Christian Bibollet et Saïd Oujibou, deux personnalités évangéliques francophones, réagissent au « printemps arabe »

vendredi 11 mars 2011 icon-comments 2
Le printemps arabe surprend ! Le Réseau évangélique, StopPauvreté.2015 et lafree.ch ont demandé à deux spécialistes évangéliques du monde arabe de réagir à ce qui se passe sous nos yeux. Christian Bibollet, de l’Institut pour les questions relatives à l’islam, et Saïd Oujibou, pasteur et comédien d’origine marocaine, ont accepté de relever le défi d’une prise de position à chaud. Stimulant ! L’occasion aussi pour vous de réagir sur ce blog !

Parfum de jasmin sur la place Tahrir par Christian Bibollet

« Ce qui arrive dans les pays arabes est un véritable miracle » ! Qu’Alain Finkielkraut, philosophe athée, s’exprime ainsi à propos du « printemps arabe », dit bien le caractère totalement imprévisible et stupéfiant des évènements qui ont secoué la Tunisie puis l’ensemble du Maghreb et du Moyen-Orient. Ce « prodige », relayé et magnifié par les médias, terrifie aujourd’hui d’autres chefs d’Etats arabes et préoccupe très sérieusement des pays proches comme l’Iran ou beaucoup plus éloignés comme la Russie et la Chine. En Europe, les images qui nous sont venues de téléphones portables, puis d’Al-Jazira, nous ont fait vivre en temps réel l’euphorie de ces révolutions. Mais qu’avons-nous vu ? Avons-nous réellement saisi les enjeux de ces bouleversements ou avons-nous simplement projeté sur ces peuples notre inconscient « désir d’Occident » pour eux ? Vers une société juste ? Une chose est certaine ! Tunisie et Egypte ont tourné une nouvelle page de leur histoire. L’alternative  «régime autoritaire corrompu »-« régime islamique corrompu » ne semble plus d’actualité. La nouvelle génération se met à croire possible une société juste, où chacun serait libre de faire ses choix de vie en rompant avec les pesanteurs de la tradition religieuse et les interdits de la police d’Etat. Et nous nous mettons nous-mêmes à rêver, en écho à ces aspirations. Ne serait-il pas temps pour ces pays de revoir leurs constitutions pour qu’elles instaurent la séparation du politique et du religieux, qu’elles garantissent la liberté religieuse et accordent les mêmes droits aux musulmans et aux chrétiens ? Ces bouleversements n’offrent-ils pas à la jeunesse éduquée de ces pays la possibilité de devenir les artisans de leur propre avenir ? Bien plus, la chute des hommes forts de ces régimes n’a-t-elle pas fait du même coup tomber les masques derrière lesquels se dissimulaient les tortuosités politiques des gouvernements étrangers, dont le nôtre ? Tous composaient parfaitement avec ces « hommes providentiels », convaincus que leurs peuples ne pouvaient osciller qu’entre dictature religieuse et despotisme étatique. Mais aujourd’hui, rien ne va plus. La jeunesse qui s’est levée, après avoir fait rouler dans la poussière ces symboles politiques caducs, se sent capables de tout. Son énergie, comprimée par des décennies de soumission à divers régimes autocratiques, se détend et s’exprime sous nos yeux dans des élans qui chantent que « tout est désormais possible » ! Plus à offrir qu’un « désir d’Occident » ? C’est ici que nous devons nous demander si nous n’avons pas plus important à offrir à ces peuples que des encouragements à satisfaire leur « désir d’Occident », désir dont nous sommes, à leurs yeux, l’image même ? Démocratie, liberté religieuse et état de droit, oui ! Tout cela peut être excellent ! Bonne gouvernance, éducation pour tous et redistribution des richesses, trois fois oui ! Mais les fondements spirituels et éthiques sur lesquels devra prendre appui la nécessaire restructuration de ces sociétés sont-ils là ? Dans le plan rédempteur de Dieu pour les nations, quel sens ont les évènements du monde arabe ? Comment tout cela va-t-il contribuer à réaliser les promesses divines faites à l’Egypte ? Il est encore difficile de le dire. Mais une évidence s’impose : Dieu est à l’œuvre pour la libération de ces peuples. A nous de l’écouter pour comprendre comment le rejoindre dans son action. Christian Bibollet / 9 mars 2011 Institut pour les questions relatives à l’islam

