S'il n'y a pas de résurrection, il n'y a plus de christianisme. Mais pourquoi donc? Les historiens qui se posent la question de l'origine historique du christianisme tombent sur un commencement unique: les disciples de Jésus
ont cru que Jésus était ressuscité d'entre les morts (1). Comme le disait le professeur Daniel Marguerat: « La foi naît avec la résurrection » (2). La résurrection de Jésus est pour la foi l'évènement le plus important du monde depuis sa création. Et elle était au cœur de la prédication des apôtres. Elle est un nouveau commencement, elle est l'inauguration d'une nouvelle création (3).
Une réalité ou une illusion?
Mais est-ce vrai? Est-ce fondé dans le réel? Peut-on l'ancrer de manière fiable dans l'histoire? Ce qui est historiquement certain, c'est que les disciples ont cru. Mais si leur foi est certaine, cela ne rend pas la résurrection elle-même certaine. Aucun historien sérieux ne doute aujourd'hui que Jésus ait existé, ni qu'il soit mort un vendredi durant les fêtes de Pâques, sous Ponce Pilate, flagellé et crucifié par les Romains, probablement en l'an 30 ou 33 (4). Peu doutent que le mouvement de Jésus soit né de la foi en la résurrection de Jésus. Mais cette foi est-elle fondée sur du réel? Paul écrit: « Si le Messie n'est pas ressuscité notre message est vide et votre foi est vide (...) votre foi est illusoire » (5). Si on ne croit pas que la résurrection de Jésus est réelle, cela change du tout au tout, ou plutôt du tout au rien. Par exemple, le théologien allemand Gerd Lüdemann a été convaincu que la résurrection était une grande supercherie et il s'est converti de la foi chrétienne à l'athéisme (6). Il s'appuie, lui et bien d'autres avec lui, sur des arguments historiques et psychologiques pour la réfuter. Alors qu'en est-il? La résurrection de Jésus est-elle une réalité ancrée dans l'histoire ou une illusion?
Pas de divorce entre histoire et foi
Pour les chrétiens aussi, c'est important de savoir que ce qu'ils croient n'est pas basé « sur des fables habilement conçues » (7). Dieu a choisi de se dévoiler à travers l'histoire de Jésus de Nazareth. Si les faits historiques concernant sa résurrection s'avéraient faux, la foi serait réduite à néant. Par exemple, si l'on trouvait un jour les os de Jésus, dans un ossuaire à Jérusalem, et qu'il était prouvé que ce sont les siens, on devrait, si on est cohérent, renoncer à la foi. Bien entendu la foi est aussi basée sur l'expérience personnelle du Ressuscité, mais pas exclusivement. Comme le dit le philosophe et théologien Blaise Pascal, on risque facilement deux excès: « Exclure la raison ou n'admettre que la raison. » Dans ce qui suit je me contenterai de défendre les raisons « historiques » de la foi (8).
La signification du fameux : « Jésus est ressuscité d'entre les morts »
Avant d'aller plus loin, une question. Que veut dire : croire que Jésus est ressuscité d'entre les morts? Tout d'abord cela signifie que Jésus est réellement mort cliniquement et définitivement. Ensuite, cela signifie qu'il est revenu à la vie, mais – et ici il faut faire attention – non pas comme un cadavre réanimé, non pas comme Lazare, son ami, par exemple (9). Le mot « résurrection » doit être compris dans le contexte de l'attente juive pour la fin du monde (10), celle de la résurrection des morts (11), avec des corps nouveaux, immortels; des corps adaptés pour vivre sur une nouvelle terre, sous de nouveaux cieux, là où Dieu règne dans la justice et la paix parfaites. Ainsi Jésus est revenu à la vie dans un corps immortel, adapté déjà maintenant, avant la fin de l'histoire, au Royaume éternel de Dieu. Voilà ce que croyaient les disciples de Jésus. Cette foi dépasse l'histoire visible et vérifiable par tous, mais elle y a son ancrage. Pour que la foi puisse être vraie, il faut que Jésus soit ressuscité dans son corps. Les disciples n'ont pas eu une expérience de visitation d'un mort et Jésus ne continue pas à vivre seulement dans leur mémoire.
