La croix de Jésus, parole de Dieu pour nous

jeudi 26 mars 2009
La mort de Jésus à la croix, c’est le coeur de la foi chrétienne. Derrière cet événement que nous rappellerons dans deux semaines, le regard de la foi discerne Dieu qui se donne lui-même pour le salut de l’humanité. Cette mort est aussi parole qui révèle non seulement ce que Dieu fait, mais aussi le visage même de Dieu. A méditer !

Le Nouveau Testament offre plusieurs manières de lire la mort et la résurrection de Jésus. En milieu évangélique, on est souvent sensible au fait que Jésus est mort pour nous afin de pardonner nos péchés. C’est juste, c’est foncièrement biblique (1 Th 5,10, 2 Co 5,21, Ep 5,2...) ! Mais dans le même temps, se contenter de cette perspective ne rend pas compte de la richesse du donné biblique.
Dans son livre « La Croix du Christ », le théologien évangélique anglais John Stott parle de la croix de Jésus comme d’une action et d’une parole (1). D’un côté, la croix opère ou accomplit quelque chose en Dieu et dans le monde, et de l’autre elle révèle quelque chose sur Dieu, sur l’être humain et sur le monde. Voici 3 paroles que Dieu  nous adresse au travers de la croix de Jésus et qui nous révèlent son visage.

La croix révèle un Dieu qui aime
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils pour le salut de quiconque croit... » Ce verset tiré de l’évangile de Jean (3,16) et intégré au plus profond de notre mémoire collective, inscrit la mort de Jésus dans un processus où Dieu témoigne de son amour à l’humanité. La venue de Jésus dans le monde, ses rencontres, ses guérisons et ses prodiges sont la manifestation de l’amour de Dieu pour tout être humain. On peut même dire que la mort de Jésus sur l’instrument de torture de la croix en est le sommet puisqu’ « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).
Paradoxalement, la mort de Jésus est ainsi une déclaration d’amour que Dieu nous adresse. Et l’auteur de la Première épître de Jean, très conscient de la profondeur d’une telle affirmation, va même plus loin. Il affirme non seulement que la croix est une parole d’amour de Dieu, mais que, comme la vie de Jésus d’ailleurs, elle révèle l’être profond de Dieu : « Il est amour » (1 Jn 4,8 et 16).
Avoir à l’esprit que la mort de Jésus témoigne de l’ampleur de l’amour de Dieu pour nous, que la croix est au coeur de l’histoire du monde un signe que Dieu pose, un signe de son amour (Ro 5,8), permet de nourrir et de fortifier notre relation à Dieu. Quelles que soient les circonstances tragiques que je peux traverser, Dieu a posé dans notre histoire une preuve tangible de son amour. Le mal crie de toute part et fait monter des pourquoi assourdissants, mais la croix est là ! Plantée au Golgotha. Elle murmure contre vents et marées : « Dieu t’aime ! »

La croix révèle un Dieu juste
Dieu parle aussi d’une autre manière au travers de Jésus crucifié. Il montre sa justice. Comme le dit l’épître de Paul aux Romains, Dieu a voulu montrer sa justice dans le temps présent au travers de la vie et de la mort de Jésus (Ro 3,26). Le péché de l’humanité ne pouvait passer par pertes et profits. Dieu devait montrer au coeur de l’histoire sa haine du péché. Il prend l’initiative de la démarche... Et là le vocabulaire utilisé par le Nouveau Testament prend différents chemins. Celui du langage des procès avec des mots comme châtiment substitutif ou jugement (Ro 8,3). Celui du langage des traités de paix avec le terme de réconciliation (2 Co 5, 18-21). Celui du langage sacrificiel propre au rituel du Temple avec des mots comme sacrifice ou expiation (Ro 3,25). Celui du marché d’esclave avec des mots comme rachat ou rançon (1 Co 6,20).
La diversité des représentations proposées à notre méditation nous impose de ne pas absolutiser une représentation au profit d’une autre. Une chose est sûre : toutes ces manières d’exprimer la croix soulignent que Dieu accomplit en Jésus-Christ une oeuvre extraordinaire. Au coeur de notre monde, cette oeuvre témoigne de sa justice. Dieu dit sa haine du mal et se donne lui-même pour notre salut. Ce faisant, il quitte la logique d’une justice purement rétributive pour inscrire au coeur du monde une justice faite de générosité, d’ardente bonté et de don de soi.

La croix révèle la gloire de Dieu
Petit rappel. Dans l’Ancien Testament, le croyant voit la gloire de Dieu dans la nature (Ps 19,2), dans des interventions de salut (Ex 33,18) ou dans le Temple, lorsque, selon Ezéchiel par exemple, cette gloire vient habiter ce lieu fait de main d’hommes et le quitte (Ez 10,4 et 11,23). L’évangéliste Jean reprend ce thème et en propose une lecture tout ce qu’il y a de plus audacieuse. Pour lui, la Parole incarnée manifeste cette gloire. Pour l’évangéliste, la venue de Jésus permet à l’humanité de voir la manifestation visible et active de Dieu au milieu des hommes (Jn 1,14). Et cela pas seulement dans le quotidien de la vie de Jésus, avec son enseignement, ses guérisons et ses miracles... mais aussi au travers de la mort même du Christ.
« Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils, pour que le Fils te glorifie... Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde soit » (Jn 17,1 et 5). Pour l’évangéliste, la croix n’est pas que le supplice le plus atroce de la panoplie tortionnaire des Romains. Paradoxalement, Jésus crucifié renferme une parole que Dieu adresse à l’humanité. L’authentique manifestation de sa gloire se donne à voir là sur cette croix. Pas besoin de se plonger dans les confins de l’univers ou de s’émerveiller devant l’infiniment petit. La gloire de Dieu resplendit à la croix. Le visage de Dieu y apparaît. Lui qui n’a pas peur de l’humiliation et qui connaît la faiblesse de l’intérieur. Derrière l’horreur que déploie le crucifié, le regard de la foi découvre la splendeur d’un Dieu qui n’anéantit pas l’homme à cause de ses péchés, mais qui lui tend la main pour le faire entrer en sa présence.
En foi chrétienne, la croix de Jésus est un passage obligé pour découvrir le visage de Dieu. Le mystère de Jésus crucifié est non seulement Parole qui dévoile un visage de Dieu aimant, juste et glorieux, mais ce Jésus pendu au bois de la croix est aussi puissance et sagesse pour ceux qui croient (1 Co 1,25).

Serge Carrel

Note
1 John Stott, La Croix de Jésus, Bâle, Brunnen Verlag, 1988, p. 197.

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