La liberté religieuse sérieusement malmenée en Algérie

mercredi 02 avril 2008
Les autorités algériennes mettent de plus en plus d’entraves à la liberté des chrétiens de ce pays. Les catholiques ont été les premiers touchés. Les protestants évangéliques suivent. Des personnes ont été condamnées à de la prison pour des motifs « bidon » et des Eglises fermées. Immersion dans une situation tendue et douloureuse avec un organisateur de voyages qui vient de rentrer d’Algérie.

« Au vu des derniers événements, j’ai ressenti un profond désarroi chez les chrétiens algériens ! » Yann dirige le département berbère-kabyle de TWR, une maison de production qui diffuse par Radio Monte Carlo des émissions chrétiennes dans de nombreuses régions du monde, et notamment dans le Maghreb.
Durant la période de Pâques, Yann a emmené un groupe de touristes suisses et français en Algérie, comme il le fait régulièrement avec une agence de voyage officielle. Il en est revenu très préoccupé par la situation des chrétiens sur place. « Le gouvernement a fermé une vingtaine d’Eglises, explique-t-il, dont 12 sont membres de l’Eglise protestante d’Algérie (EPA). Malgré ces fermetures, certaines de ces communautés continuent de se rencontrer le vendredi dans leur lieu de culte ». C’est notamment ce qui se passe dans l’Eglise de la Nouvelle Ville de Tizi Ouzou, qui, avec ses 300 à 600 personnes au culte, constitue la plus grande Eglise locale du Maghreb. « Les chrétiens kabyles ont l’impression d’avoir constamment une épée de Damoclès sur la tête, constate Yann. On ressent toutefois chez beaucoup un désir très fort de persévérer et de ne pas lâcher leurs convictions. Certains sont même prêts à faire face à des difficultés plus grandes encore ! »

2006 : une ordonnance liberticide
La situation des chrétiens en Algérie a commencé à changer en 2006 quand le gouvernement à promulgué le 1er mars une ordonnance fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman. Cette ordonnance contient notamment un article qui prévoit « une peine d’emprisonnement de 2 à 5 ans et 500'000 à 1 million de dinars (8'000 à 16'000 fr.) d’amende pour toute personne qui fabrique, entrepose ou distribue des documents imprimés ou audio-visuels qui visent à ébranler la foi d’un musulman ».
Cette ordonnance n’est pas entrée en vigueur de manière visible avant le début 2008. Fin janvier, un prêtre catholique du diocèse d’Oran, Pierre Wallez, est condamné à un an de prison avec sursis. La justice algérienne lui reproche d’avoir prié lors des fêtes de Noël avec des clandestins camerounais en dehors d’un lieu de culte officiel. Un médecin algérien qui l’accompagne, est condamné à deux ans ferme pour avoir distribué des médicaments à ces Camerounais.

Une polémique autour du « prosélytisme évangélique », des condamnations et des « fermetures » d’Eglise
En fait la pression s’est accentuée sur les chrétiens évangéliques suite aux déclarations d’Abderrahmane Chibane, le président de l’association des oulémas (docteur de la loi islamique) d’Algérie. Ce religieux a demandé à l’état algérien de « faire face à l’activité de l’Eglise protestante qui sévit en Kabylie ». Il a accusé les responsables protestants d’accorder des primes de 5000 € à toute personne qui parvient à convertir un musulman au christianisme (« Liberté », le 7 janvier).
Peu après le mouvement islamiste « Ennahda », représenté au parlement algérien, a accusé le ministère des affaires religieuses de se montrer « incapable devant la montée évangéliste (sic !) en Algérie ». Le thème du « prosélytisme » évangélique est devenu dans les médias algériens un thème très couru. Par médias interposés, les défenseurs d’une Algérie très marquée par l’islam affrontent les représentants d’une Algérie plus laïque, bien plus respectueuse des libertés individuelles en matière de conscience et de religion.
Fin janvier, trois responsables évangéliques ont été arrêtés à Oran. L’un d’eux a été libéré rapidement et les deux autres ont été condamnés à 3 ans de prison ferme par défaut et à 500'000 dinars d’amende. Ils sont accusés d’atteinte à la religion et à la personne du prophète. Deux directeurs d’école et un enseignant ont été radiés de l’éducation nationale pour des raisons qui ont également trait à leurs convictions chrétiennes.
Mi-mars, les autorités préfectorales de Kabylie ont suspendu deux Eglises protestantes de Tizi Ouzou jusqu’à ce qu’elles obtiennent un « certificat de conformité » pour l’exercice de leur culte. Aujourd’hui, une vingtaine d’Eglises ou de lieux de culte connaissent le même sort. Certains ont fermés. D’autres bravent la décision des autorités et continuent à se rencontrer dans leurs locaux comme par le passé.