Les faits historiques solides
Existe-t-il des faits historiques solides en faveur de la résurrection corporelle de Jésus, des faits qui ne demandent pas la foi préalable, et qui tiennent bon sous la critique historique? Des faits que même Gerd Lüdemann soit prêt à accepter (12)? La réponse est oui. Ces faits historiques existent. On peut en nommer quatre : 1) Jésus est mort par crucifixion. 2) Le tombeau était vide (13). 3) Les disciples ont cru que Jésus était ressuscité et qu'il leur est apparu. 4) Paul, le persécuteur de l'Eglise, a été soudainement changé, après ce qu'il dit être une « apparition personnelle du ressuscité ».
Ceux qui réfutent la résurrection de Jésus cherchent des explications autres à ces faits-là. Ces explications se situent dans trois directions différentes. La première affirme que Jésus n'est pas vraiment mort. Les deux autres que Jésus n'est pas vraiment ressuscité: les apôtres ont soit été trompés (ils sont victimes d'une fraude ou victimes d'hallucinations), soit ont trompé (ils sont les créateurs de fraudes). Voyons comment tiennent les hypothèses alternatives face aux quatre faits nommés plus haut.
Arguments contre la résurrection et objections
1. Jésus n'est pas vraiment mort.
Nous contestons cela: 1) Il est très peu probable de réchapper à une flagellation, à une crucifixion et à un empalement (par une lance). Il n'existe aucun cas attesté dans la littérature. 2) Si Jésus en avait réchappé, comment, presque mort, aurait-il pu apparaître aux disciples comme « ressuscité » dans un corps vigoureux et sain? A moins que les apôtres aient inventé de toutes pièces une résurrection (fraude)… On n'aurait alors pas d'explication pour l'apparition à Paul. Cette hypothèse n'est plus guère retenue aujourd'hui.
2. Les disciples ont été victimes d'une fraude.
Cette hypothèse part de la découverte du tombeau vide et prétend que quelqu'un a sorti le corps du tombeau à l'insu des disciples et que ceux-ci ont cru à partir de là que Jésus était ressuscité.
Voici les contre-arguments: 1) L'hypothèse rend compte du tombeau vide, mais pas des apparitions, ni aux apôtres, ni ensuite à Paul. 2) La découverte du tombeau vide n'a pas conduit à elle seule à la foi que Jésus était ressuscité. Ainsi, quand Marie de Magdala arrive au tombeau qui est vide, elle en déduit: « On a enlevé le corps » (14). L'absence du corps n'est pas une preuve de la résurrection, ni pour les apôtres ni pour nous. Ils ne se seraient pas laissé tromper de cette manière. Peu de critiques ont retenu cette hypothèse.
3. Les disciples ont créé une fraude.
Le tombeau de Jésus n'était pas vide. Les disciples ont menti, ils ont peut-être eux-mêmes volé le corps.
Nous contestons cette hypothèse: 1) Les disciples étaient prêts à mourir pour leur affirmation que Jésus était ressuscité. Cela a été le cas pour Jacques et Pierre. Que des gens soient prêts à mourir pour quelque chose qu'ils croient vrai, c'est une chose. Mais il est très peu probable qu'un groupe de personnes soit prêt à mourir pour un mensonge. 2) Paul a eu une apparition indépendante des premiers apôtres et, comme ennemi déclaré des chrétiens, n'aurait jamais accepté une fraude. Cette hypothèse est peu défendue aujourd'hui et hautement improbable.
