animation,
voir l’article de lafree.ch.
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