Dieu le Père

jeudi 30 août 2007
Lors de sa création en novembre dernier, la FREE a adopté une nouvelle confession de foi. La théologienne Corinne Siegrist nous propose de réfléchir à la deuxième affirmation de ce texte : la confession de Dieu comme Père. Dans un contexte où certains demandent à ce que l’on appelle Dieu Mère, elle pondère les élans et rappelle qu’il y a une dimension spécifique à l’image de la paternité de Dieu. A lire !

Nous affirmons: «Dieu est le Père». C’est parfaitement vrai. Mais que disons-nous lorsque nous affirmons cela? Souvent, nous avons en tête non pas Dieu «le Père», mais seulement un père. Nous avons donc imaginé un père qui ressemblerait au nôtre ou à celui que nous aurions aimé être. Parmi les fausses idées qui circulent à propos du Père, en voici deux qui ont en commun d’être humaines.
Le premier père, très à la mode aujourd’hui, c’est le bon type, le «bon Dieu». Un peu dépassé par ses «yé-yé» d’enfants, il est prêt à leur trouver toutes les excuses pour justifier leur mauvais comportement. C’est une bonté assimilée à de la faiblesse et ce père finit par être méprisé par ses enfants.
Le second père, qui n’est que l’envers de celui-là, c’est le «pater familias» antique (le maître, le propriétaire), dur et brutal, toujours prêt à sévir, à punir.
Ces deux représentations, outre d’être caricaturales, voilent la vraie nature de Dieu comme Père. En contraste, dans notre confession de foi, nous ne disons pas que Dieu est un père, ni même le meilleur des pères. Nous disons qu’il est «le Père». Nous cherchons à préciser cela en disant que Dieu est saint au-delà de tout ce que la pensée humaine peut concevoir. Dieu est Père sans les lacunes des pères terrestres.

Père et mère?
Depuis quelques années, des théologies féministes ont attiré notre attention sur les éléments maternels de Dieu. Elles évoquent les passages où Dieu a des activités ou des émotions «féminines»: il est comme une sage-femme qui donne naissance (Ps 22. 9-10), il gémit comme une femme en travail (Es 42.14), et même si une mère peut oublier son enfant, Dieu ne nous oublie pas (Es 49.15).
En ce qui concerne les qualités, on peut affirmer avec force que Dieu manifeste dans son être toutes les qualités imaginables, et bien au-delà, qu’on les désigne dans notre perception humaine comme masculines ou féminines.
Dieu ne doit pas être enfermé dans un discours masculin. Dans la Bible, il est affirmé que l’être de Dieu est reflété dans l’homme et la femme. «Dieu créa l’être humain à son image, à l’image de Dieu il le créa: mâle et femelle il les créa» (Genèse 1.27).
Ces remarques sont importantes dans la mesure où elles attirent notre attention sur le fait que la paternité de Dieu n’est pas autoritaire et dure. Elle contient des éléments «maternels» comme la miséricorde et la tendresse. En revanche, on ne peut abandonner la notion de paternité sans perdre cette dimension fondamentale de l’adoption. Ce qui qualifie la maternité, c’est le lien biologique: la relation de la mère à l’enfant est naturelle. Ce qui qualifie la paternité, c’est l’adoption et la responsabilité. Un père doit choisir de devenir le père de ses enfants. Il doit les reconnaître au moment de la naissance. Quand nous parlons de paternité dans notre confession de foi, nous ne parlons pas de caractère masculin, mais d’adoption et de responsabilité du père pour ses enfants.
Affirmer que Dieu est Père, c’est dire que Dieu a choisi. Il a choisi la création, il a choisi l’humanité, il a choisi Israël. En Jésus-Christ, il nous a choisis comme fils et filles. A la différence de ceux qui parlent de Dieu essentiellement comme d’une mère, nous ne pensons pas avoir une nature divine qui nous aurait été communiquée par notre naissance, mais nous croyons que c’est en se tournant vers Dieu par le Saint-Esprit que l’être humain peut être adopté et devenir «fils ou fille de Dieu».

Le Père créateur
Il est important de faire le lien entre la paternité de Dieu et la création. Dieu ne crée pas tout et n’importe quoi sans raison. C’est en tant que Père aimant qu’il met en place avec soin le décor, le lieu de vie de l’être humain, qui est le point culminant de sa création. Tout ce que Dieu a fait est déclaré bon et même très bon. C’est le péché qui va rendre la terre parfois inhospitalière pour l’homme.
La création nous parle de Dieu, mais elle ne suffit pas à nous le faire connaître. Nous ne pouvons monter jusque vers le créateur en observant ce qu’il a créé. Nous avons besoin qu’il se révèle lui-même. Nous avons besoin d’une révélation spécifique et c’est ce que Dieu a fait en parlant aux hommes, à Israël, par la loi et les prophètes et surtout par l’envoi de Jésus-Christ, qui est venu nous révéler le Père.
Le Dieu vivant est celui qui intervient dans l’histoire, dans l’histoire d’Israël comme dans notre propre histoire. L’histoire biblique est marquée par quelques événements marquants dont l’Exode et la venue de Jésus-Christ. A chacun de ces événements correspond un approfondissement de la compréhension de Dieu.