Touristes... et escortés par la police
Non seulement, selon Yann, la situation des chrétiens se détériore en Algérie, mais la qualité du tourisme sur place est devenue médiocre. « Tout au long de notre périple, nous avons été suivis par des policiers. Et loin d’être discrets, ajoute-t-il, ils nous collaient constamment à deux ou trois mètres. C’était très désagréable ! »
Le 22 mars, le groupe de Yann se trouvait dans la région de Tizi-Ouzou en Kabylie. Le voyage se déroulait normalement, selon les consignes d’une agence de voyage officielle. « Nous nous sommes trouvés à un poste de contrôle le même jour qu’un groupe qui s’était vu interdire l’entrée à Tizi Ouzou. Depuis ce moment-là, nous avons constamment été escortés par la police, sous prétexte qu’il fallait nous protéger des terroristes. Je conduis régulièrement des voyages dans le Maghreb et c’est la première fois qu’on me sert une telle excuse ! » lâche Yann.
Cette escorte policière a même visité avec ce groupe de Suisses et de Français le site romain de Djemila, l’antique Cuicul : 40 hectares de ruines datant du IVe siècle et témoignant d’une présence chrétienne importante. « J’ai tout fait, raconte Yann, malicieux, pour emmener ces policiers dans un endroit exceptionnel où l’on peut voir un baptistère, avec des sièges sculptés dans la pierre et de nombreux signes chrétiens comme le poisson ou les lettres grecques alpha et oméga ». Il a fallu aller chercher auprès du responsable du site la clé d’un cadenas pour ouvrir l’enceinte de cet endroit unique. 7 policiers avec leur fusil en bandoulière ont alors suivi le groupe et ont pu entendre, grâce à une traduction en arabe, le pourquoi d’un baptistère et le sens que le baptême avait autrefois et peut encore avoir aujourd’hui. « Les policiers ont même posé des questions sur l’identité de Jésus-Christ, ajoute-t-il. Ils n’avaient manifestement aucune connaissance de ce qu’est la foi chrétienne. »

Ils n’entrent pas dans l’église protestante de Constantine !
Il y a un endroit dans lequel l’escorte policière n’est pas entrée, c’est dans l’église protestante de Constantine. « A un moment de notre voyage, relève Yann, nous ne supportions plus cette présence policière. Nous n’avions plus l’impression d’être des touristes, mais des prisonniers constamment surveillés par leurs gardiens. » Yann décide alors de téléphoner à un de ses amis pasteurs dans l’Eglise protestante de Constantine. Il lui demande si une visite de son groupe le gênerait. Le pasteur acquiesce, tout en relevant qu’un grand nombre de groupes européens visitent habituellement son église. « Les policiers nous ont attendus dehors et enfin nous avons eu la paix ! explique Yann. Il nous a fallu prendre du temps pour que notre manière de voir ces policiers change et que nous puissions les appréhender différemment ! »
Même si les conditions de ce voyage ont été particulièrement difficiles, Yann n’envisage pas d’arrêter d’emmener des touristes sur place. « C’est vrai que c’est beaucoup de travail de préparation, relève-t-il, pour un résultat nettement moins bon cette année. Cette présence policière a nuit au climat de vacances qui devrait prévaloir dans le cadre d’un tel périple. Il n’empêche ! C’est toujours important dans ce contexte difficile de rencontrer quelques chrétiens et de pouvoir les encourager par notre simple présence ! »

Serge Carrel

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