Dans la foulée de la révolution égyptienne, les chrétiens égyptiens souhaitent manifester leur existence en tant que minorité. Ils veulent des droits égaux pour tous, musulmans et chrétiens, appelant de leurs vœux ce qu'on appelle : démocratie. Ils ne sont pas les seuls : Liberté et démocratie ont été les deux slogans des révolutions du printemps arabe. Après des années de dictature, les peuples tunisien, libyen ou égyptien ont tous aspiré à l'autodétermination, à une parole libre et à une égalité de traitement. Et ce mot, démocratie, implique naturellement une liberté de croyance. Si la démocratie signifie que la souveraineté d'un Etat appartient à tous les citoyens, elle garantit le respect des différentes composantes de sa société... dont les religions de tous ses membres.
Or, depuis la révolution égyptienne de janvier et février 2011, on constate une recrudescence d'attaques contre la minorité chrétienne du pays. Pourquoi ?
Islamisation, charia, Etat islamique...
Il faut revenir aux discriminations antérieures : l'islamisation de l'Egypte s'est renforcée dès les années 1970 lorsque Sadate est devenu président. Il a alors libéré des milliers de Frères musulmans emprisonnés précédemment sous Nasser, qui se sont par la suite très bien organisés. Ces Frères musulmans sont d'ailleurs devenus une force incontournable, en multipliant notamment des actions sociales qui les ont rendus très populaires.
En 1981, Sadate a fait passer un nouvel article dans la Constitution égyptienne qui dit que la loi de la charia, la loi islamique, est la source principale de la Constitution.
Sous l'ère Moubarak, le parti des Frères musulmans a été interdit et plusieurs de ses membres emprisonnés, dont l'actuel président Morsi. Aujourd'hui au pouvoir, les Frères musulmans entendent appliquer la charia en Egypte. Pour l'écrivain et spécialiste des chrétiens du Moyen-Orient Christine Chaillot, on est arrivé à un moment dans l'histoire où beaucoup de musulmans recherchent leur identité religieuse. En Egypte, cela aboutit à l'idée d'un Etat islamique, puisque religion et gouvernement ne sont pas séparés dans l'islam, a-t-elle dit dans un article publié par Afrik.com . « Les questions principales qui se posent sont donc : comment faire admettre aux musulmans très religieux l'existence de minorités ainsi que les droits de celles-ci ? Et comment maintenir possible le dialogue entre des gens qui ont des idées très différentes ? »
Un combat entre liberté et dictature
Le combat qui se livre aujourd'hui n'est pas entre chrétiens et musulmans, mais entre liberté et dictature, m'a confié un intellectuel copte du Caire. Les musulmans radicaux exercent une nouvelle dictature en discriminant une partie de la population. La répression et la torture – voire l'assassinat – de musulmans qui se convertissent au christianisme en témoignent douloureusement. J'ai été assise à côté d'un tel homme qui a parlé de sa vie en arabe. Ses mots m'ont été traduits rapidement par un interprète tétanisé par l'émotion, comme les autres personnes présentes. J'ai pris quelques notes et les relis en boucle : « J'ai changé de religion et adopté le christianisme... cinq ans de prison... tortures répétées... un fils mort sous mes yeux, torturé à l'électricité... sans nouvelles de ma femme et de mes trois plus jeunes enfants depuis 11 ans... » Ce genre de témoignages pourrait anéantir tout espoir de démocratie...
Gabrielle Desarzens, de retour d'Egypte