La révolte arabe : un vent de liberté qui doit toucher le religieux ! par Saïd Oujibou

Un vent souffle sur les pays arabes qui, à des degrés divers, connaissent une remise en cause de leur mode de gouvernance. Le monde arabe entre inexorablement dans l’ère de la modernité et nous donne à voir aujourd’hui les symptômes de sa crise de transition. C’est la surprise ! Personne ne s’y attendait ! Aucun charlatan, aucun « faux prophète » n’avait prédit cette nouvelle ! Cette surprise doit nous interroger ou nous interpeller, que l’on soit analyste géopolitique, spécialiste du monde arabe ou peu au fait de ces questions. Un besoin extraordinaire de liberté Cette révolte actuelle concerne des dictatures, des oppressions, des abus de pouvoir... Son objectif est la liberté. Ce n’est ni la misère ni la pauvreté qui suscitent des mouvements de cette ampleur et des révolutions. C’est bien le besoin de liberté. Les peuples arabes nous le rappellent avec vigueur. Devons-nous les soutenir dans leurs efforts ? Derrière toute réponse à cette interrogation se pose une autre question : par quoi, par quel régime ces dictatures vont-elles être remplacées ? Une crainte se profile à l’horizon : celle des mouvements intégristes qui tirent à leur avantage la révolte des populations. Le peuple se sacrifie ; pourtant, au final, les islamistes ramassent la mise. L’occasion d’une vraie réciprocité Notre responsabilité en Occident est immense. Nous avons la liberté… oui, la liberté de soutenir les minorités chrétiennes au Moyen-Orient comme en Afrique du Nord. En fait nous devons soutenir l’instauration d’une vraie démocratie, sans double discours, sans hypocrisie... une démocratie où se réalisera enfin la réciprocité. Les musulmans en Occident désirent vivre leur religion dignement : c’est juste. Et nous nous engageons pour cela ! Mais nous réclamons des Eglises libres et la liberté dans l’exercice du culte en terre d’Islam. Cette réciprocité concerne toutes les nations, même l’Arabie saoudite. La loi sur l’apostasie – cette loi qui condamne un musulman qui change de religion à subir de lourds préjudices – doit être abolie dans les pays gouvernés par une loi islamique. Une prise de conscience et une position pratique claire doit amener la Ligue islamique mondiale à s’opposer à toute loi qui condamne le changement de religion. Tous les ressortissants du monde musulman doivent être au bénéfice d’une reconnaissance de leur dignité, qu’ils soient musulmans ou non. Un effet boomerang ! A long terme, le respect des peuples et de leur dignité demeure le seul moyen de sécuriser notre avenir en Occident. Dans la mesure où nos voisins du Sud et du Moyen-Orient ont accès à ce bien précieux : la liberté, alors les déséquilibres internationaux s’endigueront d’eux-mêmes. L’insécurité sur notre territoire et la pérennité du respect des libertés fondamentales en Europe et en Occident sont intimement liées au destin des minorités chrétiennes des pays de persécutions. Nous ne pouvons nous permettre de fermer les yeux. Le respect des convictions et la dignité des peuples « là-bas » assureront à nos Etats « ici » une liberté politique, économique, sociale et religieuse pour laquelle des martyrs ont donné leur vie. Saïd OUJIBOU 2 Mars 2011

2 réactions

  • Henri Golan lundi, 18 avril 2011 20:24

    Le chrétien se joint au citoyen Français pour se réjouir de ce que le levain soit dans la pâte! La religion, en France surtout a eu son moyen âge, quand elle prenait les opposants, Templiers, Vaudois ou Albigeois, et les transformaient en "merguez" sans jugement. Nous n'avons donc de leçons à donner à personne. Nous devons surtout prier pour que leur vision s'élargisse. Personnellement je ne souhaite pas que nos petites filles soient contraintes au port de la "burka"
    Henri Golan, parce que c'est réjouissant!

  • Henri Golan lundi, 18 avril 2011 20:32

    Ancien soldat des guerres perdues, j'ai eu jadis l'occasion de dénoncer la torture pratiquée par des soldats ou officiers dont les agissements étaient dignes des nazis!
    C'est la raison pour laquelle je n'ai pas crainte de mettre mon nom!

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