Nous sommes dans un transport public et une personne se met à rire… toute seule ! Nous devinons qu’elle porte des écouteurs, donc qu’elle est en contact avec quelqu’un d’autre. Ou alors, elle regarde peut-être un film comique.
Ce scénario est fréquent. Dans une telle situation, qui de nous ne s’est jamais fait la réflexion : « Elle pourrait être un peu plus discrète ! » Bien sûr, il existe des cultures où l’on est plus démonstratif que chez nous. Mais finalement ce qui pourrait nous déranger, au-delà de l’excès de bruit, ce serait le côté audible, visible et publique d’une émotion.
Les émotions, une boule de laine à plusieurs tirants
Dans bien des cultures, les émotions étaient, et sont, généralement attribuées davantage aux femmes qu’aux hommes, faisant régulièrement dire à ceux-ci : « Ma femme est très (trop) émotionnelle ». Du côté féminin, on pourrait sans doute trouver le sentiment inverse, à savoir « que mon homme ne comprend (décidément) pas grand-chose… » Aujourd’hui, on reconnaît bien que ce genre de classification rapide et sexiste doit être sérieusement nuancé.
Par ailleurs, de nombreuses classifications ont été proposées pour décrire les émotions, comme la distinction entre les quatre émotions de base (tristesse, colère, peur et joie) et les émotions secondaires (déception, honte, culpabilité, jalousie, etc). Mais, au-delà de la tentative de mettre de l’ordre dans cette boule émotionnelle, les travaux de recherche en neurosciences ont mis à jour une compréhension différente de la question émotionnelle, qui a abouti à ce que l’on nomme « l’intelligence émotionnelle ».
Les émotions, un vrai système intelligent
Depuis une trentaine d’années, des chercheurs se sont penchés sur ce que l’on rangeait indifféremment dans le chapitre des émotions, en déterminant qu’elles représentent en réalité une authentique intelligence, avec une logique interne, une cohésion, une base construite et des objectifs.
C’est en examinant la question des intelligences multiples qu’Howard Gardner, un psychologue cognitiviste et professeur de neurologie, a présenté en 1996 une théorie valorisant, entre autres, l’existence de l’intelligence émotionnelle. Il a été suivi par plusieurs chercheurs, dont Daniel Goleman, psychologue à l’Université de Harvard. Celui-ci a développé cette théorie dans son ouvrage, paru en 1997, intitulé « L’intelligence émotionnelle, comment transformer ses émotions en intelligence ».
Dès cette période, on voit fleurir une nouvelle approche dans laquelle les émotions ne constituent plus une sorte de vécu primaire, dénigré par ceux qui n’accordent de l’importance qu’à l’intelligence cognitive. Au contraire, l’intelligence émotionnelle prend un essor et est aujourd’hui reconnue comme nécessaire, notamment pour le développement professionnel. Elle permet, par exemple, de comprendre et accueillir ses émotions sans se laisser submerger par elles, de comprendre les émotions des autres afin d’entretenir de meilleures relations, ou encore de savoir exprimer son ressenti, réguler ses émotions et celles des autres.
Quelle incidence pour le couple ?
Pour ceux qui peinent parfois à se comprendre, se présente alors une possibilité : choisir un chemin où la rencontre sera facilitée en donnant une place à l’intelligence émotionnelle, un domaine important des relations. C’est un peu comme si l’on avait trouvé un raccord entre un port USB et un port HDMI : l’intelligence émotionnelle constituant ce pont nécessaire pour ne pas tout rationnaliser, ni stigmatiser l’autre pour ses « réactions émotives ».
Dans ce sens, le couple peut être le premier bénéficiaire de cette nouvelle approche, justement parce qu’il s’est parfois enfermé dans des cases décrites comme incompatibles. Quand le couple comprend qu’il n’est pas dans un bras de fer entre celui qui serait plus émotionnel et l’autre plus rationnel, alors il peut trouver un terrain d’entente formidable et une capacité à construire sur le long terme. Mais comment découvrir ce terrain commun ?