Avant de toucher à la dernière hypothèse, il vaut la peine de dire un mot sur les apparitions de Jésus. Elles sont une clef essentielle à la foi en la résurrection. Le texte le plus ancien qui en parle est celui de Paul (15) : « Je vous ai transmis avant tout le message que j'avais moi aussi reçu: Christ est mort pour nos péchés (...) il a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour (...) Ensuite il est apparu à Céphas (Pierre), puis aux douze. Après cela, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois dont la plupart sont encore vivants et dont quelques-uns sont morts. Ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Après eux tous, il m'est aussi apparu à moi » (16).
4. Les disciples ont été victimes d'hallucinations
Cette interprétation, en vogue aujourd'hui, prétend que les apparitions sont des expériences subjectives hallucinatoires, donc sans lien avec la réalité.
Nous contestons cette interprétation. Tout d'abord une information: les hallucinations peuvent être de différents modes: auditives, visuelles, olfactives, gustatives, tactiles, kinesthésiques. Mais le plus souvent elles sont d'un seul mode. Environ 15% de la population peut en avoir une fois dans sa vie, les vieux en ont plus que les jeunes. Voilà nos objections: 1) Une hallucination est une expérience subjective très personnelle. On ne peut pas faire entrer quelqu'un d'autre dans son expérience d'hallucination, pas plus que l'on peut faire rêver à quelqu'un le même rêve que soi. 2) Les hallucinations collectives (17) ne sont pas attestées. Or les onze apôtres auraient eu une hallucination tous ensemble, en mode multiple, visuel et auditif, au même moment, et de même contenu! C'est hautement improbable. Et ensuite les 500, tous âges confondus, auraient eu une hallucination commune du même genre? Non pas 15% d'entre eux, mais 100%! 3) La plupart des gens qui ont eu des hallucinations réalisent plus tard que c'en était. Mais cela n'est arrivé à aucun des disciples. Leur témoignage est solide jusqu'à la fin de leur vie. Il n'existe aucun signal de mise en doute des apparitions pour 100% d'entre eux, jusqu'au moment de la rédaction des évangiles, 40 ans après la mort de Jésus! En cas d'hallucinations, c'est hautement improbable.
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Ainsi les efforts incessants pour réfuter la résurrection corporelle réelle de Jésus comme clef des évènements de Pâques, ne résistent pas vraiment à l'examen. Et les chrétiens peuvent continuer d'affirmer leur foi sans être démentis par la réalité de l'histoire: « Réellement, le Seigneur est ressuscité » (18).
Paul Hemes
Notes
1 Ecrivant 20 ans environ après la mort de Jésus, Paul dit cette conviction commune: « Nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité » (1Th 4,14).
2 Cours de théologie suivi avec lui en 1986 à la Faculté de Lausanne.
3 Peut-être une question s'impose déjà à ce stade pour vous lecteurs: la résurrection de Jésus est-elle au cœur de votre foi?
4 Pour une analyse détaillée de la date de la crucifixion, voir l'article que j'ai publié dans Hokhma en juin 2012, disponible sur mon site: paulhemes.com.
5 1 Corinthiens 15,14.17.
6 Il a écrit un livre à ce sujet: Der grosse Betrug. Und was Jesus wirklich sagte ou tat, Lüneburg, Dietrich zu Klampen Verlag, 1998.
7 2 Pierre 1,16.
8 J'espère écrire bientôt un livre qui inclut le sens et la portée de la résurrection de Jésus.
9 Voir le récit dans Jean 11.
10 Comme le dit Marthe: « Je sais qu'il (Lazare, son frère) ressuscitera à la résurrection au dernier jour » (Jn 11,24).
11 En particulier pharisienne.
12 Tout en les interprétant sans recourir à la résurrection puisqu'il est athée.
13 Des quatre faits, celui-là est le plus contesté. Dans une recension récente de 10 ans de travaux académiques de tout bord, 75% des érudits acceptaient le tombeau vide comme un fait historique.
14 Jean 20,2.
15 Ecrit environ 25 ans après la crucifixion. Mais il exprime une foi bien plus ancienne.
16 1 Corinthiens 15,3-8.
17 Il faut se souvenir que l'on parle de perceptions sans objet réel.
18 Luc 24,34.