Dieu se révèle par l’Exode
Dans l’Ancien Testament, Dieu est désigné onze fois comme Père. Il se révèle non pas comme un père biologique, et encore moins comme un père tyrannique, mais plutôt comme un père adoptif qui a libéré un peuple, le peuple d’Israël, et l’a appelé à vivre des relations nouvelles, libres et fraternelles.
L’identité des Hébreux, en tant que peuple, se forge avec l’Exode. Dieu se révèle comme celui qui, à partir d’un groupe d’esclaves opprimés en Egypte, va constituer un peuple libre, à travers une marche dans un désert.
Dieu n’est pas sourd au cri et à la souffrance de son peuple. Quand celui-ci est sous le joug de l’esclavage, il vient le libérer. Dieu se révèle à Moïse au buisson ardent et il l’envoie pour la libération. Il conduit le peuple dans le désert par sa main puissante. Il fait alliance. Il donne sa loi sur le mont Sinaï.
La loi est un don, elle est le mode d’emploi de la liberté. Dieu appelle Israël à ne pas renoncer à cette liberté, nouvellement acquise, avec la première idole venue. Israël est invité à ne pas copier la façon de vivre de ses voisins, mais à devenir un peuple à part, un peuple saint qui sera le témoin de l’Alliance. Pour sa part, Dieu se révèle fidèle à sa promesse faite à Abraham, Isaac et Jacob.
Mais Israël va échouer plus d’une fois et Dieu envoie des prophètes pour le remettre sur la bonne voie et pour lui rappeler qu’il est appelé à marcher dans la justice. De ces échecs et de l’oppression extérieure va naître chez les Israélites l’attente du Messie, de l’envoyé de Dieu qui les libérera de cette situation d’échec.

Révélation par Jésus
C’est dans la personne de Jésus-Christ que Dieu va faire aboutir sa révélation. Jésus va révéler Dieu en tant que Père de tous les hommes. La notion de Dieu Père n’est pas complètement nouvelle, mais Jésus va lui donner une ampleur inédite.
Dans le Nouveau Testament, Dieu est désigné 170 fois comme Père. Souvenons-nous que le Christ, quand il parle de Dieu, l’appelle presque toujours: «Père». Ensuite, lorsqu’il veut nous faire entrer dans le plus profond mystère de Dieu, il nous le peint sous les traits d’un Père: c’est la parabole dite du «fils prodigue» (Lc 15. 11-32). Et enfin, quand il veut que nous lui donnions un nom dans la prière, il nous dit de l’appeler «notre Père».
La relation entre Jésus et Dieu peut se résumer en un seul mot: « Abba », qui signifie « Père » en araméen, la langue que parlait Jésus. Chaque fois qu’un évangile rapporte une prière ou une parole que Jésus dit à Dieu, il est appelé « Père » (sauf «Mon Dieu» en Mt 27.46).
Jésus invite ses disciples à découvrir cette intimité. Lorsqu’il veut encourager ses disciples à persévérer dans cette relation, il raconte la parabole de l’enfant qui demande du pain et du poisson à son père qu’il conclut en disant: «Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent» (Mt 7. 9-11).
Cette paternité de Dieu est étendue à tous les hommes qui se tournent vers lui. Tous les hommes sont maintenant invités au repas de son Royaume (Lc 14. 15-24). Il attend et il accueille tous ceux qui, sur le chemin de leur vie, font demi-tour pour faire route vers lui (Lc 15. 11-32).
Laissons-nous éblouir par le bonheur d’entrer dans l’intimité de notre Père. Sachons reconnaître ce privilège et goûter avec reconnaissance à son amour, son accueil et son pardon.
Corinne Siegrist

L’élément de la confession de foi médité :
Dieu le Père

Le Père est à l’origine de toutes choses et a tout créé par sa volonté. Saint, au-delà de tout ce que la pensée humaine peut concevoir, il s'est révélé aux hommes et les a appelés à marcher selon sa justice. Par Israël, peuple de l'alliance, qu'il a libéré de l'esclavage et conduit par la loi et les prophètes, il a préparé la venue de son Fils, en qui il a fait connaître sa volonté de sauver par grâce tous les hommes.

  • Encadré 1: Petite bibliographie
    Keshavjee Shafique, Dieu à l’usage de mes fils, Seuil, Paris, 2000.
    Maillot Alphonse, Le Credo, Réveil Publications, Lyon, 1997.
    Nouis Antoine, Un catéchisme protestant, Réveil Publications, Lyon, 1997.
  • Encadré 2: Bio express
    Corinne Siegrist, mariée, est mère de 3 enfants. Elle est institutrice et a obtenu une maîtrise en théologie. Elle aime le café avec de la crème fouettée, lire et les balades dans la nature.
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