"Etre sel et lumière : 4 manières pour les chrétiens d’influencer le monde" par John Stott

jeudi 02 février 2012
Les défis d’une présence chrétienne dans la société sont nombreux. Le théologien évangélique anglais John Stott, décédé en 2011, nous rappelle quelques pistes. Stimulant !
Il y a beaucoup de pessimisme autour de nous aujourd’hui. Ce pessimisme saisit les gens et souvent les paralyse. « La société est pourrie jusqu’à la racine, lâchent même certains chrétiens. Tout est désespérant. Il n’y a plus d’espoir, sinon dans le fait que Jésus-Christ revient bientôt. »
 
Non au pessimisme évangélique !
Même si nombre d’événements de notre actualité nous poussent à jeter un regard pessimiste sur le monde et les gens qui nous entourent, il importe de se rappeler qu’autour de nous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu. Certes, ils sont marqués par la Chute, mais l’image de Dieu en eux n’est pas détruite. Sommes-nous incapables de faire le bien sous quelque forme que ce soit ? La doctrine de la « dépravité » totale, qui signifie que chaque partie de notre humanité est atteinte par le péché, n’affirme pas que nous sommes incapables de faire le bien. Jésus lui-même dit que, même si nous sommes mauvais, nous sommes capables de faire du bien et de donner de bonnes choses à nos enfants. Oui, nous affirmons la pertinence de la Chute et nous croyons que, lorsque le Christ reviendra, il rétablira toute chose. Mais si nous cherchons à développer une manière chrétienne de voir le monde, nous ne devons pas nous focaliser exclusivement sur la chute de l’être humain et sur le retour du Christ. Nous devons aussi intégrer dans notre manière de penser tant la Création que la Rédemption à travers Jésus-Christ. Il nous faut donc permettre à la Création d’être déterminée par la Chute, à la Chute d’être déterminée par la Rédemption, et à cette dernière par la perspective finale du Royaume de Dieu .
Si, à cause de notre pessimisme, nous nous pensons incapables de faire quoi que ce soit dans la société d’aujourd’hui, nous développons une attitude extrêmement déséquilibrée théologiquement, voire hérétique et dangereuse. C’est ridicule de dire que les chrétiens ne peuvent avoir d’influence dans la société. Bibliquement et historiquement, c’est même une erreur. La foi chrétienne a eu une influence énorme dans la société au cours de l’histoire. Si les chrétiens étaient pleinement engagés à la suite du Christ, nous aurions bien plus d’influence que nous n’en avons aujourd’hui.
 
Invités à être sel et lumière
Laissons donc de côté notre pessimisme ou notre optimisme aveugle, comme si l’utopie était au coin de la rue. Non ! les chrétiens sont des gens sobres au niveau de leur vision du monde et réalistes à partir de la Bible. Nous avons une vision équilibrée d’une doctrine de la Création qui est marquée par la Rédemption et la perspective finale du Royaume de Dieu. Nous ne sommes pas dépourvus de pouvoir, mais nous sommes, je le crains, souvent paresseux, peu perspicaces, en manque de foi et désobéissants par rapport à la mission que nous confie Jésus.
Les versets de l’évangile de Matthieu où Jésus affirme que nous sommes « sel de la terre » (5,13), « lumière du monde » (5,14) et que nous avons « à briller devant les gens afin qu’ils voient nos belles œuvres et glorifient le Père qui est dans les cieux », indiquent bien quelle est la responsabilité du chrétien dans une société non chrétienne ou post-chrétienne. Jésus souligne ici la différence entre chrétiens et non-chrétiens, entre l’Eglise et le monde ; il met aussi en avant l’influence que les chrétiens devraient avoir sur l’environnement non chrétien. La différence entre les deux réalités est claire. Le monde, relève Jésus, c’est comme de la viande qui se putréfie. Mais vous êtes le sel de ce monde. Le monde, c’est comme la nuit noire, mais vous avez à être la lumière du monde. Voilà la différence fondamentale entre les chrétiens et les non-chrétiens, entre l’Eglise et le monde.
 
Différents… et influents !
Jésus poursuit en passant de la différence à l’influence. Comme le sel répandu sur une viande qui se putréfie, les chrétiens ont pour mission d’empêcher le déclin social. Comme la lumière dans une nuit profonde, les chrétiens ont pour mission d’illuminer la société et de lui montrer un chemin meilleur. Il est très important de bien saisir ces deux étapes dans l’enseignement de Jésus. La plupart des chrétiens acceptent la distinction entre chrétiens et non-chrétiens, entre l’Eglise et le monde. La nouvelle société de Dieu, l’Eglise, est aussi différente de l’ancienne société que le sel de la viande qui se putréfie ou que la lumière de la nuit.
Malheureusement, trop de chrétiens s’arrêtent là, avec comme seule préoccupation : maintenir cette distinction. Le sel doit conserver sa salinité, affirment-ils. Il ne doit pas être contaminé. La lumière doit conserver sa clarté. Elle ne doit pas être atténuée par les ténèbres. C’est vrai ! Mais ce n’est là qu’une démarche de survie. Le sel et la lumière ne sont pas seulement différents de leur environnement. Ils doivent avoir une influence puissante sur lui. Le sel doit être répandu sur la viande pour éviter qu’elle pourrisse. La lumière doit luire dans la nuit. Elle doit être mise sur un trépied pour éclairer tout ce qui est autour. Une telle influence n’a rien à voir avec une tactique de survie !
 
