Sur les 360 millions de personnes qui habitent le Moyen-Orient, seuls 5% environ sont des chrétiens. Ceux-ci émigrent actuellement massivement suivant les pays. Ou s’interrogent de plus en plus sur leur place dans leur société et leur avenir possible. A l’index : les discriminations, les menaces, voire les persécutions dont ils sont actuellement de plus en plus l’objet.
L’attaque d’une église irakienne, le dimanche 31 octobre, a placé sous les projecteurs la difficulté des communautés chrétiennes de vivre leur quotidien au sein d’une majorité musulmane. Une centaine de fidèles qui assistaient à un service religieux a été prise en otage... et l’opération s’est soldée par la mort de plus de 50 personnes. Un groupe de la mouvance d’Al-Qaïda a revendiqué cette action.
Emigration chrétienneLe jésuite Pierre de Charentenay s’est rendu sur place il y a un an et demi et a écrit de nombreux articles sur le sujet. Rédacteur en chef de la revue française Etudes, il estime qu’il y a aujourd’hui un problème de fond en ce qui concerne la capacité de l’islam à vivre la diversité religieuse dans tous les pays musulmans où le régime est islamique. Interrogé début novembre dans l’émission Hautes Fréquences de la Radio suisse romande, il y a déclaré clairement qu’il y a une volonté sur le long terme d’éradiquer la présence chrétienne au Moyen-Orient. « Mais cette volonté n’est pas explicite, sauf de la part de groupes extrémistes. »
Depuis le début du conflit irakien, un nombre considérable de chrétiens a quitté le pays. On estime en effet que leur nombre est passé de 800'000 à 400'000 en à peine 5 ans. Mais leurs effectifs sont en baisse dans plusieurs autres pays du monde arabo-musulman. Historiquement, on sait que des territoires entiers peuvent se vider d’une présence chrétienne : en un siècle, la Turquie est par exemple passée de 25% à 0,13% de chrétiens… Pourquoi ? Deux éléments sont avancés : il y a d’abord cette analyse qui montre que la population musulmane fait encore l’amalgame entre Occidentaux, chrétiens et croisés. Et puis le « vivre ensemble » se détériore en cas de crise économique.
Amalgames malheureuxEn ce qui concerne l’Irak, les chrétiens font en outre les frais de l’amalgame entre les Américains qui ont occupé le pays et le christianisme. « L’amalgame est réel et très utilisé par la propagande chiite », a indiqué Pierre de Charentenay. « Le processus qui se déroule devant nos yeux en Irak est d’autant plus grave qu’il est l’archétype d’un fonctionnement qui se produit de manière larvée dans d’autres pays, comme la Turquie, l’Algérie, la Syrie ou l’Indonésie, a-t-il par ailleurs écrit dans un article paru dans le journal La Croix.» Dans ces pays, les chrétiens font l’objet d’une discrimination systématique et d’une élimination organisée. Il est temps que l’opinion publique prenne conscience de ces événements dont nos frères chrétiens sont les victimes. Le droit de cette minorité religieuse est systématiquement bafoué. Il ne s’agit pas de faire du communautarisme primaire, il s’agit de défendre le droit des chrétiens comme celui d’une minorité gravement en danger dans de nombreux pays du monde. »
Les chrétiens sur leur réserveL’année 2010 a vu plusieurs chrétiens être chassés de leur pays ou du pays dans lequel ils travaillaient, comme au Maroc. L’évêque français de Rabat a récemment indiqué que les chrétiens étaient considérés comme des étrangers et non comme des citoyens dans ce pays. Plus à l’est de la mappemonde, en Afghanistan, huit médecins de l’ONG chrétienne International Assistance Mission (IAM) ont été tués en août dernier par des Talibans armés dans le Badakhshan, une province du nord-est du pays. Créée en 1966, l’ONG qui se dit non prosélyte est basée à Genève.
Suite aux récents événements de Bagdad, les chrétiens du Moyen-Orient sont sur leur réserve. « On ne sait pas vers quoi nous allons », a commenté récemment dans la presse un membre égyptien de la communauté copte. Non sans avoir précisé au préalable que les chrétiens et les musulmans ont vécu ensemble pendant des siècles sans aucun problème; et que le commun des mortels dans la rue n’avait a priori pas de haine contre les chrétiens.
Gabrielle DesarzensSources : http://www.la-croix.com/dossiers2www.letemps.chwww.religion-rsr.chSpektrum nr 33, août 2010-11-10