Valoriser l’intelligence émotionnelle des deux membres du couple
Pour favoriser une communication profonde et une compréhension mutuelle au sein d’un couple, voici plusieurs clés dans l’utilisation de cette intelligence émotionnelle.
(1) Pratiquer l’écoute active. Cela signifie prêter une attention sincère à ce que l’autre exprime, non seulement avec des mots, mais aussi par le langage corporel, les expressions faciales et le ton de la voix. Une écoute attentive favorise un sentiment de respect et montre à votre partenaire que ses émotions sont prises en compte.
(2) Travailler sur la gestion de ses propres émotions est une étape cruciale. Cela implique d’apprendre à identifier ce que l’on ressent, d’en comprendre les causes et de les exprimer de manière non accusatrice. L’utilisation de phrases commençant par « Je me sens... », au lieu de « Tu fais... », peut désamorcer les conflits et encourager des discussions constructives.
(3) Développer l’empathie est également au cœur de l’intelligence émotionnelle. Chercher à comprendre les émotions de l’autre, même si elles diffèrent des vôtres, aide à renforcer le lien émotionnel. Cela peut être aussi simple que de poser des questions telles que : « Comment te sens-tu par rapport à cela ? » ou « Que puis-je faire pour te soutenir ? ».
(4) Cultiver la patience et la bienveillance, surtout dans les moments de désaccord ou de tension. Reconnaître que chacun évolue à son propre rythme, et que personne n’est parfait, est essentiel pour maintenir une relation saine et équilibrée. En intégrant ces pratiques au quotidien, un couple peut non seulement renforcer son intelligence émotionnelle, mais aussi construire une relation basée sur la confiance, l’amour et la compréhension mutuelle.
(5) Valoriser l’intelligence émotionnelle pour sortir d’un conflit. Il s’agit non seulement d’identifier ses propres émotions, mais aussi de donner une large part aux émotions de l’autre, sans s’enfermer mutuellement dans des débats d’arguments contradictoires. Ainsi on peut offrir à l’autre une plage pour exprimer son trop plein d’émotions. Pas toujours simple, mais très bénéfique si le couple se donne les codes pour le faire.
La part de Dieu dans l’intelligence émotionnelle
Il y a dans la foi en Dieu un aspect émotionnel indiscutable. Par conséquent, partager des ressentis dans ce domaine permet de sortir de l’aspect formel de la spiritualité. On peut aborder ensemble la question du vécu avec Dieu, même si le couple traverse des moments difficiles. Dans une approche biblique, personne ne nie le fait que Dieu a donné de l’intelligence cognitive à l’humain, pour qu’il puisse développer une maîtrise de la création et de l’ingéniosité dans sa survie. Alors comment pourrions-nous discerner la main de Dieu en ce qui concerne l’intelligence émotionnelle, en particulier celle du couple, pour que la vie se décline en couleurs plutôt qu’en noir-blanc ? Il est possible d’explorer deux pistes.
(1) Un bon nombre de rituels constituent la vie du couple : travail, alimentation, sommeil, etc. Mais serait-il possible que les conjoints continuent à se laisser surprendre par des choses inhabituelles chez l’un ou l’autre, à s’étonner du vécu émotionnel de l’autre et finalement à s’y intéresser ? Dieu a précisément créé le couple en prévoyant suffisamment de différences pour que celui-ci puisse être attractif.
(2) Dieu est merveilleux et il a mis en place une nature qui peut dévoiler bien des merveilles. Dans le couple, a-t-on encore la capacité de s’émerveiller, ce qui va entraîner nécessairement un sentiment de reconnaissance mutuelle ? Au lieu de s’irriter des différences, on pourrait recommencer à valoriser la complémentarité. L’intelligence émotionnelle a encore des beaux jours devant elle…