Par la prière !
Quelle est la nature de cette influence ? Laissez-moi vous décrire quatre chemins que, nous chrétiens, nous pourrions emprunter pour influencer le monde.
Premièrement, il y a de la force dans la prière. Ne jetez pas le discrédit sur une telle affirmation parce qu’elle vous paraîtrait une pieuse platitude. Ce n’est pas le cas ! Certains sont tellement actifs en matière sociale qu’ils ne s’arrêtent jamais pour prier. A mon sens, ils se trompent ! Prier, c’est une partie indispensable de la vie chrétienne et de la vie d’Eglise. Le premier devoir de l’Eglise à l’endroit de la société et des gouvernants, c’est de prier pour eux. « J’encourage donc, en tout premier lieu, à faire des requêtes, des prières, des supplications et des actions de grâces pour tous les humains, pour les rois et pour tous ceux qui occupent une position d’autorité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et en toute dignité » (1Tm 2,1-2).
S’il y a plus de violence que de paix dans notre société, plus d’indécence que de sobriété, plus d’oppression que de justice, plus de mépris pour Dieu que de respect, serait-ce parce que l’Eglise ne prie pas comme elle devrait ? A mon sens, nous devrions aborder avec plus de sérieux les cinq ou dix minutes de nos cultes que nous consacrons à nous incliner devant Dieu pour lui apporter le monde et ses responsables, et pour lui demander avec ardeur d’intervenir. Il devrait en aller de même dans le cadre de nos rencontres de prière, de nos groupes de maison ou dans notre vie de prière personnelle. La plupart du temps, nous focalisons notre intercession sur notre vie locale et nous négligeons la prière globale. Ne sommes-nous pas aussi des chrétiens globaux ? Ne partageons-nous pas les préoccupations globales de notre Dieu global ?
 
Par la vérité !
Deuxièmement, il y a la force de la vérité. Nous croyons tous dans la puissance de la vérité de l’Evangile. Nous aimons dire : « Je n’ai pas honte de l’Evangile : c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1,16). Nous sommes convaincus de la puissance de l’Evangile dans l’évangélisation : il procure le salut et la rédemption à ceux qui répondent à son appel et qui croient en Jésus. Mais ce n’est pas seulement l’Evangile qui est puissant. Toute vérité de Dieu est puissante. Une vérité de Dieu de quelque nature qu’elle soit est beaucoup plus puissante qu’un mensonge du diable. Croyez-vous cela ou êtes-vous pessimistes ? Pensez-vous que le diable est plus fort que Dieu ? Pensez-vous que les mensonges sont plus forts que la vérité ? Le chrétien croit que la vérité est plus forte que le mensonge et que Dieu plus que le diable. L’apôtre Paul le dit bien dans sa deuxième lettre aux Corinthiens : « Car nous n’avons pas de puissance contre la vérité ; nous n’en avons que pour la vérité » (2Co 13,8). Jean aussi dans le prologue du quatrième évangile : « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres n’ont pas pu la saisir » (Jn 1,5). Bien sûr qu’elles n’y parviendront pas, parce que la lumière est la vérité de Dieu.
Alexandre Soljenitsyne, le célèbre dissident soviétique, croyait à la puissance de la vérité sur le mensonge. Au moment de recevoir le Prix Nobel de littérature, il déclara : « Une parole de vérité pèse bien plus que le monde entier. » Si quelqu’un devrait croire cela, ce sont les chrétiens. C’est vrai : la vérité est bien plus puissante que les bombes, les tanks et les armes.
Comment voir la puissance de la vérité en action ? En persuadant par la qualité de nos arguments. Tout comme nous avons besoin de chrétiens à même de justifier la pertinence de l’Evangile, de même nous avons besoin de personnes capables de justifier la pertinence de certains choix éthiques dans la vie en société.
 
Par l’exemple !
Notre troisième force en tant que chrétiens, c’est l’exemple. La vérité est puissante quand elle est justifiée intellectuellement. Elle l’est encore davantage, quand elle est vécue. Les gens ont non seulement besoin de comprendre des arguments, ils ont aussi besoin de voir les bénéfices des arguments de leurs propres yeux. Il est très difficile d’exagérer la force positive que peut exercer une famille chrétienne engagée dans un immeuble ou dans un lotissement de maisons. Tout le voisinage peut voir un homme et une femme qui s’aiment, qui se respectent mutuellement, et qui, fidèles l’un à l’autre, trouvent leur épanouissement dans leur vie à deux. Les voisins peuvent voir des enfants grandir dans la sécurité d’une maison où prévalent l’amour et la discipline. Ils voient aussi une famille qui n’est pas tournée sur elle-même, mais vers l’extérieur : qui accueille des étrangers, qui est ouverte aux autres, qui s’implique dans ce qui préoccupe les gens du voisinage… Que l’on soit une infirmière chrétienne dans un hôpital, un enseignant chrétien dans une école, un chrétien dans un magasin, dans une usine ou dans un bureau, nous avons la possibilité de faire une différence, en bien ou en mal.
Les chrétiens sont des gens « tatoués ». Le monde les regarde. Et la manière de Dieu de changer notre vieille société est de développer en elle sa nouvelle société, avec des valeurs différentes, de nouvelles normes, d’autres motifs de joie et d’autres buts. Notre espoir est que le monde autour de nous voie ces différences, les trouve attirantes pour qu’il « glorifie votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16).
 
Par la solidarité de groupe !
Quatrièmement, les chrétiens ont la force de la solidarité de groupe : la force d’une minorité consacrée. Selon le sociologue américain Robert Belair de l’Université de Princeton, « nous ne devrions pas sous-estimer l’importance d’un petit groupe qui véhicule la vision d’un monde juste et amical. La qualité de tout une culture peut changer parce que deux pour-cent d’une population affichent une vision nouvelle. »
Voilà comment Jésus a procédé. Il a commencé avec un petit groupe de seulement 12 personnes consacrées. Au bout de quelques années, les autorités romaines se sont mises à se plaindre du fait que ces chrétiens mettaient le monde sens dessus dessous. Nous avons grandement besoin aujourd’hui de groupes chrétiens engagés les uns à l’endroit des autres, engagés pour une vision de la justice et pour Christ. De tels groupes vont prier ensemble, réfléchir ensemble, concevoir des projets politiques ensemble et travailler ensemble au bien de la société.
Souhaitez-vous que la vie de votre pays plaise davantage à Dieu ? Avez-vous la vision d’une nouvelle sainteté, d’une nouvelle justice, d’une nouvelle liberté, d’une nouvelle équité, d’une nouvelle compassion ? Souhaitez-vous vous repentir du pessimisme de la sous-culture chrétienne ? Voulez-vous réaffirmer votre confiance dans la puissance de Dieu, dans la force de la prière, de la vérité, de l’exemple, de l’engagement de groupe… et de l’Evangile ? Offrez-vous à Dieu comme des instruments entre ses mains, comme sel et lumière dans notre société. L’Eglise peut avoir une influence énorme en faveur du bien dans tous les pays de la terre, pour autant qu’elle se consacre totalement à Jésus-Christ. Laissons-nous nous donner à lui, lui qui s’est donné lui-même pour nous !
John Stott
 
Note
1 Cet article est une adaptation libre d’une prédication de John Stott, publiée dans l’édition d’octobre dernier du magazine Christianity Today.
Publicité

Journal Vivre

Opinion

Opinion

Agenda

Événements suivants

myfreelife.ch

  • Pour les Terraz et les Félix, des choix porteurs de vie

    Ven 22 septembre 2023

    Abandonner la voiture et emménager dans une coopérative d’habitation ?... Deux couples de l’Eglise évangélique (FREE) de Meyrin ont fait ces choix qu’ils estiment porteurs de vie. « Le rythme plus lent du vélo a vraiment du sens pour moi », témoigne Thiéry Terraz, qui travaille pour l’antenne genevoise de Jeunesse en mission. « Je trouve dans le partage avec mes voisins ce que je veux vivre dans ma foi », lui fait écho Lorraine Félix, enseignante. Rencontres croisées. [Cet article a d'abord été publié dans Vivre (www.vivre.ch), le journal de la Fédération romande d'Eglises évangéliques.]

  • Vivian, une flamme d’espoir à Arusha

    Jeu 15 juin 2023

    Vivian symbolise l’espoir pour tous ceux que la vie malmène. Aujourd’hui, cette trentenaire tanzanienne collabore comme assistante de direction au siège de Compassion à Arusha, en Tanzanie. Mais son parcours de vie avait bien mal débuté… Nous avons rencontré Vivian au bureau suisse de l’ONG à Yverdon, lors de sa visite en mars dernier. Témoignage.

  • Une expérience tchadienne « qui ouvre les yeux »

    Ven 20 janvier 2023

    Elle a 19 ans, étudie la psychologie à l’Université de Lausanne, et vient de faire un mois de bénévolat auprès de jeunes de la rue à N’Djaména. Tamara Furter, de l’Eglise évangélique La Chapelle (FREE) au Brassus, a découvert que l’on peut être fort et joyeux dans la précarité.

  • « Oui, la relève de l’Eglise passe par les femmes »

    Ven 16 septembre 2022

    Nel Berner, 52 ans, est dans la dernière ligne droite de ses études en théologie à la HET-PRO. Pour elle, la Bible est favorable au ministère féminin. Et les communautés doivent reconnaître avoir besoin tant d’hommes que de femmes à leur tête.

eglisesfree.ch

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !